Quoi de neuf ?

Plurilinguisme, identité et éducation anti-raciste

August 15, 2023 Les cafés du CREFO Season 4 Episode 4
Quoi de neuf ?
Plurilinguisme, identité et éducation anti-raciste
Show Notes Transcript

Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Rahat Zaidi, professeure titulaire à l'Université de Calgary

Rahat Zaidi est professeure et directrice de Langue et littératie à la Faculté d’éducation Werklund de l'Université de Calgary. Ses recherches portent sur les littératies multilingues qui permettent de mieux comprendre la sociophobie, la diversité, l'immigration et le pluralisme. Grâce à ses recherches, elle fait progresser la justice sociale et l'équité, le transculturalisme et le positionnement identitaire dans les contextes immigrés et transculturels, qui sont tous particulièrement pertinents et adaptés aux contextes sociaux, culturels et politiques dans lesquels la société fonctionne aujourd'hui. Les travaux de Mme Zaidi ont été publiés dans des revues telles que le Journal of Literacy Research, The Reading Teacher, le Journal of Early Childhood Literacy et le Journal of Early Childhood Research. Parmi les ouvrages qu'elle a publiés, citons Anti-islamophobic curriculums et Literacy lives in transcultural times, Framing peace: Thinking about and enacting curriculum as "radical hope", et Thinking about and enacting curriculum in "frames of war". Elle a reçu plusieurs prix et distinctions pour ses contributions dont le Prix de la justice sociale dans la formation à l’enseignement de l'American Education Research Association et le Prix en éducation de la ville de Calgary en 2020. Elle est membre de plusieurs associations et elle participe à des projets collaboratifs. Ses recherches les plus récentes sont financées par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Joey [00:00:00] Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Rahat Zaidi, professeure titulaire à l'Université de Calgary. 

Rahat [00:00:07] C'est-à-dire que c'est cette idée que vous avez une certaine relation à un espace. Et cette relation est complètement liée à votre identité linguistique et culturelle. 

Joey [00:00:20] Bienvenue à Quoi de neuf? 

Emmanuelle [00:00:35] Bonjour à tous et à toutes. Je suis heureuse de vous retrouver après une année d'interruption et de commencer cette nouvelle saison des podcasts ou des balados du CREFO avec une invitée de marque aujourd'hui. C'est la professeure Rahat Zaidi. Bonjour Rahat! 

Rahat [00:00:55] Bonjour! 

Emmanuelle [00:00:56] Comment vas-tu? 

Rahat [00:00:57] Très bien, merci pour ton invitation très gentille. 

Emmanuelle [00:01:02] Et merci de l'avoir acceptée à cette période de l'année qui est souvent si remplie, si pleine. Alors au début du livre que nous venons de publier chez Cambridge qui s'appelle, alors je vous donne la traduction en français, Multilinguisme et éducation. Parcours et perspectives de chercheurs, tu écris, et alors là, je cite et c'est ma traduction : « Je viens d'une famille qui a connu trois générations de migrations à travers le sous-continent, l'Amérique du Nord et l'Europe, des déménagements et des déplacements marqués dans certains cas par la nécessité et dans d'autres par le choix. Certains de mes premiers souvenirs remontent à mon éducation, dans un environnement trilingue à Chiraz, en Iran. Mon multilinguisme individuel s'est développé en conséquence directe du fait que mes parents me parlaient en mélangeant l'ourdou et l'anglais. Ma grand-mère ne me parlait qu'en ourdou, je fréquentais une école strictement farsi et je parlais aussi à mes voisins dans cette langue. En fait, j'ai commencé à pratiquer inconsciemment la translangue à un très jeune âge en utilisant mon répertoire personnel de compétences linguistiques pour développer une forme hybride de communication et m'établir comme communicateur par défaut entre les membres de la communauté et de la famille. Cela m'a permis d'acquérir une profonde compréhension, tant linguistique que culturelle, de la communauté qui m'entourait, car je passais continuellement de la langue de la communauté à celle de la famille. J'ai très vite appris à pratiquer le plurilinguisme dans mes activités quotidiennes en passant facilement d'une langue à l'autre, en fonction de la personne avec laquelle je conversais à ce moment-là ». Fin de la citation. Merci Rahat pour ce beau texte qui, j'en suis sûre, aura donné envie aux auditeurs de lire la suite qu'ils pourront découvrir dans ce fameux livre. Alors je voudrais commencer par une question qui est la suivante. Rahat, qu'est-ce qui te fait rêver? 

Rahat [00:03:13] C'est une belle question. Je peux parler de beaucoup de choses, mais je pense que je vais rester dans le domaine de ma recherche. Pour répondre à cette question, donc en pensant à ce qui me fait rêver, je pense que c'est plus l'idée que tous les gens autour de moi, on pourra s'exprimer dans n'importe quelle langue et qu'on pourra s'entendre à travers les langues. Donc ça, cette idée me donne beaucoup de choses à réfléchir. Ça me donne de la joie parce que je pense que c'est possible dans quelque contexte. Vraiment, c'est une idée qui me fait rêver. 

Emmanuelle [00:04:03] Oui, et c'est vraiment l'enfant que tu étais, c'est comme ça que tu as grandi en créant des liens entre les personnes avec tes compétences. Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu de cette biographie? Comment tu naviguais entre ces questions concernant les langues, les cultures, les identités? 

Rahat [00:04:20] Oui, absolument. Donc comme j'ai dit au début de mon chapitre, je viens d'une famille qui a connu beaucoup de migrations à travers les continents. Mes grands-parents habitaient une très belle ville en Inde avant que l'Inde soit séparée et que le Pakistan a été créé à l'époque. Donc, d'une certaine façon, ils étaient obligés, à cause des circonstances à ce moment-là, de quitter le pays. Et ça aussi, ils l'ont fait tout à coup. Donc ils ont recommencé leur vie dans le Pakistan. Et puis mon père, il était assez jeune à l'époque, mais il se souvenait du moment où ils ont traversé l'Inde vers le Pakistan. Et puis c'était une famille qui avait beaucoup d'histoires, il y avait beaucoup de traditions dans la famille. C'était une grande famille où tout le monde vivait très heureusement, une vie heureuse dans la partie de l'Inde qui s'appelle Uttar Pradesh et qui est la partie ourdouphone dans le pays même aujourd'hui. Donc, en fait, d'une certaine façon, en quittant l'Inde, ils ont tout perdu. Ils ont dû recommencer leur vie et la vie était très, très différente dans le sens que, en Inde, ils avaient beaucoup... la qualité de la vie était très différente. Il y avait les maisons ancestrales qui appartenaient à la famille depuis des générations, et ils ont dû tout quitter et puis recommencer dans un pays qui était très jeune parmi une population aussi qui était un peu de partout parce que tout le monde a quitté l'Inde dans des régions très, très différentes et variées, et ils sont venus vers le Pakistan. La seule chose que je pense réunissait tout le monde, était l'identité religieuse. Donc ça aussi, c'était une identité assez forte. D'ailleurs, c'était la raison pour laquelle ils ont choisi de quitter l'Inde et de venir vers le Pakistan. Et puis donc, le multilinguisme, je pense, ça vivait dans la famille depuis des générations parce que mes grands-parents ils lisaient l'arabe et le comprenaient un peu. Et puis ils connaissaient la langue persane, par exemple, à cause de la poésie, à cause de la littérature, donc c'était une langue de culture, de la même façon, l'arabe, c'était la langue qui appartenait à leur identité religieuse. Donc c'est comme ça qu'ils sont arrivés au Pakistan et là-bas je pense que, à cause du fait que l'Inde a été colonisée, la langue anglaise a été toujours vue comme la langue qui va vraiment vous donner du succès. Ou alors elle va vous mener vers un trajet dans lequel vous pouvez réussir d'une façon professionnelle aussi bien que personnelle. Donc, la langue anglaise... tout le monde mettait beaucoup d'emphase sur cette langue. Donc mon père a été scolarisé dans un système qu'on peut... ce n'était pas vraiment un système bilingue, mais quand même, c'était un système où il était entendu que c'est vraiment la langue anglaise qui est la langue de pouvoir. Donc tout le monde voulait faire du bien et essayer de comprendre cette langue et de l'apprendre. Mais à l'époque, dans sa famille, il n'y avait pas vraiment la langue anglaise à l'intérieur de la famille donc personne ne parlait l'anglais. Par exemple, ma grand-mère, elle parlait seulement l'ourdou, mais mon grand-père aussi. Donc même mon père, je pense que pour lui, c'était vraiment la seule langue qui était sa langue maternelle. Mais les choses ont changé petit à petit à travers les générations. Et moi, je suis née dans une famille où il y avait une emphase sur l'anglais aussi, parce que c'était l'époque dans le pays où mes parents pensaient que vraiment c'est la langue anglaise qui va m'amener vers une vie qui sera beaucoup plus réussie dans le sens de l'éducation. Donc, je suis née en Angleterre parce qu'à l'époque ils étaient là-bas. Depuis le début, je me souviens que mes parents me parlaient dans les deux langues. Ensemble, ils mélangeaient et je répondais dans n'importe quelle langue. C'était vraiment normal. Donc anglais, ourdou, on mélangeait tout dès le début. Mais quand je suis arrivée en Iran, on avait un nouveau défi devant nous parce que moi j'étais assez petite à l'époque. Je suis entrée à l'école. Et puis en Iran, il n'y avait personne qui parlait la langue ourdoue. Et puis mes parents devaient apprendre la langue persane très vite. Et puis moi aussi, je l'ai apprise. Puis ma grand-mère qui était avec nous, elle ne parlait pas le persan et elle ne comprenait pas. Donc c'était moi qui étais, comment on appelle en anglais, le langage broker, entre la grand-mère et la communauté, et puis la société en général. Et puis je passais très naturellement d'une langue à l'autre. Donc j'habitais dans cet espace où il y avait un mélange où des fois, c'était seulement la langue ourdoue ou c'était seulement la langue persane, par exemple à l'école. Et puis quand on retournait dans le pays de temps en temps, au Pakistan, c’était toujours un mélange avec l'anglais et la langue ourdoue. 

Emmanuelle [00:11:07] C'est incroyable. Quel parcours! Tu as commencé alors, ta famille a commencé en Inde, puis au Pakistan. Toi, tu es née en Angleterre, ensuite tu es partie en Iran. Et là on est là toutes les deux et on parle français. Alors comment tu expliques ça? 

Rahat [00:11:22] Je pense que nous sommes tous le produit de notre histoire familiale. D'ailleurs, c'est ça qui m'a attirée vers ce projet de votre livre Emmanuelle. Je pense que c'était cette idée de vraiment mettre l'emphase sur l'identité personnelle pour montrer comment nos histoires nous amènent à faire des choses qui sont super intéressantes d'ailleurs dans notre vie professionnelle. Donc, dès le début, comme j'avais expliqué, j'ai été exposée aux langues différentes. J'ai d'ailleurs passé quelque temps de ma vie en Italie aussi, où j'ai appris à parler italien. Mais après, j'ai oublié parce que je n'ai pas pratiqué assez. Mais je pense que tout ça, ça m'a donné ce... comment on dit ça en français, je pense cette idée de l'habitus dont Bourdieu parle. Donc c'était mon habitus culturel, c'était mon capital culturel, c'est-à-dire que j'avais accumulé tous ces espaces et dans mon esprit, j'essayais de donner une certaine, comment dire, meaning dans le sens que je cherchais qu'est-ce que ça veut dire pour moi-même personnellement. Donc, un jour, j'ai décidé comme ça, je pense que j'avais peut-être 18 ans ou 19 ans, et au Pakistan l'Alliance française offrait des cours de français langue seconde aux adultes. Et je me suis inscrite là-bas et ça a changé ma vie après. I never looked back, c'était vraiment juste dans une direction. Donc pour moi, ça m'a beaucoup attirée, j'ai beaucoup aimé la langue. Je pense que c'était un peu le rythme. Ça me rappelait mon enfance dans le sens qu'avec la langue persane aussi, tu as la même sonorité, c'est un certain rythme dans les langues. Et puis surtout, pour le français, je pense que c'était cette idée que ça a ouvert une porte vers le monde occidental qui m'a fascinée toujours comme une femme pakistanaise qui vivait à l'époque dans un pays où il n'y avait pas vraiment une tradition pour les femmes musulmanes de faire ce genre de choses. J'ai commencé mon exploration avec la langue française comme un adulte et puis j'ai continué et à partir de là, j'ai eu des bourses du gouvernement français pour continuer mes études. J'ai fait des diplômes, le DELF, le DAL, tout ça. Et puis j'ai fait une formation de maître à l'Alliance française à Paris et après j'ai commencé une maîtrise à Paris III à la Sorbonne. J'ai été acceptée dans le programme et ça a continué. J'ai fait une maîtrise, j'ai fait un DEA et puis j'ai terminé avec un doctorat à la Sorbonne, il y a presque une vingtaine d'années maintenant. C'est comme ça que ça a commencé. Et puis la question qui m'a toujours intéressée et d'ailleurs, ça continue dans ma vie, c'est exactement ce que tu viens de me poser comme question cette année. Comment on vit dans ces espaces? Qu'est-ce que ça veut dire d'apprendre, de lire, de parler dans toutes ces langues? Et qu'est-ce qu'on peut faire avec ça? Et est-ce que c'est possible d'établir des ponts entre les personnes qui vivent dans des mondes très différents? On peut être différents, mais on peut être similaires aussi, dans un certain sens. Donc qu'est-ce que ça veut dire tout ça? 

Emmanuelle [00:15:40] C'est incroyable tout ce dont tu nous parles. Tu nous parles de religieux, de langue, de culture, tu nous parles de perte, de perte lourde mais aussi de gain de tout ce que tu as pu apprendre au cours de ces pérégrinations. Et c'est intéressant parce que finalement tu as choisi le français dont tu parles comme d'une porte vers le monde occidental, comme si c'était quelque chose qui ne t'était pas offert par l'anglais, peut-être quelque chose dont on pourra discuter. Mais je trouve extraordinaire et un nouveau départ pour quelqu'un d'aussi... pour quelqu'un d'aussi plurilingue et pluriculturel que toi. Alors on aborde là maintenant, tu nous as parlé de ton PhD, donc on aborde ta carrière. Alors je vais faire un tout petit point sur ta carrière, si tu me le permets. Un tout petit parce qu'en fait, tout ce qu'on trouve sur Internet, c'est énorme. Mais tu es professeure et directrice de Langue et littératie à la faculté d'Éducation Werklund de l'Université de Calgary. Tes recherches portent sur les littératies plurilingues qui permettent de mieux comprendre la sociophobie, la diversité, l'immigration et le pluralisme. Et comme tu nous l'as dit si bien, dans tes recherches tu vises à faire progresser la justice sociale et l'équité, le transculturalisme et le positionnement identitaire dans les contextes immigrés et transculturels. Alors, tes travaux ont été très largement publiés dans des revues telles que le Journal of Literacy Research, The Reading Teacher, The Journal of Early Childhood Literacy etc. Tu as publié de nombreux ouvrages, dont l'un que tu m'as montré l'autre jour, qui s'appelle en français Curricula anti-islamophobiques, donc Anti-Islamophobic Curriculums et Literacy Lives in Transcultural Times et encore beaucoup d'autres que je ne vais pas citer ici. Tu as aussi reçu de nombreux prix et distinctions pour ces contributions, dont le prix de la justice sociale dans la formation à l'enseignement de l'American Educational Research Association et le Prix en éducation de la ville de Calgary en 2020. C'est très impressionnant. Alors, on s'est arrêtées à la France et puis maintenant, c'est le Canada. Alors comment est-ce que tu es arrivée au Canada et dans quelle mesure est-ce que tout ce que tu avais accumulé comme connaissances, comme expériences de perte et de gain, encore une fois, ont influencé ce parcours et continue de l'influencer. Est-ce que tu peux nous en parler? 

Rahat [00:18:24] Je pense que ma base a été établie en France où j'ai appris comment faire de la recherche. J'ai été introduite à des méthodologies diverses au sein du programme que je suivais là-bas et qui était d'ailleurs en didactologie des langues et des cultures. Donc c'était ça que je poursuivais comme domaine. Donc, dès le début, j'étais intéressée par cette idée que nous vivons dans un espace où tout est mélangé. On ne pourra plus parler d'un monolinguisme, de quelqu'un qui est monoculturel. There isn't such a thing... le monoculturalisme, à mon avis, n'existe pas. Il n’y a personne qui pourra dire ça, à mon avis. S'ils sont en train de dire they are lying. C'est ça dans mon esprit, je pense. Donc j'ai été fascinée par le programme que je suivais à la Sorbonne. Ça m'a donné cet espace culturel que je pense que l'anglais ne m'offrait pas. Pour moi, dans mon esprit, l'anglais c'était la langue des colonizers, en quelque sorte. C'était la langue.... 

Emmanuelle [00:19:57] Des colonisateurs. 

Rahat [00:20:00] Oui, des colonisateurs. Et puis le français, c'était pour moi vraiment une langue dans laquelle j'étais libre à explorer, à commencer à zéro, sans pression de m'exprimer d'une certaine façon ou de faire... ça m'offrait une façon de voir le monde à travers la littérature, à travers la philosophie, à travers l'art. D'ailleurs, j'ai beaucoup appris pendant mes années là-bas. Et puis, une fois que la thèse a été finie, je me suis retrouvée au Canada. Ce n'était pas du hasard, dans le sens que moi, j'étais intéressée à explorer la question de l'immigration, la question des langues et les questions qui étaient plus dans la direction du multiculturalisme, multilinguisme. Et je pense que le Canada, c'est vraiment ça. C'est un espace où on peut explorer toutes ces questions d'une façon très intéressante. Donc je me suis trouvée à McGill et puis à l'Université de Montréal, où il y avait des gens comme Marie McAndrew, qui dirigeait d'ailleurs un centre d'Études ethniques à l'époque, qui existe toujours. Donc j'ai travaillé là-bas sur ces questions pendant un peu de temps. Et puis je me suis retrouvée après à l'Université d'Ottawa, où je poursuivais les mêmes questions. J'ai été offert un poste menant à la permanence à l'Université de Calgary, après assez vite, dans lequel ils m'ont donné le défi d'établir un agenda de recherche dans lequel il fallait explorer toutes ces questions qui m'intéressaient d'ailleurs, liées à la question de didactique des langues, mais liées à la question du plurilinguisme aussi. C'est-à-dire que quand on parle, que ça soit la langue française ou l'allemand, ou le japonais, ou le pendjabi ou l'arabe, qu'est-ce que ça veut dire pour les enfants qui parlent une autre langue à la maison et qui sont scolarisés dans les langues comme l'anglais au Canada ou le français d'ailleurs. Donc c'était ça la question mais c'était lié à toutes sortes de choses comme toi, tu le connais déjà, Emmanuelle, parce que tu fais des choses tellement intéressantes, donc dans ton parcours aussi toi. Donc cette idée qu'on peut avoir toutes ces identités par rapport à nos histoires familiales, par rapport aux langues qu'on parle à la maison. Et puis on peut faire quelque chose qui soit complètement différent à l'école qui n'est pas du tout lié à ces histoires. Donc j'avais ce défi d'établir ma recherche autour de ces questions et puis essayer de voir qu'est-ce que ça veut dire pour la didactique des langues. Qu'est-ce que ça veut dire pour la formation des maîtres aussi à Calgary, qui était d'ailleurs à l'époque assez homogène. Mais, les choses ont changé depuis, ça c'est une quinzaine d'années d'ailleurs. Donc beaucoup a changé depuis que j'ai commencé à travailler là-bas. Mais je pense que les questions restent toujours les mêmes. C'est-à-dire qu'est-ce que ça veut dire pour nous comme enseignants et comment on peut utiliser les atouts que les gens amènent, ou l'habitus que les gens ont dans leur vie personnelle. Qu'est-ce qu'on peut faire avec tout ça dans l'espace public? Donc c'est comme ça que j'ai commencé à établir mon agenda et j'ai fait beaucoup de choses au niveau de la méthodologie, que ça soit au niveau didactique, dans les classes de langue ou en littératie, ou que ce soit en didactique des langues par rapport à la formation de maîtres aussi. 

Emmanuelle [00:24:30] Extraordinaire. Alors tu nous as dit tout à l'heure que tu ne croyais pas au monolinguisme, ni au monoculturalisme et tu vas même plus loin, tu parles d'un pouvoir inexploité de la diversité pour faire progresser la justice sociale, justice sociale que tu traduis par des notions d'équité et d'inclusion dans ces contextes immigrés et transculturels. Est-ce que tu peux nous parler de ces pouvoirs inexploités de la diversité? Comment... de quoi tu parles exactement? Et comment tu les mets en place dans tes recherches parce que je sais que tes recherches sont des recherches appliquées. Ce n'est pas quelque chose que tu fais dans ta tour d'ivoire, mais tu passes ton temps dans les écoles, dans les communautés, avec les familles. Est-ce que tu peux nous parler de ça? 

Rahat [00:25:16] Oui, bien sûr. Donc j'ai travaillé depuis des années avec des enseignants dans les écoles, que ça soit les écoles élémentaires ou plus récemment des écoles secondaires aussi. J'ai travaillé pour dessiner des ateliers dans lesquels on introduit les langues des communautés. Donc on a introduit des programmes plurilingues de lecture dans lesquels on a invité des lecteurs et des lectrices qui appartenaient à la communauté. Donc, on a utilisé des livres qu'on appelle Dual Language Books, ce sont des livres qui sont publiés par exemple par des publishers qui viennent de l'Angleterre. Il y en a beaucoup, mais moi j'ai beaucoup travaillé avec des livres qui ont été publiés en Angleterre, qui s'appellent Dual Language Books. La chose qui m'a attirée vers ce genre de littérature était le fait que chaque titre a été traduit en à peu près une trentaine de langues. Donc ça m'a donné la possibilité de travailler avec des langues qui étaient représentées par les membres des communautés. Par exemple, dans mon milieu, je travaillais dans des écoles qui représentaient, disons, presque 120 langues différentes. Donc, à travers une école de presque peut-être 600 enfants, il y avait 120, 130 langues qui étaient parlées par des familles. Donc qu'est-ce qu'on peut faire avec les langues? On a essayé d'inviter des grands-parents, des parents dans des classes mainstream pour venir et lire dans leur langue. Et puis ça a été suivi toujours par un enseignant qui lisait le même texte en anglais. Donc, on a beaucoup travaillé avec comment on fait ce genre de lecture. Qu'est-ce que ça veut dire lire dans deux langues en même temps? Qu'est-ce que ça veut dire lire en trois ou quatre? Même des fois, on faisait des lectures dans quatre langues en même temps. Donc on a invité par exemple quelqu'un qui parlait le tagalog ou quelqu'un qui parlait l'espagnol ou l'arabe ensemble. Et il y avait des comparaisons que les enseignants faisaient entre les écritures de ces langues ou comment l'histoire a l'air très différente quand tu vois ça à l'écrit ou quand tu l'entends. Donc on travaillait sur cette idée qu'il faut vraiment introduire les étudiants à cette idée globale, c'est-à-dire l'idée de multiculturalisme pour combattre cette idée de monolinguisme, monoculturalisme, c'est-à-dire que le monde c'est vraiment un melting pot. Donc quand on voit tout ça ensemble, c'est une réflexion du monde en général. Donc on a essayé d'introduire toutes ces idées aux étudiants. Des fois, les étudiants, ils parlaient ces langues eux-mêmes, mais ce n'était pas nécessaire que les langues qui ont été introduites dans les classes étaient les langues qui ont été parlées par les étudiants qui assistaient à ces cours. Donc ça, c'était vraiment ma façon de travailler dans la direction de Social Justice dans le sens qu'on voulait vraiment augmenter ces idées parmi les enseignants avec qui on travaillait aussi sur ces idées interculturelles, c'est-à-dire comment tu travailles avec les cultures à travers les langues, sans être un expert sur toutes les langues. Donc c'était une des choses que j'ai faites. Donc je vais m'arrêter ici. 

Emmanuelle [00:29:52] En t'écoutant, on comprend vraiment, on pourrait t'écouter pendant des heures, donc tu peux continuer, mais on comprend vraiment que finalement, les langues de chacun de ces élèves ne sont que le paravent qui cache les merveilles de la culture. J'ai beaucoup aimé parce que tu as dit « l'histoire a l'air différente selon les langues » et je trouve ça formidable, parce que ça veut dire que finalement, de limiter à une langue, c'est aussi limiter le pouvoir du rayonnement de chaque histoire. Tu nous as parlé brièvement de ta collaboration avec les enseignants, mais je me demandais dans quelle mesure est-ce que cela rentre dans la formation initiale et continue des enseignants et quelles sont les directives? Est-ce qu'il y a des directives officielles, peut-être que tu as fait venir toi, qui te permettent justement d'implanter ces pratiques de manière justifiée et justifiable. 

Rahat [00:30:47] Oui, bonne question. Donc je pense que c'est en collaboration avec les enseignants et les écoles, on avait réfléchi aux questions du multilinguisme, aux questions de didactique spécifiquement quelles sont les stratégies avec lesquelles on peut introduire ce genre de choses en pensant au programme des études aussi, donc. Pour moi, le point d'entrée était le curriculum pour Language Arts, c'est-à-dire en anglais. Moi, j'ai pensé que c'était à travers l'anglais qu'on pourra entrer en dialogue avec les communautés à travers les autres langues. Donc, c'est-à-dire que l'anglais, c'est oui, il faut apprendre l'anglais, c'est la langue de base pour communiquer, mais à travers l'anglais, c'est aussi une opportunité pour être en dialogue à propos des autres langues. Donc on a dessiné beaucoup d'activités, on a travaillé avec les enseignants sur le curriculum, le programme des études pour voir quels sont les moments au niveau de l'enseignement par exemple, que ça soit première, deuxième, quatrième année, n'importe quel niveau, mais comment vous allez faire ça d'une façon que vous pouvez mettre en place des stratégies plurilingues. Donc ça, c'est une façon de le faire. Aussi, on a été inspiré par les arts, donc on a incorporé les arts. Plus récemment, on travaille maintenant avec la technologie aussi sur ça. Donc, c'est-à-dire que toutes ces idées, il faut les faire d'une façon que la technologie aussi on l'utilise d'une manière que ça soit plus dynamique et que les étudiants aussi, ils puissent travailler à travers ces ressources aussi. Donc, oui.

Emmanuelle [00:33:06] Formidable! Et je sais que tu as travaillé beaucoup avec les conseils anglophones de l'Alberta, mais aussi avec les conseils francophones, n'est-ce pas? 

Rahat [00:33:17] Pas le conseil francophone, mais plus les conseils anglophones. Mais j'ai travaillé avec le... À l'intérieur des conseils anglophones, il y a les centres pour la didactique des langues secondes parce que, en Alberta, on a beaucoup d'écoles bilingues. Donc j'ai fait ce genre de choses avec les écoles bilingues espagnoles par exemple, dans les programmes espagnols en Alberta. On a fait ce genre de recherche avec les programmes de pendjabi, de l'arabe, pour ces langues qui veulent introduire les différentes façons d'aborder les langues, en général, parce que leur population est tellement diverse. 

Emmanuelle [00:34:20] Oui, merci. J'aurais tellement de choses à dire et en particulier quelque chose qui me marque beaucoup dans ton travail, c'est le fait que tu... un aspect qui a l'air très important pour toi, c'est la lutte contre l'islamophobie et en particulier en éducation. Est-ce que tu veux me dire comment ça se traduit un petit peu dans ton travail. 

Rahat [00:34:47] En ce moment, je suis... Depuis quelques années maintenant, je travaille dans une petite ville qui s'appelle Brooks, en Alberta. C'est une ville où il y a beaucoup de nouveaux arrivants, de toutes parties du monde, mais surtout, il y a beaucoup de famille qui viennent de l'Afrique et qui sont musulmanes. Donc, je travaille avec des écoles là-bas, les écoles élémentaires, les écoles secondaires et puis on essaye de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour ces nouveaux arrivants qui sont très gênés par la société en général parce qu'ils se sentent très éloignés, ils ont l'impression qu'il n’y a personne qui les comprend. Et puis, il n'y a pas de moyens pour établir un dialogue avec les autres étudiants qui sont un peu gênés dans le sens qu'ils ne veulent pas poser des questions. C'est surtout les femmes qui viennent de cette communauté parce qu'elles portent le hijab et puis c'est un peu le visible appearance qui gêne tout le monde, dans ce sens-là. Donc on a commencé ce travail à travers cette idée qui est au cœur même du livre qui s'appelle Anti-Islamophobic Curriculums, c'est-à-dire qu'il faut toujours commencer par le point central qui est l'identité, c'est-à dire-que dès qu'il y a quelqu'un qui a l'impression que les autres sont gênés par leur existence ou leurs pratiques, ou la façon dont ils parlent ou la façon dont ils s'habillent, il y aura jamais une relation de trust dans ce sens-là entre les membres de la société qu'on appelle mainstream, d'une certaine façon, alors que je ne sais qu'est-ce qu'on veut dire par mainstream. Mais il y a quand même quelque chose qu'on appelle le mainstream et puis les groupes minoritaires qui se sont éloignés de cette idée de mainstream. Donc, on en a commencé par cette idée de l'identité, et on a mis en place beaucoup d'ateliers qui ont été construits à travers l'idée du plurilinguisme, c'est-à-dire commencer en donnant aux participants cette impression que c'est un espace où vous pouvez d'abord utiliser votre première langue pour vous exprimer si vous n'êtes pas confortable en anglais, donc première chose pour commencer. Et puis, deuxièmement, mettre l'emphase sur cette idée d'identité personnelle, c'est-à-dire qui êtes-vous et puis qu'est-ce que ça veut dire pour vous et quelles sont les choses qui sont importantes pour vous, que ce soit des choses qui sont complètement évidentes, ce n'est pas important, mais il faut avoir une conversation à travers ces idées. Donc on a appris beaucoup de choses à travers ce travail, surtout dans le contexte secondaire parce que dans le contexte secondaire, c'est possible d'avoir un dialogue assez avancé, dans le sens où on vous parle beaucoup de la philosophie de la vie, quelle est l'importance de certaines pratiques culturelles. Et dans tout ça, d'un point de vue de recherche, je travaille avec quelque chose qui s'appelle Walking Methodologies en ce moment, c'est-à-dire que c'est cette idée que vous avez une certaine relation à un espace. Et cette relation est complètement liée à votre identité linguistique et culturelle. Et quand vous donnez aux gens l'opportunité de parler de tout ensemble, vous essayez de vraiment avoir les... je ne sais pas quel est le mot en français, mais intricacies, you know you are peeling the layers, c'est-à-dire que vous êtes en train de découvrir tous les aspects qui sont liés à la place par exemple. Donc qu'est-ce que ça veut dire pour vous, par exemple, si vous avez passé beaucoup d'années en Syrie, dans un pays comme la Syrie. Quel était votre emotional attachment à cet endroit et qu'est-ce que vous apportez dans le nouveau pays et comment on peut vous aider à maintenant établir un certain point dans le sens que, à travers vos pratiques et vos langues, vous réussissez à amener un peu de Syrie dans la classe d'aujourd'hui. Donc c'était ça l'idée. Donc établir un espace où les gens se sentent confiants et il y a le trust, c'est-à-dire ils ont l'impression qu'ils peuvent vraiment exposer un peu leur histoire familiale et le background

Emmanuelle [00:40:45] Magnifique. Magnifique. Alors tu nous parles de cet espace, tu nous parles en fait d'un système éducatif qui est en train de se construire. Pour toi, le système éducatif idéal, il ressemblerait à quoi? 

Rahat [00:41:05] Donc évidemment, le plurilinguisme, il faut que ça soit au cœur de ça, je pense, mais aussi le fait qu'une ouverture aux questions d'identité, aux pratiques culturelles, pas d'un point de vue de multiculturalisme dans le sens que vous le voyez comme une chose, comme almost like a folklorish thing, c'est-à-dire qu'on va le célébrer ou on va le fêtez une fois dans l'année et après tu mets toutes ces choses dans une boîte et puis on oublie. Il faut qu'on essaye d'apprendre comment on peut être Canadiens ensemble. Donc c'est le contraire, c'est-à-dire que toutes les identités des personnes qui viennent continuent à exister d'une façon qu'on peut apprendre d'une à l'autre, parce qu'on a tous quelque chose à apprendre de l'autre je pense. Donc essayer de sortir de cette idée de supériorité, je ne sais pas comment dire ça, supériorité occidentale dans le sens que le système en Occident, c'est le système qui va marcher pour tout le monde. Ce n'est pas vrai. Il y a beaucoup de choses qu'on peut apprendre à travers les cultures, donc c'est une des choses dont je parle d'ailleurs dans Anti-Islamophobic Curriculums, dans le sens que, par exemple, prenez l'exemple des mathématiques ou des sciences dans la culture islamique et vous allez voir que c'est là que tous les concepts ont été introduits à travers le monde. Donc pourquoi ne pas parler des atouts que les cultures apportent dans le nouveau contexte et comment on peut mélanger un peu de tout et puis créer une nouvelle identité qui est d'ailleurs même pas multiculturelle mais transculturelle dans le sens qu'il y a cette idée de mouvement, un mouvement constant. C'est-à-dire que moi-même je change, mais toi aussi tu changes et puis ensemble, on crée cette nouvelle identité qui est beaucoup plus excitante d'une certaine façon et dynamique aussi. 

Emmanuelle [00:43:41] Oui, j'aime beaucoup cette idée de transculturalité sur laquelle je travaille aussi moi-même beaucoup. Je sais que tu as un film en préparation. Je crois qu'il est même terminé et qu'il va sortir bientôt. Tu veux nous en dire deux mots, où est-ce qu'on va pouvoir le voir? Quand? À quelles conditions? Comment il s'appelle? 

Rahat [00:43:58] Oui. Le film s'appelle Bridging the Gap. C'est un film documentaire qui a été créé à travers les fonds qu'on a reçus du SSHRC. Et puis c'était dans la catégorie de Partnership Engage Grant que l'on a reçu il y a quelques années. Ça représente beaucoup de travail dans le sens que l'objectif c'est vraiment de montrer les histoires des nouveaux arrivants qui représentent des histoires positives dans le sens qu'ils vont parler aux gens des défis que le système pose pour ces nouveaux arrivants, les défis de langue, les défis de l'intégration, de la culture. Qu'est-ce que ça veut dire quand vous êtes nouveau dans un système. Et puis, je pense que la différence, c'est qu'on est entré dans leur maison, dans leur domicile. Et puis on a passé du temps en utilisant des méthodologies qui ont été inspirées par l'ethnographie et par les arts. Donc on essaye vraiment de, à travers les résultats et les dialogues qu'on a échangés, montrer les histoires de résilience en général. Parce que je pense que le problème, c'est qu'en général, quand on parle des gens qui sont nouveaux, on donne toujours une liste de problèmes en général. C'est-à-dire que voici une liste de problèmes, comment on va les résoudre? Donc nous, on essaie de montrer qu'actuellement, si vous prenez un thé ou un café avec ces gens, vous allez voir que d'abord, ils sont super intéressants. Et puis on a beaucoup de choses à apprendre et que si on réfléchit au niveau d'un problème qu'ils décrivent, tout le monde a un rôle dans ce landscape de problèmes qu'ils décrivent et qu'il faut essayer de les résoudre ensemble, ces défis. Donc, on est allé chercher des entrevues avec des administrateurs, des enseignants, des étudiants, surtout dans la ville de Brooks, parce que là, il y a beaucoup de pourcentage de nouveaux arrivants en ce moment. Calgary, par exemple, c'est numéro quatre au Canada et Brooks, au niveau de GDP c'est numéro un dans le sens que c'est vraiment une petite ville. Et à l'intérieur de ça, it's an explosion de nouveaux arrivants qui est en train d'arriver de partout dans le monde. 

Emmanuelle [00:47:26] On a vraiment envie de le regarder. Donc tu nous communiqueras le lien et puis on le mettra sur le site du podcast. 

Rahat [00:47:32] Oui. 

Emmanuelle [00:47:33] Alors il me reste aujourd'hui à te remercier Rahat. Je pense que les auditeurs vont vouloir découvrir ton travail encore plus et encore mieux qui est tellement riche. Tu nous as parlé d'une école ou d'une éducation qui se construit autour de ses membres, dans leur individualité et dans leur diversité. C'est quelque chose qui me parle beaucoup. Et puis enfin, tu as dit quelque chose qui m'a beaucoup frappée. Tu as posé la question de savoir comment être Canadiens ensemble. Et c'est une question qui me parle à moi aussi. Alors merci beaucoup Rahat et puis à très très vite pour un repas. Alors, avec quelles odeurs? Quel goût? Quelle senteur avec tous les pays par lesquels tu es passée? Je m'attends à plein de surprises. 

Rahat [00:48:20] Oui. Merci. Merci Emmanuelle pour l'invitation. C'est très gentil. Merci. 

Joey [00:48:26] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca