Quoi de neuf ?

Décolonisation, Afrique et Francophonie.

February 12, 2024 Les cafés du CREFO Season 5 Episode 2
Quoi de neuf ?
Décolonisation, Afrique et Francophonie.
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Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO, rencontre Odome Angone, enseignante-chercheure en poste à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Odome Angone est enseignante-chercheure en poste à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Autrice de nombreuses articles scientifiques, ses travaux analysent l'impérialisme  énonciatif de la langue française en dialogue avec  l'héritage colonial du patriarcat en Afrique francophone, selon une perspective intersectionnelle. Femmes noires francophones (2020) est son essai le plus récent.

Joey [00:00:00] Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO, rencontre Odome Angone, enseignante et chercheure à l'UCAD au Sénégal. 

Odome [00:00:09] Lorsque je dis que les langues africaines n'ont pas la notion de genre, ça veut dire que les mots n'ont pas de sexe. Mais moi, étant donné que je parle français, je suis consciente que le genre est une réalité. La langue française a des biais de genre et ça a un impact dans nos vies en termes d'invisibilisation des corps des femmes justement. 

Joey [00:00:31] Bienvenue à Quoi de neuf!

Amal [00:00:45] Bonjour tout le monde, partout dans le monde! Ici Amal Madibbo et bienvenue au podcast du CREFO, le Centre de recherches en éducation franco-ontarienne à l'Université de Toronto. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Odome Angone, qui est enseignante-chercheure, donc docteure Angone, à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal. Mais aujourd'hui, elle se joint à nous depuis Paris, en France. Les recherches du professeure Angone sont des recherches multidisciplinaires qui portent sur les violences systémiques et structurelles par rapport au féminisme et le patriarcat et l'Afrique dans les imaginaires du monde et aussi les féminismes afro-européens et subsahariens. Et madame Odome également, ses recherches et l'ensemble de son travail aident à créer un dialogue transatlantique entre les communautés afro-européennes en Europe et en France. Donc ils tendent également à l'ensemble de la diaspora, que ce soit au Canada ou ailleurs. Odome Angone, bienvenue au podcast du CREFO! Merci de vouloir partager votre savoir et vos expériences avec nous dans cet espace. 

Odome [00:02:20] Merci à toi Amal de m'inviter et de pouvoir converser avec le plus grand nombre. Donc je suis absolument ravie d'être ici ce soir, ce jour et de pouvoir répondre à tes questions. 

Amal [00:02:31] Merci beaucoup! Donc, puisque le féminisme insiste sur le croisement des aspects personnels et politiques, et comme l'identité est une construction sociopolitique où l'auto-identification est un site de résistance et de libération, j'aimerais vous inviter à vous identifier du point de vue de vos trajectoires personnelles, professionnelles et linguistiques. 

Odome [00:02:58] Alors, je m'appelle Odome, enseignante-chercheuse à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. Je suis, par ailleurs, fille unique d'une fratrie de cinq, donc je suis née au milieu de quatre hommes. Et je pense qu'à partir de ce moment-là, je vais forcément avoir une sensibilité différente par rapport à d'autres personnes sur l'identité de qui suis-je en fait. Et au fur et à mesure, étant donné que je suis aussi née dans un pays où l'on parle français, à un moment donné de ma vie, j'ai dû me poser des questions, parmi lesquelles celle de savoir pourquoi à la maison, je parle une langue différente de celle de la scolarisation obligatoire, donc le français. Lorsque l'on sait que la plupart des pays africains sont plurilingues, notamment que les habitants, les habitantes de ces pays-là parlent plusieurs langues qui ne sont pas le français et que curieusement, lorsqu'on arrive aux portes du système éducatif, il y a une injonction qui nous impose de parler le français. Donc à ce moment-là, on se pose plusieurs questions sur qui suis-je en fait, à plusieurs niveaux. C'est quoi être une femme lorsqu'on est née au sein d'une fratrie de quatre où il n'y a que des hommes? C'est quoi être francophone lorsqu'on vit dans un pays qui a un passé colonial et où les langues vernaculaires, comme on les appelle, ne se parlent pas au sein du système éducatif? Donc il y a plusieurs questions que l'on peut se poser, entre autres évidemment. Et puis après je dois dire que, en termes de trajectoire familiale, je suis aussi l'une des premières personnes au sein de ma famille à avoir brisé le plafond de verre des études universitaires. Donc ce sont des héritages multiples au cours desquels, pendant mon parcours, on peut se poser plusieurs questions justement, d'un point de vue identitaire. 

Amal [00:04:52] Donc, quels sont vos domaines de recherche en plus de ce que j'avais souligné? 

Odome [00:05:00] Alors, je fais de ce que je suis, en fait, mes objets de recherche. Je me cherche en tant que moi, individu, au sein d'une planète Terre. Et donc je travaille sur des questions féministes parce que logiquement, étant une femme, je me demande ce que c'est qu'être une femme. Je travaille sur des questions qui ont un lien étroit avec ce que c'est que la francophonie, évidemment, sur les questions de langue et puis aussi finalement des questions sur ce que c'est que le racisme systémique, étant donné qu'à l'échelle planétaire, il s'agit là d'un système politique, d'un régime politique qui a des impacts multiscalaires à plusieurs niveaux. Donc, j'ai décidé de faire de mes propres écueils les axes de recherche de ma propre réflexion scientifique. Beaucoup de gens considèrent que c'est de l'activisme académique. Je pense simplement que cela met au goût du jour la question de la neutralité scientifique justement, parce que lorsque l'on vient des zones considérées comme périphériques, nous avons l'impression parfois que la neutralité scientifique est l'autre langue du discours dominant, donc de la subjectivité du discours dominant. Donc ce sont ces questions-là sur lesquelles je travaille justement, et c'est ce qui m'a aujourd'hui conduit, en ce jour justement, à Paris dans le cadre d'un colloque qui traite des questions ayant un trait sur la décolonialité, les perspectives théoriques, le sens même de la science, en fait. Voilà, donc c'est un peu ça. 

Amal [00:06:31] Ok, d'accord, merci. Dans une entrevue avec vous à TV5 Monde, vous dites, je vous cite « Je me présente comme une citoyenne gabonaise, de nationalité espagnole et sénégalaise par adoption ». Qu'est-ce que ça veut dire? 

Odome [00:06:49] Alors d'abord, c'est une volonté profonde de brouiller les pistes parce que nous vivons dans des enclos géographiques. Dire que je suis une citoyenne gabonaise, c'est rappeler en fait que je suis née dans un pays que l'on appelle le Gabon. Et en l'occurrence, quel que soit ce que je deviendrai, j'aurai toujours un engagement viscéral vis-à-vis de ce pays-là, parce que je n'ai pas choisi d'être de ce pays. Mon enfance a été régie par ce pays-là, mes ancêtres y sont enterrés, mes parents y vivent. Donc je suis condamnée quelque peu à être en lien avec tout ce qui peut arriver au Gabon, quel que soit qui je deviens plus tard. La preuve, c'est que je ne vis pas au Gabon et pourtant, tout ce qui arrive d'un point de vue politique au Gabon me touche et me concerne. Maintenant, je suis devenue espagnole par naturalisation parce que, en fait, la nationalité, ce sont des critères que l'on remplit et puis on peut y avoir droit. Donc je veux rappeler en fait, en disant que je suis de nationalité espagnole, je veux rappeler en fait que le monde est régi par des inégalités en termes de mobilité internationale. Lorsque je vais par exemple au Canada et pourtant je vais parler des questions francophones, mais je voyage avec le passeport espagnol. Donc je veux aussi souligner les paradoxes des mobilités internationales. Et lorsque je dis que je suis sénégalaise par option, c'est que je considère que lorsqu'on est déjà adulte, on ne peut pas être adopté. Donc on opte pour un pays. C'est un choix volontaire. J'aurais pu me retrouver en France, en Italie, mais j'ai choisi volontairement, de façon mature, de vivre au Sénégal par choix. C'est pourquoi je dis que je suis sénégalaise par option. Parce qu'aujourd'hui, étant donné que je suis déjà en résidence depuis au moins une dizaine d'années, en 40 ans de vie sur Terre, je peux quand même considérer que le Sénégal est un de mes pays en termes de construction des imaginaires. Donc aujourd'hui, je ne peux plus me retrouver ni me penser sans penser au Sénégal. Parce que quand même, une dizaine d'années dans un pays c'est beaucoup. Donc, c'est pourquoi je m'identifie à travers ces trois pays-là qui confortent aujourd'hui mon imaginaire de personne en tant que citoyenne monde. Et puis parfois aussi de façon sarcastique, j'aime dire que je suis française de fait, parce que je parle la langue française, parce que bien avant même de venir en France, la France me traverse, je mange du pain, je prépare des crêpes, je vis entourée par l'imaginaire de la culture française, donc parfois de façon sarcastique j'aime aussi dire que je suis française de fait. 

Amal [00:09:19] Oui, merci beaucoup et c'est pour ces raisons que vous parlez bien évidemment le français et l'espagnol aussi. Est-ce que vous parlez d'autres langues? 

Odome [00:09:28] Je parle le fang. C'est une langue transfrontalière qui se parle en Afrique centrale, notamment au Gabon, en Guinée équatoriale, au Cameroun et puis au Congo. Donc c'est une langue transfrontalière, voilà. 

Amal [00:09:44] Et quel est le lien entre vos recherches et la langue espagnole? Parce que je vois que vous avez des publications en espagnol. 

Odome [00:09:51] Bon, alors, la langue espagnole est devenue aussi une langue que je considère être une de mes langues. Déjà parce que c'est ma langue de travail. J'ai fait une thèse en espagnol en Espagne et justement c'est une thèse bilingue dans la mesure où je fais converser des espaces géographiques, en l'occurrence la littérature francophone, à travers l'œuvre de Léonora Miano d'une part, et d'autre part, la littérature cubano-américaine à travers l'œuvre de Cristina Garcia, qui a des origines cubaines et dont la langue de communication et de publication est l'anglais. Et donc justement ces questions identitaires, très tôt, chemin faisant, je me suis rendu compte que c'était des réalités qui me touchaient et qui me concernaient aussi en tant que sujet en provenance de réalités analogues. Et je me suis dit peut-être qu'il était possible de faire d'une pierre deux coups. Cela veut dire que tout en faisant des réflexions scientifiques, en tant qu'objet d'étude, je pouvais aussi apprendre de moi-même à partir de cela parce que, par exemple, Léonora Miano, lorsqu'elle parle de l'amnésie collective dans laquelle vivent des pays qui ont vécu la colonisation, l'esclavage, en termes d'héritage, je me retrouve aussi dans ces personnages et donc je fais des objets d'étude, des corpus de ces travaux-là, des stratégies aussi pour me guérir, moi, en tant que sujet amnésique, issue d'un passé colonial que j'interroge parfois pour comprendre les paradoxes dans le présent. 

Amal [00:11:27] Oui, d'accord. Donc votre auto-identification montre que vraiment l'auto-identification est édifiante et que vos expériences ont un impact crucial sur vos recherches et nombreuses publications. Et au sujet encore une fois de vos publications, donc vous êtes autrice de livres, de romans et d'articles, y compris votre livre Femmes noires francophones. Une réflexion subsaharienne sur le patriarcat et le racisme aux XXᵉ et XXIᵉ siècles. Quel est le message central de ce livre? 

Odome [00:12:07] Le dernier livre que vous avez mentionné ou l'ensemble des publications? 

Amal [00:12:10] Non. Le dernier livre.

Odome [00:12:12] Ah d'accord. Bon, alors le dernier livre. En fait en 2020, à titre personnel, je voulais écrire un livre en m'affirmant et en me positionnant en tant que « je ». Malheureusement, lorsqu'on fait la science, la neutralité scientifique nous impose un impersonnel et donc je ne peux pas dire « je ». J'ai décidé alors de fondre l'ensemble de mes publications en une expérience personnelle pour que l'on comprenne en fait que même lorsque l'on publie des articles scientifiques, parfois on vit aussi ces écueils-là, de façon personnelle. Donc j'ai décidé de m'exprimer à la première personne et puis de faire un bilan parce que, en 2020, j'ai eu 40 ans. J'estimais qu'à 40 ans on peut quand même déjà faire un bilan de sa vie. Je voulais m'offrir un cadeau d'anniversaire spécial. Et comme je suis littéraire, j'ai décidé d'écrire un livre. Et ça a coïncidé avec beaucoup de choses intéressantes parce que, lorsqu'on a 40 ans, c'est quand même un moment phare à titre personnel et puis à 40 ans... enfin en 2020, je veux dire, il y a eu le cinquantenaire de la Francophonie. Et puis en 2020, on a célébré les 60 ans des indépendances africaines. Je me disais quand même qu'avec ces trois éléments alignés en 2020, il aurait été dommage de rater cette opportunité, c'est pourquoi j'ai voulu commettre un livre dans lequel je fais une sorte de bilan, non seulement en tant que sujet francophone pour comprendre ce que cela veut dire, en tant que femme, pour comprendre ce que cela veut dire d'être femme universitaire africaine à 40 ans. Et puis finalement, pour m'assumer et parce que je me suis rendu compte en fait qu'on vit des injonctions contradictoires tout au long de sa vie. Et il était temps, à 40 ans, que j'assume mes prises de position. C'est pourquoi j'ai décidé d'écrire un livre et un essai autobiographique à la première personne en articulant la grande et la petite histoire. Voilà. 

Amal [00:14:03] Et donc ce livre, très important comme vous dites, coïncide avec plusieurs événements très importants aux échelles nationale et internationale. Les événements que vous mentionnez, mais également d'autres événements, y compris de mouvements antiracistes mondiaux, à l'instar des mouvements Black Lives Matter. Et vous savez que l'afro-féminisme mise sur le croisement des catégories sociales et analytiques identitaires telles que la race, les genres et ainsi de suite. De ce fait donc, on est au croisement du racisme et de l'antiracisme dans le cadre de vos recherches sur le patriarcat et le sexisme, comme par exemple le livre que vous venez de nous expliquer. 

Odome [00:14:57] Alors déjà, je voulais aussi rappeler, parce que lorsque l'on parle de l'afro-féminisme, je voulais rappeler dans ce livre qu'il y avait des catégories, il y avait des sous-catégories en fait. C'est qu'une noire américaine par exemple, qui parle d'afro-féminisme n'a pas nécessairement les mêmes thématiques que moi, qui suis africaine et qui m'identifie comme tel. Il y a des réalités que nous vivons, même si le grand terme parle d'afro-féminisme lorsqu'on est une femme noire qui est une construction purement politique mais lorsque l'on est africaine, c'est une sous-catégorie de la femme noire, mais on a des réalités différentes, par exemple. Cela veut dire qu'une noire américaine qui parle d'afro-féminisme peut peut-être vivre le racisme et elle en parle. Mais moi, au-delà de ce que l'on considère être le racisme, je considère aussi que les questions coloniales sont l'autre langue du racisme. Donc, c'est en cela que je voulais justement interroger la question du racisme structurel. C'est pourquoi j'ai voulu choisir surtout le lieu d'énonciation. Dans le livre, je veux insister sur le lieu d'énonciation et je considère qu'il est important aujourd'hui que l'on fasse éclore les différents lieux de dénonciation à partir desquels nous parlons, à partir desquels nous prenons la parole. Parce que, ainsi, lorsqu'on aura écouté les différents prismes, on comprendra en fait que les réalités sont les mêmes, elles convergent vers une domination et des assignations, mais que l'on a des réalités distinctes, en fait. C'est pourquoi j'insiste aujourd'hui lorsque je dis que je suis une femme africaine, universitaire, c'est vraiment politique. C'est un positionnement politique parce qu'il y a des écueils, des réalités, des anecdotes que je vis en tant que femme africaine. Dans l'imaginaire des gens, on ne considère pas ou on ne voit pas de prime abord qu'une femme africaine puisse être universitaire. Il y a des questions qu'on vous posera qui sont absolument pour moi insolites, mais qui me permettent aujourd'hui de me dire on peut parfaitement être une femme africaine, universitaire et être bien dans ses bottes. Donc, c'est aussi un positionnement. C'est pourquoi je dis l'afro-féminisme, c'est un tout, certes, mais il y a quand même des sous-écoles ou des réalités en fait, qui me permettent, moi, à partir de ma réalité d'africaine, de me positionner et de faire entendre ma voix dans le concert des voix de toutes les autres femmes qui vivent les mêmes réalités que moi à partir de leur lieu d'énonciation. Donc, c'est ça en fait la démarche de ce livre-là. 

Amal [00:17:22] Oui, tout à fait. Par exemple, on a aussi les écrits féministes d'Awa Thiam et d'autres féministes africaines, africaines noires. Et donc, quel est le lien entre le sexisme et le patriarcat en Afrique et puis en Occident? 

Odome [00:17:41] Alors, il y a plusieurs héritages de prime abord, que l'on ne considère pas, associés étroitement au passé colonial en Afrique. Par exemple, lorsque l'on parle de patriarcat ou des traditions moyenâgeuses en Afrique, en ce qui concerne justement le machisme, le sexisme et tout cela, parfois, on ne les associe pas étroitement à l'héritage colonial du genre en Afrique. Par exemple, lorsque je dis que les langues africaines n'ont pas la notion de genre, ça veut dire que les mots n'ont pas de sexe. Mais moi, étant donné que je parle français, je suis consciente que le genre est une réalité. La langue française a des biais de genre et ça a un impact dans nos vies en termes d'invisibilisation des corps des femmes justement. Et donc lorsque je veux rappeler qu'il y a certes des réalités endogènes en Afrique, ce n'est pas le paradis, il y a des choses qui sont des limites que l'on peut dénoncer. Mais je veux aussi qu'on se souvienne en fait que l'héritage colonial a plusieurs réalités, parmi lesquelles l'héritage du genre, la notion de genre. Et cette notion de genre a plusieurs impacts dans la vie des gens au quotidien. Cela veut dire que lorsque je parle la norme, la règle grammaticale qui dit que le masculin l'emporte sur le féminin a des impacts sur les corps des femmes dans le monde entier, partout où l'on parle cette langue-là. Et c'est un héritage colonial en Afrique subsaharienne où l'on parle français. Et par exemple, la question du droit, les codes civils africains sont un héritage direct de la colonisation, étant donné qu'ils sont arrimés au code civil napoléonien de 1808. Et donc ces réalités ont des impacts dans nos vies. Malheureusement, de façon anachronique, beaucoup de gens ne voient pas ces réalités-là en fait, en tant qu’héritage colonial du genre, héritage colonial du patriarcat. C'est pourquoi j'aime beaucoup insister sur cette réalité-là pour que l'on se souvienne en fait que, au-delà certainement des réalités qui étaient déjà là avant la présence coloniale, nous avons hérité aussi de pesanteurs culturelles, de prismes civilisationnels occidentaux qui font aujourd'hui que lorsque l'on parle de la notion de genre en France, au Canada, ça a aussi des impacts directs dans nos langues, dans nos réalités, dans notre imaginaire, parce que nous avons hérité de la langue française et de toutes les pesanteurs et toutes les contraintes que cela suppose. C'est pourquoi justement le sexisme, qui est un élément du patriarcat, est à analyser sous ces angles-là, non seulement en tant que réalité peut-être endogène qui existait avant la colonisation, mais aussi comme héritage direct de la colonisation, parce qu'il y a un héritage patriarcal du genre en Afrique. Donc ce sont vraiment ces questions-là que je voudrais toujours que l'on analyse selon tous ces angles.  

Amal [00:20:52] Là, vous faites donc référence au colonialisme ainsi qu'à la décolonisation. Et justement, récemment, vous étiez invitée à faire une communication lors d'une conférence qui portait sur la décolonisation dans une perspective francophone. Donc, selon vous, qu'est-ce que la décolonisation francophone? 

Odome [00:21:17] Alors, c'est tellement d'éléments. La décolonisation supposerait tellement de choses. Je pense aujourd'hui que ce serait une analyse au cas par cas. Par exemple, je ne m'imagine plus penser, réfléchir sans tenir compte de la langue française, c'est une réalité. Je pense aujourd'hui qu'il serait peut-être stérile d'envisager que l'on supprime de notre imaginaire la langue française parce que nous sommes quelque peu liés à vie, étant donné que l'histoire, on ne va pas la refaire. Mais je pense que l'on peut, par exemple, tenir compte du droit de chaque peuple à l'autodétermination. Aujourd'hui, quand même, 60 ans plus tard, je pense qu'il est important, par exemple, que la politique française revoie son intrusion dans les affaires internes de la souveraineté de certains pays africains. Pour moi, c'est crucial et c'est important. Et puis aussi la question de la francophonie on doit la repenser. Comment est-ce possible que l'on ait besoin de nous, d'un point de vue démographique, lorsqu'il faut se gargariser du nombre de locuteurs qui parlent français dans le monde, et puis qu'il y ait plusieurs mécanismes d'assignation lorsque l'on doit se déplacer au sein de la francophonie. Vous voyez que le séjour que j'ai fait au Canada m'a permis de comprendre en fait, qu'il y a plusieurs réseaux francophones. La francophonie est un espace qui était censé être un espace de fraternité et d'échange. Et pourtant, à l'intérieur de la francophonie, il y a des fractions, il y a des subdivisions, il y a un traitement inégalitaire. Cela veut dire que la France et le Canada peuvent communiquer, échanger, d'un point de vue de la mobilité, sans aucun problème. Mais, un Gabonais ne peut pas venir en France sans visa. Et pourtant on parle de la francophonie. Quelle est cette fraternité à deux vitesses en fait? Donc ce sont ces questions-là qu'on doit penser. C'est là ce qu'on doit réfléchir parce qu'évidemment, pour qu'il y ait réellement décolonisation, il faudrait que l'on remette tout à plat et que les rapports ne soient pas biaisés, fondés sur des politiques qui assignent certains corps à certains endroits ou qui continuent de maintenir certains systèmes politiques dans des pays où ils ne pourraient pas l'accepter pour eux-mêmes. Donc, c'est pour moi important qu'il y ait une révision des rapports coloniaux, notamment en ce qui concerne les frontières au sein de la francophonie. Et puis aussi en ce qui concerne ce deux poids, deux mesures en fait, où on peut, par exemple, condamner certains coups d'État et puis pratiquement en accepter d'autres. Ce sont ces questions-là sur lesquelles je pense que l'on devrait travailler pour que l'on se sente réellement réconcilié vis-à-vis de ceux qui hier étaient colonisés et d'autres colonisateurs. 

Amal [00:24:17] En effet, c'est ta conceptualisation que vous faites... La question portait sur la décolonisation francophone, mais vous conceptualisez la francophonie également et vous nous inviter à réfléchir donc à la francophonie, la redéfinition de la francophonie de façon qui, à mon avis, complète la façon dont Senghor a conceptualisé la francophonie il y a plus de 50 ans, en lien avec... parce qu'il a dit que la francophonie est une symbiose de plusieurs races, ce qui donc suggère un lien entre la francophonie, la race et l'antiracisme.  Et donc en lien à la francophonie, mais aussi tout l'aspect transnational, diasporique de vos recherches, de votre activisme et de votre engagement, donc vous êtes très engagée à l'international. Pourquoi cet engagement-là? Vous travaillez et participez aux initiatives très importantes presque dans tout le monde. Pourquoi cet engagement mondial? 

Odome [00:25:34] Bon, déjà parce que nous sommes un village planétaire. Les questions que l'on se pose au Gabon concernent aussi plusieurs autres pays pour des questions qui ont un lien direct avec les relations internationales. Si je parle d'une réalité gabonaise, il est fort probable aussi qu'elle concerne la Côte d'Ivoire, le Congo, la Belgique, la France et ainsi de suite. Et donc, fort de cette réalité-là, je pense que les opportunités qui me permettent de parler au-delà de mon espace de résidence ne sont que des caisses de résonance afin que ma voix porte, afin que l'on m'entende au-delà de mon espace de vie. Et puis pour qu'on se souvienne aussi qu'il y a des personnes aujourd'hui complètement décomplexées et qui pourraient échanger avec des gens de tous pays sans se sentir à l'étroit en fait. Donc je le fais parce que je suis aussi universitaire. Donc c'est dans le cadre de mes recherches, mais aussi dans le cadre de participation aux colloques internationaux que je saisis souvent l'opportunité de cet agenda académique pour pouvoir aussi continuer à converser en off avec d'autres personnes et d'autres activistes et d'autres acteurs sociaux en fait. Je considère aujourd'hui que le droit à la prise de parole est un acquis que l'on a et que l'on assume à partir du moment où on porte sa propre voix. Donc lorsque je vais à l'international, c'est aussi pour porter ma propre voix. Je n'ai pas la prétention de parler au nom de quiconque. Je pense que nous devons aujourd'hui nous accoutumer de voir des personnes qui s'assument comme leaders d'opinion sans forcément donner l'impression qu'ils et elles parleraient au nom de quelqu'un. Donc je porte ma voix et j'estime que, aussi longtemps que je le pourrai, je n'hésiterais pas lorsque j'ai une opportunité à l'international de le faire. 

Amal [00:27:21] Donc, de par vos recherches et donc justement votre trajectoire transnationale est mondiale, et là vous venez de faire la référence au lien colonial entre l'Afrique et les puissances coloniales. Est-ce que vous voyez donc dans ces mouvements et relations transnationales et diasporiques, est-ce qu'il y a une opportunité de décolonisation? Est-ce que ces mouvements, cet engagement transnational international pourrait déboucher sur une décolonialité, une certaine décolonialité? 

Odome [00:28:06] Alors je pense déjà que l'on devrait préciser que les citoyens lambda sont prêts depuis longtemps. Ce sont nos gouvernants qui ne suivent pas. Nous, on est totalement décomplexés depuis longtemps, la jeunesse africaine. Étant donné que je suis en poste au sein d'une université africaine, je converse très régulièrement avec des jeunes qui sont en avance sur des dirigeants qui semblent être plutôt à la traîne et ne suivent parfois pas les exigences de la jeunesse africaine. Il y a une volonté manifeste auprès de la jeunesse africaine d'en découdre, dans le sens de s'affranchir des carcans de l'époque. Et donc les réseaux sociaux, je dois aussi le dire, ont permis que nous voyions de façon connectée littéralement les réalités de toutes les personnes qui se retrouvent dans la volonté de refaire de nouvelles relations, de partir sur de nouvelles bases avec les partenaires du monde entier. Donc, je pense qu'il y a une volonté de la part de la jeunesse africaine de façon spécifique. Mais de façon plus générale, il y a un mouvement que l'on appellerait panafricain par défaut, mais où des gens convergent et sont d'accord qu'il y a quelque chose qu'il faut changer en fait, qu'il y a un système monde qui ne peut pas continuer de suivre selon les directives de personnes qui ne connaissent pas nos réalités. Il y a une volonté manifeste à ce que nous nous asseyons autour d'une table de façon décomplexée avec nos partenaires de tous pays pour que l'on refasse des... que l'on rétablisse les rapports qui se sont faits à notre insu, sans notre avis, parce que nous sommes d'une autre époque, tout simplement. Et puis parce que finalement, nous vivons à une époque où on peut parfois arpenter certains milieux que l'on ne connaissait pas avant ou auxquels on n'avait pas accès. Et on se rend compte qu'il n'y a aucune raison d'être complexé vis-à-vis de quiconque et que donc simplement, la conversation doit continuer de se tenir pour que nos pays, nos dirigeants comprennent qu'il est temps et qu'aucun jeune africain ne veut devoir, par exemple, mourir dans la mer en allant de façon « illégale » d'un continent à un autre et que nous voulons vraiment faire en sorte que la richesse que l'on dit que le continent a, en termes de ressources naturelles, mais aussi surtout en termes de ressources humaines, puisse au moins bénéficier à ce continent-là. Nous voulons surtout que le continent africain fasse rêver sa jeunesse parce qu'il ne peut pas être normal, et c'est paradoxal, qu'un pays, un continent, des pays et donc un continent comme le continent africain, continue d'être perçu comme un lieu, un endroit où des gens veulent partir à tout prix, d'où les gens veulent partir à tout prix. Ce n'est pas normal. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Et donc il est important aujourd'hui que nous repensions nos politiques, que nos dirigeants tiennent compte surtout de ce que nous voulons réellement, qu'ils conversent de façon franche avec sa population, donc la jeunesse. J'ai dit souvent que le continent africain a l'avantage d'avoir une population jeune, mais cette population jeune, c'est aussi son plus grand écueil dans la mesure où les jeunes veulent avaler le monde. Ils sont motivés pour changer les choses pendant que malheureusement les dirigeants ne suivent pas. C'est en cela que c'est son plus grand écueil parce que la jeunesse africaine peut être impatiente, parce que quand on est jeune et impatient, on veut absolument avoir des résultats tout de suite. Et il faudrait trouver ce juste milieu-là parce que la plus grande conversation, ce n'est pas tant ce que l'on pense de nous aujourd'hui. La plus grande conversation, celle qui est urgente, c'est que les Africains décident de leur propre avenir et trouvent les solutions qui coïncident avec leur réalité, leur notion de développement. C'est surtout pour cela qu'il y a urgence aujourd'hui. 

Amal [00:32:11] Oui, d'accord. Oui, oui, tout à fait sachant qu'en effet l'Afrique a contribué au développement de l'Occident de façon très significative, n'est-ce pas? 

Odome [00:32:22] Bon, c'est une évidence. En fait, ce n'est même pas une question nostalgique, c'est une réalité. D'un point de vue historique, on peut quand même se souvenir qu'il y a eu une exploitation humaine qui a permis que des continents se développent. On peut se souvenir tous les jours qu'il y a une spoliation des ressources naturelles qui fait en sorte que certains continents se développent. Donc ce n'est pas une question nostalgique. Le dire, c'est aussi faire acte de logique et de reconnaissance, c'est évident. Maintenant, nous, en tant que nouvelle génération, on ne veut plus se positionner dans un sentiment de larmoiement, de victimisation. L'idée aujourd'hui, c'est vraiment de pousser nos dirigeants à ce qu'ils comprennent et qu'ils nous écoutent. Et pas tant que l'on soit assujetti à ce que diront des gens qui ne vivent pas nos réalités. Donc voilà. 

Amal [00:33:09] D'accord, oui. Ce qui est aussi d'une grande force également, la puissance des diasporas. Ce que vous faites en fait... Il y a des communautés africaines en Europe ou ailleurs, par exemple en Amérique du Nord, qui continuent en effet à contribuer au développement de l'Occident. Et il y a en fait des Africains dans la diaspora comme vous qui, en fait, enrichissent le savoir en Afrique, en Europe ou partout. Ce qui est également une contribution transnationale. Donc c'est un travail vraiment fort, très riche et enrichissant que vous entamez. Et donc de ce fait, j'aimerais savoir quelles théories, des exemples de théories, de méthodologies que vous employez et développez pour effectuer la recherche que vous faites. 

Odome [00:34:06] Bon alors, en général, on va nous parler de la décolonialité ou des terreaux décoloniaux, mais moi je ne suis pas souvent embrigadée dans des théories ou des concepts. J'utilise des réflexions qui me permettent d'avancer. Cela veut dire que je ne suis pas dans une école de pensée de laquelle je ne peux pas m'affranchir. Je pense, par exemple, qu'il est important aujourd'hui que nous nous lisions, que nous lisions des œuvres de penseurs africains, de penseuses africaines qui ont fait des choses remarquables. Jean-Marc Ela, qui est un penseur camerounais, il a pensé la notion de l'Afrique dans le champ de la science, il a pensé des choses intéressantes. Il y a des penseuses à une époque qui n'était pas la nôtre. Aoua Keïta est une Malienne qui a un ouvrage fort intéressant justement aussi, qui m'a beaucoup inspirée parce qu'elle a un essai autobiographique, mais qui est un essai très politique qui permet d'articuler ces notions-là, la question politique, qui nous sommes, ainsi de suite. Et puis il y a aussi des personnes qui sont des hommes et qui ont fait des choses remarquables. J'aime beaucoup citer Thomas Sankara. Je considère que Thomas Sankara est pour moi l'un des présidents les plus féministes au monde. Il a mis en place des politiques féministes réellement qui partaient des questions paritaires et il a fait des choses remarquables à son époque. J'admire beaucoup toutes ces personnes qui brouillent les frontières en fait, et qui permettent de penser qu'au-delà de la notion de genre, les questions qui nous traversent sont d'abord des questions humaines, donc des questions qui touchent la société. Et donc que l'on soit homme ou femme, le plus important c'est que l'on travaille pour la libération de tout le monde en fait, voilà. Je lis beaucoup, aujourd'hui, de plus en plus de penseurs et penseuses africaines parce que nous ne nous lisons pas assez pour plusieurs raisons. Parce que le système éducatif ne parle pas assez de nous, parce que nous n'apparaissons pas dans le canon, nous n'apparaissons pas dans le corpus, nous n'apparaissons pas dans les syllabus. C'est pourquoi je dis qu'on ne peut pas faire la science lorsqu'on est africain ou africaine sans que cela ne soit interprété comme un acte politique, parce qu'il y a une volonté de résoudre la question des injustices épistémiques parce que la science a été pensée parfois comme étant un endroit, un monde, un univers où certaines personnes étaient des corps. Et donc on est des objets d'étude du discours d'autrui. Et c'est important que l'on se souvienne que même la neutralité scientifique parle à partir d'un prisme civilisationnel. Et donc c'est pourquoi, pour moi, étant donné que je suis consciente qu'il y a plusieurs femmes africaines qui n'ont pas pu comme moi, avoir le privilège finalement de devenir enseignante-chercheuse parce qu'être enseignante-chercheuse, c'est quand même aussi de longues études. Tout le monde n'a pas la possibilité d'étudier et d'avoir un poste à l'université. Donc ma présence, ma seule présence, quand je vois tout ce que des femmes comme ma mère, ma grand-mère ont fait, par le passé, elles n'ont pas pu faire ce que moi j'ai pu faire aujourd'hui. Mais c'est grâce à elles et à leur force que j'ai pu continuer de me battre. Et donc, pour moi, ma présence au sein des universités, c'est d'abord politique, parce que l'université est politique, parce qu'il y a des enjeux de pouvoir derrière la production du savoir. On ne peut pas le dire, on ne peut pas penser que c'est juste neutre. On ne peut pas penser que certaines personnes qui circulent au sein de l'université sont juste des êtres humains qui sont là pour faire leur travail. Parce que, au-delà de ce que nous enseignons, il y a quand même des dimensions idéologiques dans ce que nous lisons. Ce que nous proposons aux étudiants, les axes que nous analysons, il y a vraiment une subtilité dans la question de la science qui fait que, aujourd'hui, ma présence est finalement aussi d'abord politique. Mes axes de recherche interpellent pour se souvenir qu'il faut politiser l'Académie parce que le discours académique est politique. Et donc sans ces questions, je ne sais pas si j'ai répondu à votre question ou si je suis allée dans tous les sens, mais j'ai essayé de dire ce que je pensais donner comme élément de réponse. 

Amal [00:38:17] Oui, merci beaucoup, vous avez très bien répondu dans ce sens. Donc quels sont vos souhaits pour l'avenir? L'avenir de l'Afrique, un croisement avec la francophonie, la décolonisation et l'imaginaire monde. 

Odome [00:38:32] Alors, dans un premier temps, l'un de mes souhaits les plus importants pour l'Afrique, c'est que nous puissions réinvestir nos langues. Nous ne devons pas les abandonner parce qu'en fait, c'est lorsque l'on maîtrise sa langue que l'on sait où on va. C'est aussi lorsqu'on maîtrise sa langue, au-delà du français qui est notre langue de connexion commune aujourd'hui, nous savons, il y a beaucoup d'éléments, il y a beaucoup de recherches que j'ai pu faire parce que je parle ma langue. Si aujourd'hui je sais par exemple que le genre est une notion, est un héritage colonial, c'est parce que je parle ma langue, c'est parce que je sais qu'il y a plusieurs langues africaines qui n'ont pas la notion de genre. Et si je ne parlais pas le fang, je n'aurais jamais su cela. Donc c'est très important. Et puis c'est aussi très important parce que, savoir d'où on vient, c'est aussi savoir qui on est, c'est très important. Donc, nous devons réinvestir nos langues. Nous devons continuer de penser notre patrimoine immatériel. Il est vrai que l'on parle de spoliation du continent africain. Il est vrai qu'il y a plusieurs choses qui ne sont plus là. Mais nous savons aussi que le patrimoine immatériel est quelque chose qu'on ne peut pas facilement ravir à des communautés de personnes. Et puis continuer de croire que c'est possible pour tout le monde. Surtout cela parce que je sais aussi que la plus grande bataille, c'est le changement de mentalité. On aura beau tout avoir, mais lorsque l'imaginaire d'une communauté de personnes est prise en otage par l'ailleurs d'autrui, c'est là toute la bataille. Nous devons faire en sorte que ce que nous enseignons dans les universités restitue notre humanité et c'est très important. Notre intégrité, c'est très important. Notre dignité, c'est très important. Et donc c'est vraiment tout le monde, il n'y a pas que moi, c'est toutes des personnes qui doivent être conscientes que ce que nous enseignons, c'est aussi une façon de réhabiliter qui nous sommes et c'est très important. Il ne peut pas être logique que nous sachions beaucoup plus ce qui se passe en France, alors que la France ne sait pas ce qui se passe chez nous, seulement lorsqu'il y a une actualité qui les intéresse. Nous devons faire en sorte que nos corpus parlent de nous, réhabilitent nos héros, réhabilitent nos penseurs, parce que c'est la seule façon que nous avons de pouvoir parler d'égal à égal avec des personnes qui viendront peut-être nous raconter des choses qui n'ont rien à voir avec qui nous sommes et c'est très important. De construire l'identité d'un peuple à travers ses corpus, à travers ce qu'on nous enseigne à l'université parce qu'en fin de compte, lorsque vous allez d'un pays à un autre en Europe, vous vous rendez compte aussi que chaque pays, au-delà de quelques éléments étrangers ou internationaux, chaque pays enseigne qui il est et que les corpus sont finalement une représentation de leur identité, de leur imaginaire. Et c'est très important que l'on puisse se réapproprier le système éducatif en Afrique pour que l'on sache réellement qui nous sommes et que nous puissions récupérer cette dignité qui est parfois bafouée à travers les imaginaires et la guerre des écrans. 

Amal [00:41:32] Odome Angone, merci beaucoup pour vos perspectives très édifiantes. En fait, vous avez permis de franchir la compression du temps et de l'espace, de renforcer l'histoire des idées et l'espoir pour le présent et l'avenir. Merci beaucoup. 

Odome [00:41:49] Merci à vous pour l'invitation, c'est avec plaisir. 

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