Quoi de neuf ?

Connexions Francophones : Canada-Haïti- France

March 14, 2024 Les cafés du CREFO Season 5 Episode 3
Quoi de neuf ?
Connexions Francophones : Canada-Haïti- France
Show Notes Transcript

Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO, rencontre Gabriel Osson, poète, romancier et artiste-peintre.

Gabriel Osson est poète, romancier et artiste-peintre. Né à Port-au-Prince (Haïti), il vit à Toronto.

Il se consacre à plein temps à l’écriture et à la peinture. Très impliqué dans la francophonie torontoise, Gabriel siège sur différents conseils d’administration et anime aussi l’émission hebdomadaire Franco Découvertes à la radio francophone de Toronto, CHOQ FM. 

Passionné d’environnement Gabriel siège aussi au conseil d’administration de la Fondation Trees That Feed qui plante des arbres dans différents pays.  

Voulant se mettre au service des enfants de son pays d’origine, il préside l’Association Haïti Futur-Canada visant à installer des tableaux numériques interactifs, munis de panneaux solaires dans des écoles rurales d’Haïti à développer l’entreprenariat et promouvoir la culture de son pays natal.

Il préside une campagne pour ériger une statue à la mémoire de Suzanne Simon-Baptiste Louverture, grande Dame de Saint-Domingue, épouse de Toussaint Louverture. Il vient de terminer un roman sur son histoire qui sera publié plus tard cette année. Pour en savoir plus : https://www.suzannelouverture.com/

En tant que peintre, il a participé à de nombreuses expositions et ses peintures se retrouvent dans plusieurs collections privées. 

Joey [00:00:00] Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO, rencontre Gabriel Osson, poète, romancier et artiste-peintre. 

Gabriel [00:00:07] Donc, ce fut vraiment un été atroce parce qu'il y a des enfants avec qui je jouais la veille et du jour au lendemain, ils avaient disparu avec leur famille et on ne pouvait pas nous dire ce qui était arrivé parce que on ne savait pas, à ce moment-là, qu'ils avaient tous été assassinés au cours de la nuit. 

Joey [00:00:26] Bienvenue à Quoi de neuf? 

Amal [00:00:43] Bonjour tout le monde, partout au monde. Ici Amal Madibbo du Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, le CREFO à OISE de l'Université de Toronto. Dans le cadre de ce podcast du CREFO, aujourd'hui nous avons le plaisir de recevoir Monsieur Gabriel Osson. Bonjour Gabriel! 

Gabriel [00:01:09] Bonjour Amal! Ça me fait grand plaisir de te revoir. 

Amal [00:01:12] Mais oui, moi aussi et merci de participer à ce podcast. Et M. Osson, vous êtes, entre autres, écrivain, romancier, historien, poète et artiste-peintre. Vous étiez président de l'Association des auteures et auteurs de l'Ontario français. Vous êtes également animateur de Radio. Vous animez l'émission hebdomadaire Franco Découvertes. Vous êtes également président de l'association Haïti Futur-Canada et vous avez travaillé au ministère de l'Éducation. Et donc ça, c'est vraiment des accomplissements très productifs, très importants. Et, en plus de ce que j'ai mentionné à propos de votre trajectoire, qu'est-ce que vous aimeriez ajouter? 

Gabriel [00:02:14] Mais je pense que c'est pas mal complet Amal, à part que je fais partie de plusieurs conseils d'administration, dans le sens que je m'implique beaucoup dans la communauté pour redonner un petit peu de qu'est-ce que j'ai récolté au cours des années. Alors donc, ça, c'est tout ce que je pourrais rajouter de plus que ce que vous avez déjà dit. 

Amal [00:02:34] D'accord. Est-ce que vous avez toujours vécu en Ontario. 

Gabriel [00:02:38] En Ontario et à l'extérieur. Je fais partie d'une association qui s'appelle Trees That Feed, c'est une association qui vient en aide à plusieurs pays dans le monde pour planter des arbres nourriciers. Donc cette association-là fait des interventions dans les Caraïbes et aussi dans quelques pays d'Afrique. 

Amal [00:02:59] Ah d'accord. Et une vue de votre vécu donc? Est-ce que vous avez toujours vécu en Ontario depuis votre naissance? 

Gabriel [00:03:08] Non. Je suis né à Port-au-Prince, en Haïti. Je suis arrivé au Canada, à Montréal, j'avais 17 ans, j'allais à l'année de mes 18 ans en fait, j'avais 17 ans d'accompli, pour faire mes études et j'y suis resté. Après mes études, j'ai commencé à travailler à Montréal et la compagnie pour laquelle je travaillais était une multinationale dont le siège social se trouvait à Toronto. Alors j'ai été transféré à Toronto pour le travail et j'y suis resté depuis ce temps-là. 

Amal [00:03:44] Qu'est-ce qui s'est passé en Haïti à ce moment-là? 

Gabriel [00:03:47] À ce moment-là, c'était la fin du régime de Duvalier, le père, qui était au pouvoir. C'était une dictature assez féroce. C'était difficile pour les gens. L'économie était très dure, il n'y avait pas d'emplois, etc. Donc ma mère avec toute la famille... Ma mère avait déménagé d'ailleurs avant avec mes grandes sœurs aux États-Unis et le reste des enfants, nous avons suivi par la suite. On est parti plus pour des raisons économiques à ce moment-là, parce qu'on n’était pas trop impliqué dans la politique, donc parce qu'il y a beaucoup de gens qui se faisaient exiler à cause de leurs opinions politiques parce que comme dans toute bonne dictature, les gens n'acceptent pas trop trop les voix contraires. Donc il fallait dire comme le gouvernement et dès que les gens disaient l'inverse ou même des fois c'est un peu comme Duvalier disait que si les gens pensaient le contraire de lui, ils seraient susceptibles d'être arrêtés. 

Amal [00:04:50] Et qu'est-ce qui s'est passé au Canada à ce moment-là? 

Gabriel [00:04:54] Ben le Canada, c'était Trudeau qui était au pouvoir quand je suis arrivé. Au fait, c'était aussi beaucoup de changements dans la société québécoise quand je suis arrivé, parce que c'était la fin des années 60, début des années 70, avec tout ce qu'on connaissait, la montée du nationalisme québécois, le FLQ et tout ça. Donc j'ai vécu en plein la guerre, enfin pas la guerre d'octobre, mais les événements d'octobre, les enlèvements de Pierre Laporte et de Jim Cross si ma mémoire est bonne tout d'un coup. Et tout ce qui s'en suivait, c'était vraiment un foisonnement incroyable au Québec. Il y avait ce vent de changement-là qui perméait dans toute la population et surtout comme étudiant, on était en avant des grèves et tout ça dans ces mouvements un peu socialistes, nationalistes. Je me sentais très, très fortement une âme de Québécois à cette époque-là. Donc j'avais pas mal épousé pas seulement les felquistes, mais tout ce qui était le nationalisme de dire ben oui, ok, au Québec, on veut avoir notre indépendance et tout ça. 

Amal [00:06:19] Ah d'accord. Et est-ce que vous avez amorcé votre travail et disons expertise d'écrivain et d'artiste à ce moment-là ou c'était avant ou après? 

Gabriel [00:06:32] Eh bien, j'ai toujours écrit depuis ma tendre jeunesse. Quand j'étais au secondaire entres autres, j'étais un... et, je le suis encore... un lecteur boulimique. Je lisais tout ce qui me tombait sous la main dans les bibliothèques de l'école. Ils nous donnaient le loisir de le faire. Et j'ai commencé à écrire des poèmes beaucoup plus pour exprimer un peu mes états d'âme d'adolescence, je veux dire on vit des changements, des turbulences et on ne comprend pas toujours ce que c'était. Donc c'était quand d'autres tenaient des cahiers de mémoire, moi je tenais des cahiers d'écriture. Et la peinture a commencé un petit peu plus jeune encore parce que mes parents n'avaient pas toujours de Père Noël. Il ne passait pas selon les vouloirs des enfants, il passait selon qu'est-ce que la mère ou les parents pouvaient payer, dans mon cas ma mère et ma grande sœur. Donc à chaque année, je recevais un jeu d'aquarelle avec des livres à colorier. Donc c'est comme ça que ça a commencé. Donc j'ai débuté par copier des cartes postales, des photos que je voyais dans des revues, des trucs de même. Donc c'est un peu en parallèle que s'est développé mon côté peintre, si tu veux. Et ce n'est que plus tard, quand je suis arrivé à Toronto, que j'ai pu finalement publier mon premier recueil de poésie. On était là en 1995. 

Amal [00:08:16] D'accord, très intéressant et donc ça débouchait sur des résultats très fructueux. Entre autres, votre livre Le jour se lèvera est lauréat du prix Alain Thomas du salon du livre de Toronto, n'est-ce pas? Édition 2021. Félicitations d'abord. Et quel est le sujet de ce livre? 

Gabriel [00:08:43] C'est un roman qui rappelle l'histoire de treize jeunes qui, pour la plupart, dont les parents avaient été exilés aux États-Unis. Certains étaient nés en Haïti, certains étaient nés aux Etats-Unis. Et ces jeunes-là étaient dans un mouvement qui s'appelait Jeunes Haïti et qui ont décidé, il y avait un bras armé de ce mouvement-là. Donc, ils ont décidé de quitter Miami pour aller en Haïti essayer de renverser le régime de Duvalier. Ils ont commencé à se mettre ensemble fin 63 et à l'été de 1964, ils ont décidé de quitter Miami dans un bateau et ils avaient été entraînés, ce qu'on nous avait dit dans le temps par la CIA, qui aidait aussi les exilés cubains d'ailleurs, ils s'entraînaient avec un groupe d'exilés cubains, pour partir puis aller faire la révolution là-bas. On ne sait pas trop trop où ils ont trouvé les armes, est-ce que les armes leur avaient été fournies. En tout cas, peu importe. Donc, ils sont arrivés dans le sud d'Haïti, dans la Grand'Anse et de là, ils ont pris le maquis. Ils pensaient tenir un petit peu pendant un mois parce qu'ils disaient on va y aller, on va aller faire la révolution, on va soulever les gens. Puis ils pensaient qu'à la fin de l'été, ils retourneraient à leur vie normale aux États-Unis, parce qu'ils auraient eu un peu, comme ça s'était passé à Cuba, un souffle où le peuple les suivrait et se soulèverait, puis renverserait les réseaux de Duvalier. Finalement, ils ont duré presque trois mois dans le maquis. Onze de leurs camarades ont péri lors des rencontres avec l'armée haïtienne et les tontons macoutes dans le temps qui étaient un petit peu les volontaires entre guillemets du régime de Duvalier et les deux qui ont été capturés vivants, ont été fusillés sur la place publique après avoir été torturés par le régime pour essayer de leur faire parler c'est qui qui était leurs complices, leurs amis dans le pays, etc. Et Amal, au fur et à mesure que ces jeunes-là étaient arrêtés ou morts au combat, le régime de Duvalier avait éliminé toutes ces familles-là systématiquement et l'une après l'autre, des bébés à la naissance jusqu'aux grands-parents. Donc il y a eu des familles entières qui ont été assassinées au cours de la nuit et j'ai pu être témoin de ces exactions parce que, à l'été de 64, quand ça se passait, je passais mes vacances dans une ville qui s'appelle Jérémie, qui est dans le sud de l'île où la plupart de ces jeunes-là étaient originaires. Donc ce fut vraiment un été atroce parce qu'il y a des enfants avec qui je jouais la veille et du jour au lendemain, ils avaient disparu avec leur famille et on ne pouvait pas nous dire ce qu'il était arrivé parce que on ne savait pas à ce moment-là qu'ils avaient tous été assassinés au cours de la nuit. C'était une histoire assez poignante. Et c'est beaucoup plus tard, lors du 20ᵉ anniversaire, je pense ou 30ᵉ anniversaire même de cet événement que j'ai eu vent d'un programme de devoir de mémoire qui avait été fait pour parler de ces jeunes-là. Puis là je disais tiens, moi je connais cette histoire-là. Donc c'est un peu ça qui m'a incité à écrire le livre, parce que quand j'ai essayé de faire de la recherche pour trouver qu'est ce qui était arrivé avec ces jeunes-là, il n'y avait pas grand-chose qui avait transpiré ou qui avait fait l'objet, si tu veux, de recherche ou d'écriture à ce moment-là. 

Amal [00:13:19] D'accord. Donc, c'est une histoire très importante en fait de jeunes révoltés et ça nous rappelle que la révolution de jeunesse n'est pas vraiment une chose contemporaine mais que ça a commencé ça fait longtemps et maintenant en fait oui, ça continue, n'est-ce pas? Que ce soit au Soudan où il y a eu une révolution de jeunesse très importante, ou à Hong Kong par exemple, entre autres. Et donc, quelle est la recherche, quelle a été votre méthodologie de recherche pour ce livre-là? Vous avez déjà mentionné le côté de votre mémoire et le fait que vous étiez là, vous avez vraiment vu les vécus en fait, une partie, au moins une partie du châtiment que les jeunes et les familles ont subi. Vous avez fait une autre recherche. Quelle est l'autre recherche? 

Gabriel [00:14:30] J'ai pu avoir quelques documents du CIDIHCA. C'est un regroupement qui est à Montréal, qui a beaucoup de documentation. C'est un centre de documentation justement sur Haïti et aussi grâce à l'Internet où les gens mettent des petites choses comme ça. Donc j'ai pu ramasser pas mal de bribes de faits réels qui se sont passés dans l'arrière scène qu'on ne savait pas. J'ai pu mettre la main sur un manifeste, entre autres, qu'avait publié le groupe de jeunes Haïti. Donc je savais leurs noms, je savais qui faisait partie de ce regroupement-là parce qu'au départ, il y en avait à peu près 200 - 250 jeunes qui faisaient partie de ce groupe-là, même si c'est une petite partie du regroupement qui avait décidé de s'armer pour aller faire la révolution. Les autres le faisaient de façon épistolaire. Il y avait un journal qui était publié où ils racontaient tout ce qui se passait et les méfaits que commettaient les régimes de Duvalier à ce moment-là. 

Amal [00:15:45] Et aussi le courage. Même le militantisme, l'activisme de ces jeunes m'ont fait penser à l'activisme de Che Gevara qui voyage en mer, armé et ainsi de suite. Et puis dont le but est la libération de son peuple. Et je sais que vous avez donné une conférence à l'Alliance française de Toronto, une conférence sur une recherche que vous avez menée au sujet de Suzanne Louverture. Et donc, parlez-nous de cette recherche, s'il vous plaît. 

Gabriel [00:16:26] Oui, c'est une période assez épique, je dois dire, que cette recherche qui m'a pris deux ans et qui m'a emmené de Brest à Bayonne, en passant par Aix-en-Provence, Paris, Astaffort et Agen pour essayer de découvrir justement l'histoire de Suzanne Louverture. Suzanne était la femme de Toussaint Louverture qui, les deux étaient esclaves, ou je devrais dire en état d'esclavage, sur la plantation Bréda, c'est une plantation qui est au nord de l'île, pas loin du Cap Haïtien et c'est là qu'ils se sont connus. Et Toussaint après, vers les années 1792-93 s'est enrôlé, si je peux dire ainsi, comme médecin dans l'armée indigène qui commençait à fomenter une révolution contre l'armée française à ce moment-là. Donc Toussaint a gravi les échelons dans l'armée pendant que Suzanne, elle, s'occupait de sa maison. Donc ils avaient une propriété où ils avaient eux aussi, même s'ils étaient des anciens esclaves, ils avaient des esclaves qui travaillaient aussi pour eux. Donc, quand Toussaint lui était parti faire la guerre soit contre les Espagnols, soit contre les Anglais pour les chasser de l'île, c'est Suzanne qui s'occupait de ça. Mais comme souvent dans les révolutions, même si des femmes ont eu une place quand même assez importante dans la révolution haïtienne, on a très peu entendu parler d'elles. Et l'histoire de Suzanne m'est tombée dessus un petit peu par hasard. J’étais à un mariage dans la ville d'Agen et coïncidence, une des personnes qui était dans l'assistance me dit « Ah, Gabriel, on m'a dit que vous veniez d'Haïti. Saviez-vous que nous avions accueilli une dame qui est venue de Saint-Domingue et qui a vécu à Agen jusqu'à sa mort? ». Et là je dis que je ne savais pas du tout puis je lui ai demandé de qui il s'agit. Elle m'a dit c'est une certaine madame Louverture. J'ai dit ça ne se peut pas que ça soit la femme de Toussaint Louverture, parce que dans l'histoire que nous avons apprise, je n'ai jamais entendu parler que Toussaint avait été déporté avec toute sa famille. On a toujours parlé de Toussaint, tout le monde connaît Toussaint Louverture, on connaît ses exploits, etc. mais on ne savait pas que, en arrière de tout ça, il y avait cette grande dame qui était Suzanne. Donc, je me suis mis en tête de découvrir justement son parcours, qu'est-ce qu'elle avait fait etc. pour se rendre compte qu'il n'y avait pas beaucoup de choses écrites sur Suzanne. Elle a laissé très peu de documents derrière elle. Elle a laissé quelques lettres qu'elle avait écrites à son mari ou qu'elle avait envoyées aux autorités lors de sa vie agenaise. Par contre, dans les archives, j'ai pu quand même retracer son parcours depuis qu'elle a quitté Saint-Domingue, parce qu'à Saint-Domingue même, j'ai trouvé à peu près pas grand-chose sur Suzanne. Mais dans les registres d'esclaves, j'ai pu retrouver dans les recensements qu'ils faisaient qu'elle habitait effectivement dans cette plantation-là. J'ai pu établir par déduction l'année à peu près exacte de sa naissance. Mais aussi, les Français, on a beau dire qu'ils sont très procéduraux, ils sont très bons pour garder les écrits. Donc on avait, à chaque fois qu'ils s'embarquaient sur le bateau, donc on avait le manifeste qui disait bon voilà, on a embarqué aujourd'hui, un tel, un tel, un tel. Donc j'ai pu retrouver ces documents-là qui m'ont dit voilà, telle journée, telle date, Suzanne, sa famille ont embarqué sur telle frégate, ensuite transborder sur tel vaisseau qui les a amenés à Brest. Donc j'ai pu retracer ces choses-là. Évidemment, c'est un roman historique. Les faits sont vrais, les dates sont vraies, mais comme il y a beaucoup d'espace entre ça qu'on ne connaît pas, j'ai pu combler un peu à ma guise et inventer une partie de l'histoire finalement pour romancer les manques, si tu veux, que les documents historiques ne nous donnent pas nécessairement. Donc j'ai pu, de Brest où ils sont arrivés, parce que là ils ont été transborder jusqu'à Bayonne. Donc je suis allé à Bayonne, aux archives et à la médiathèque là-bas. Donc j'ai retrouvé des documents qui relataient l'arrivée de Suzanne, entre autres les journaux de l'époque qui ont parlé de son arrivée, de cette famille-là qui sont arrivés en France, dans la ville plutôt devrais-je dire, en France. Et par la suite, quand ils ont été transférés à Agen, donc là, il y a encore toute cette documentation-là qui les ont suivis. Donc, les archives ont très bien documenté, si tu veux, leur voyage, leur départ, leur translation d'une place à l'autre. Donc j'ai pu retrouver aussi les maisons où ils ont habité, j'ai pu marcher dans les rues où Suzanne a vécu, aller dans les églises qu'elle a fréquentées et tout ça. Donc ça, ça m'a permis de mettre ensemble un petit peu tout le travail de l'historien un peu à décortiquer, souvent pas de seulement ce qui est écrit, mais c'est souvent les non-dits qu'il faut qu'on cherche. Donc pourquoi est-ce qu'on n'a pas parlé plus que ça de Suzanne. Imaginez une famille de Noirs qui arrive à Agen en 1804, la ville ne connaît à peu près pas de population métisse. Il y a quelques métisses qui sont arrivés soit de la Martinique, soit de la Guadeloupe et un peu de Saint-Domingue. Mais il y a très peu de noirs dans la ville. Et ce que je ne comprenais pas, c'est pourquoi qu'il n'y a pas eu plus de documentation que ça, puis de trace de son passage dans la ville comme tel. 

Amal [00:23:40] Oui, ça c'est vraiment fascinant. Et j'ai lu dans les médias francophones que vous êtes en train d'entamer des démarches pour ériger une statue, justement, de Suzanne Louverture. Et c'est dans le cadre de votre travail, comme votre rôle, comme président de l'association Haïti Culture - Canada. Donc, qu'est-ce que cette association Haïti Culture - Canada et quelles sont les démarches que vous entamez justement pour ériger une statue de Suzanne Louverture? Et pourquoi? Et où est-ce que la statue sera érigée ? 

Gabriel [00:24:22] Bonne question. En fait, l'association c'est Haïti Futur. 

Amal [00:24:26] Ah d'accord! 

Gabriel [00:24:26] Haïti Futur, c'est une association franco-haïtienne qui a débuté à la fin des années 80 par deux personnes, une d'origine haïtienne et un Français qui habitent dans la région parisienne. Et depuis quelques années, l'association s'est agrandie. Maintenant, on compte sept associations Haïti Futur à travers le monde. Donc il y en a en Haïti, au Canada, comme on l'a dit, aux États-Unis, au Bénin, en Allemagne et aux Pays-Bas et en République Dominicaine aussi. Donc ça s'est agrandi pas mal avec les années. Donc l'objectif principal d'Haïti Futur, c'est de promouvoir l'éducation en Haïti. Aussi d'aider les gens à trouver des façons économiques de créer des emplois. Et l'autre volet, c'est la culture. Donc tout le projet autour de Suzanne, c'est l'aspect culturel de faire connaître la culture haïtienne, donc c'est là-dessus que je me suis inspiré pour le projet de Suzanne. Au départ, quand j'ai découvert la vie de Suzanne à Agen et aussi le fait qu'un de ses enfants avait déménagé dans un petit village au sud d'Agen qui s'appelle Astaffort, donc je me suis rendu à Astaffort et j'ai retracé la vie de ce jeune-là, qui va faire l'objet d'un livre d'ailleurs un petit peu plus tard, avec les autres recherches que j'ai faites. La première étape qu'on a faite, c'était de faire mettre des plaques commémoratives sur les maisons où ont habité cette famille-là à Astaffort et j'ai l'intention de faire la même chose sur les maisons où Suzanne a habité dans la ville d'Agen. Nous essayons d'avoir les autorisations des propriétaires pour pouvoir mettre ces plaques-là. Comme Suzanne a vécu à Agen et qu'elle est morte là-bas, c'est pour ça qu'une association locale à laquelle je me suis associée, on a décidé d’ériger une statue de Suzanne dans la ville. Mais la ville d'Agen dit « Oh, ben Suzanne, il n'y a personne qui la connaît. Alors on devrait d'abord commencer par mettre une statue de Toussaint Louverture pour avoir un petit peu plus de prestige ». Donc, en premier lieu, il y aura une statue de Toussaint qui va être installée au mois de mai de cette année dans la ville d'Agen. Mais nous, on voulait plutôt reconnaître le travail de Suzanne et aussi la faire sortir de l'oubli cette dame, parce qu'elle a quand même contribué beaucoup à la gloire de Toussaint. Parce que si elle n'était pas là pour s'occuper de toutes les affaires de Toussaint, pendant que Toussaint était d'abord gouverneur de l'île, avant il était général de l'armée française et tout ça. Donc, si Suzanne n'était pas là pour s'occuper de ça, Toussaint ne serait pas devenu l'homme qu'il était. Alors j'ai voulu faire sortir Suzanne de l'oubli, puis lui redonner un petit peu sa place dans l'histoire. Donc c'est pour ça qu'on est en train de faire une campagne de levée de fonds pour d'abord créer la statue qui sera faite par un jeune plasticien d'origine haïtienne qui présentement réside dans la région de Bordeaux. Donc la statue va être créée et coulée en bronze, dans une fonderie là-bas. Donc ça coûte quand même cher, c'est au-delà de 100 000 $ qu'il faut qu'on ramasse. Donc tous les sous que les gens peuvent nous donner, on a créé un site internet pour Suzanne Louverture. Donc c'est www.suzannelouverture.com où les gens peuvent aller. Donc j'essaie de garder ce site-là actif, à mettre un peu les histoires de Suzanne. Donc les gens peuvent faire des dons sur ce site-là. Il y a plusieurs façons de donner. 

Amal [00:29:03] Oui, et vraiment très fascinant. Est-ce que vous allez écrire un livre sur Suzanne Louverture? 

Gabriel [00:29:11] Oui, en fait le livre est, à toutes fins pratiques, terminé. Je suis à l'étape finale ou presque de révision du manuscrit et le livre devrait sortir un peu plus tard cette année. On n'a pas de date précise encore. Le livre va retracer justement un peu...pas un peu, il va tout retracer la vie de Suzanne sur la plantation à Saint-Domingue jusqu'à son arrivée en France, ou les années qu'elle a passées en France, de Brest à Bayonne, de Bayonne à Agen. Et Agen où elle a vécu jusqu'à sa mort en 1816. Ce livre, finalement, va être une trilogie parce qu'en plus de parler de Suzanne elle-même, j'ai deux autres livres que je travaille en parallèle, qui vont parler des deux enfants de Suzanne. J'ai aussi pu, au travers des recherches, Amal, retrouver la progéniture de Placide Louverture, donc le fils de Suzanne, qui a eu une descendance là-bas. Et quand on a posé les plaques à Astaffort, j'ai eu l'immense plaisir de rencontrer la quatrième ou cinquième génération de ces gens-là qui, au cours des années, se sont à peu près blanchis parce qu'aujourd'hui il y a plus de traces du tout de couleur dans cette famille-là. Il y a juste une des sœurs...une des enfants qui a peut-être des cheveux crépus un peu, puis un nez quelque peu négroïde, mais sinon c'est rendu des blonds aux yeux bleus les descendants de la famille. Faut dire que Placide a épousé une fille de la noblesse, c'était une blanche. Donc les enfants, après se sont dilués pas mal avec les années dans la durée. 

Amal [00:31:11] Mais ils ont peut-être quand même gardé le lien avec Haïti, au moins l'histoire ou la culture haïtienne. 

Gabriel [00:31:18] Tout à fait parce que tu vois, quand on a rencontré ces gens-là, il y a une des personnes qui a dit que ça fait 50 ans qu'on attend ce moment-ci. Donc eux autres, ils savaient. Ils ont trouvé des documents dans les coffres, dans le grenier, chez la grand-mère qui avait gardé ça. Donc il y avait les photos de leur grand-mère d'abord, et aussi des tantes au cours des années. Donc, on a eu le plaisir de pouvoir voir ça, puis des documents aussi qu'ils avaient précieusement conservés ; une chance parce que souvent les gens disent bah ça n'a pas de valeur, on les jette. Donc on a pu au moins les consulter. 

Amal [00:31:59] Oui, toujours très fascinant. Et donc c'est l'association Haïti Futur, n'est-ce pas? C'est une association diasporique. Et vous êtes également artiste peintre. Et est-ce que votre peinture correspond à certaines thématiques, certains sujets ou c'est juste une création artistique qui se crée comme ça momentanément? 

Gabriel [00:32:24] Je pense que c'est un peu des deux. J'ai quelques tableaux qui, je dirais, qui seraient peut-être un peu inspirés du folklore haïtien, entre autres, surtout parce qu'il y a un moment donné, je voulais faire une exposition...en fait, une exposition m'avait été proposée sous le thème du vaudou haïtien. Donc là, je me suis attelé pendant quelques mois à créer une série de tableaux qui parlaient un petit peu ou qui m'inspiraient, inspirés du vaudou haïtien. Je pense que c'est à peu près la seule fois que j'ai fait une incursion, si tu veux, dans une peinture que je pourrais dire entre guillemets plus haïtienne. Par contre, ce que je vais remarquer, c'est que dans mes peintures, j'en ai deux, vous voyez peut-être en arrière de moi, qui sont plutôt colorés. J'utilise beaucoup de couleurs vives qui me rappellent peut-être le soleil d'Haïti, qui me rappellent un peu la chaleur tropicale. Mais ça s'arrête là. Ma peinture, je dirais mon inspiration est grandement influencée par plus le Canada. Donc j'ai fait beaucoup de paysages, beaucoup de scènes d'hiver, des trucs comme ça. Et dans les dernières années, j'ai bifurqué pour aller plus vers l'abstrait. Donc je fais beaucoup plus l'utilisation de couleurs, de formes, beaucoup de formes géométriques, j'aime beaucoup ça. J'ai toujours aimé un peu les formes physiques. Quand on suivait des cours de physique, il y avait des formes qui m'attiraient beaucoup. Donc j'ai utilisé beaucoup ça dans mes tableaux au cours des années. 

Amal [00:34:29] Et donc, vous êtes également animateur de radio, n'est-ce pas? De l'émission hebdomadaire Franco Découvertes. Qu'est-ce que cette émission? 

Gabriel [00:34:39] C'est une émission d'abord de musique. Ce que je fais c'est j'essaie de découvrir de la musique francophone de partout à travers le monde, dans tous les pays francophones. Et c'est de faire connaître des artistes que des gens n'ont jamais entendu parler ici. Et donc je fouille un peu sur l'Internet pour voir dans les différents pays africains les gens qui chantent en français ou qui chantent des chansons des fois qui ont un mélange dans leur langue maternelle et aussi avec un petit peu de français. Donc des pays... c'est de la musique de pays francophones. Donc j'ai la Martinique, Guadeloupe évidemment. J'ai fait une émission sur les artistes de la Réunion, parce que j'ai eu le plaisir d'aller faire une conférence là-bas à l'île de la Réunion au mois d’octobre, il y a deux ans déjà. Donc c'est un peu ça, c'est aussi de faire redécouvrir des fois de la musique francophone qu'on a oubliée, que ce soit du Québec, que ce soit de la France, d'Haïti ou d'ailleurs. Donc, c'est les vendredis soir, de 19 h à 20 h sur les ondes de CHOQ FM 105.1 à Toronto. Et c'est disponible aussi sur l'Internet. Donc, les gens peuvent écouter partout à travers la planète. 

Amal [00:36:06] Donc toujours dans le cadre de votre création artistique, vous étiez président de l'Association des auteures et auteurs de l'Ontario français. Ça, c'était quand? Et qu'est-ce que cette association? 

Gabriel [00:36:21] C'est une association qui est vouée à la défense des droits des auteurs et aussi de les promouvoir. Donc ce sont les grands créneaux, si tu veux, de l'association, entre autres, mais aussi de mettre de l'avant l'importance de l'écriture francophone en Ontario et d'aider à la diffusion de cette écriture-là, de cette littérature-là aussi devrais-je dire, non seulement dans les écoles, les universités de l'Ontario, mais aussi de la faire connaître à travers le Canada français. De dire aussi qu'on a une littérature foisonnante ici en Ontario et les auteurs méritent justement d'être connus et d'être reconnus. On a de très très bons écrivains, ce n'est pas parce que je suis l'un d'eux que je dis ça, mais on a de très, très bons écrivains en Ontario qui, malheureusement, ne sortent pas vraiment du lot parce que, bon, on est très peu connus au Québec, à part quelques incursions de temps à autres, comme invités dans les écoles. Je suis invité des fois à parler de mes livres dans des écoles, mais sinon je ne crois pas que l'on est très connus. On n'a pas assez de visibilité au Québec. Ceci dit, ça serait plus ça le rôle de l'AAOF, c'est de promouvoir les auteurs franco-ontariens et de défendre surtout aussi les intérêts des auteurs franco-ontariens, de favoriser l'utilisation de ces livres-là, qu'ils soient étudiés, que ces écrivains-là soient étudiés dans les écoles de langue française ou même dans les écoles anglophones, dans les programmes d'immersion, dans les écoles de langue anglaise. 

Amal [00:38:18] Donc, la peinture, l'écriture et l'art de manière générale sont des outils éducatifs, donc d'éducation. Et à ce sujet, je vois que vous avez travaillé au ministère de l'Éducation. Est-ce que c'était le ministère de l'Éducation de l'Ontario? 

Gabriel [00:38:37] Oui, c'était le ministère de l'Éducation de l'Ontario et j'ai travaillé pendant dix ans dans le secteur de l'éducation en langue française. Donc, notre travail c'était justement d'épauler les conseils scolaires pour leur donner des outils pour pouvoir avoir des écoles, développer les curricula, former les enseignants et tout ce qui va avec. J'étais, en gros, pendant quelques années aussi, responsable des étudiants étrangers qui arrivaient à ce moment-là dans les écoles de langue française de s'assurer justement qu'il y avait une certaine représentativité au niveau du corps professoral pour que les étudiants puissent avoir des modèles à suivre. Parce que surtout, depuis je dirais les 15-20 dernières années, une grosse partie de l'éducation en langue française a pu survivre justement grâce à l'apport des immigrants qui arrivaient d'Afrique, d'Haïti pour la plupart. Donc ça, ça a été un peu aussi mon travail dans l'éducation en langue française. Vers la fin, j'ai travaillé surtout pour le programme Canada Ontario. Donc, c'est un programme où on reçoit l'argent du gouvernement fédéral qu'il faut qu'on retourne dans les écoles et dans les conseils scolaires. Donc, moi, je gérais ce programme-là dans les quatre, cinq dernières années. 

Amal [00:40:19] Donc cela étant, votre engagement dans la francophonie est vraiment multidisciplinaire, n'est-ce pas? C'est éducationnel, c'est associatif, c'est artistique, c'est historique et ainsi de suite. Donc, de par votre engagement, cet engagement très riche et enrichissant, qu'est-ce que représente pour vous la Francophonie? Quelle est votre image sur la Francophonie. 

Gabriel [00:40:47] La Francophonie, ce sont mes racines au départ. Donc je veux et j'ai toujours eu à cœur de garder le fait français dans ma famille. Alors que quand je suis arrivé en Ontario en 1986 déjà, ça fait quelques années, mes amis qui étaient au préalable partis du Québec et que je rencontrais ici, me disaient « mais nous, on parle plus français ». Mais j'ai dit comment peux-tu me dire que vous êtes né au Québec, tu as grandi au Québec et tout d'un coup tu dis je ne parle plus français, puis même qu'ils étaient rendus à angliciser leur nom pour ne plus avoir cette consonance francophone. Moi, j'ai fait un choix politique de mettre mes enfants à l'école de langue française dès qu'on est arrivé en Ontario et de toujours parler français avec eux à la maison même quand les enfants me disaient on ne comprend pas le français. Nous on disait l'inverse, on ne parle pas l'anglais, si vous ne parlez pas français, nous, on ne peut pas vous répondre. Ça a pris quelques années, ça a duré quand même un petit bout de temps, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte qu'on savait parler anglais. Mais n'empêche que même que devenu adolescent ou jeune adulte, même s'ils nous parlaient en anglais, on répondait toujours en français. Donc pour moi le français c'est la base. Puis j'ai toujours eu à cœur de défendre la langue française ici, défendre le bon parler français parce que c'est facile de se laisser influencer par la langue majoritaire ici et d'avoir un certain vocabulaire un peu bâtard si je peux utiliser ce mot-là, où à chaque deux mots français, on va rajouter un mot anglais. Je me suis encore aujourd'hui forcé de trouver le mot juste pour parler. Quand on a des nouvelles locutions qui arrivent, j'essaye de trouver est-ce qu'il existe un pendant français à ce mot-là et à ce moment-là d'utiliser ce mot-là plutôt que d'utiliser l'anglicisme. Alors donc, j'ai toujours eu à cœur cette défense-là. Pour moi, c'est comme... ça fait partie de mes tripes le français et mon apport aussi que ce soit dans les écoles ou les institutions francophones à Toronto. J'ai aussi fait du développement organisationnel, Amal, pendant quelques années. J'ai travaillé avec les organismes à but non lucratif qui arrivaient ici pour les aider à s'implanter un peu au niveau des affaires, si tu veux, dans la communauté, de consolider aussi leur base associative à ce moment- là. Alors ça, c'est un peu ça, mon implication dans la communauté. Puis je continue de donner à travers la radio, à travers les conférences, à travers les rencontres, à travers les salons du livre aussi, le Salon du livre de Toronto qui continue de promouvoir la littérature ontarienne et canadienne française aussi. 

Amal [00:44:14] Vous donnez beaucoup et c'est vraiment apprécié. Donc vous-même, comment est-ce que vous vous identifiez? 

Gabriel [00:44:19] Bonne question. J'ai toujours eu de la difficulté avec cette question d'identité multiple. Quand j'étais à Montréal, j'étais un vrai Montréalais. J'étais un vrai Québécois puis je pense que les gens me disaient toujours « oui, toi, Gabriel, on ne peut pas dire que t'es un Haïtien parce que tu ne parles pas comme les Haïtiens, tu penses comme nous, tu parles comme nous » etc. Mais je dis je ne suis pas plus un Québécois pour autant parce que mes origines ne sont pas d'ici. Par contre, j'ai toujours adopté, si tu veux, le pays où je suis. Quand je suis arrivé en Ontario, je suis devenu franco-ontarien par la force des choses. Parce que, au départ, je ne dois pas dire que quand je suis arrivé mes premières années, j'étais plus immergé dans le milieu anglophone. La compagnie pour laquelle je travaillais, c'est une compagnie américaine et j'ai travaillé pratiquement à 80 % en anglais. Comme je parlais français, j'avais aussi le dossier du Québec. Mais c'était seulement quand j'allais au Québec que je parlais français, sinon tout le reste de mes interventions se faisaient en anglais. Donc aujourd'hui, je me sens un peu haïtien, un peu français de par mes origines parentales, puis un peu franco-ontarien. Donc je parle souvent d'identité dans ma poésie, pas autant dans mes livres. Le fait que c'est toutes ces identités-là, finalement qui m'ont créé, qui font de moi l'être que je suis. Donc je ne renie ni mon identité haïtienne, ni mon identité canadienne. Donc je les combine et j'en tire le meilleur parti de tout ça. 

Amal [00:46:18] Et Gabriel Osson, on aimerait que vous partagiez avec nous un poème de votre choix, s'il vous plaît. 

Gabriel [00:46:26] Vu qu'on parlait d'identité tout à l'heure, j'ai choisi justement un poème tiré de mon recueil D'ici et d'ailleurs. On parlait tout à l'heure d'identité multiple, des endroits où on vient donc qui nous marquent et ça se lit ainsi. 

Je suis de la mouvance. 

Fils de la lune et de la mer. 

Je suis d'Afrique et d'Haïti. 

Je suis issu de l'errance en des temps de transhumance inhumaine, 

ces temps où l'humanité de certains était questionnée, 

les ramenant au rang de bêtes. 

Fils d'esclave né libre,

Perdu dans la diaspora, 

je suis un ethno quelque chose. 

Afro-ci et afro-ça. 

Je suis fils du soleil et de la terre. 

J'ai mes racines aux Antilles et 

mes branches tentaculaires 

s'étirent au nord de l'Amérique, en Europe, en Afrique. 

Pas assez haïtien pour les Haïtiens. 

Trop étrange pour les autres. 

Je suis issu de l'errance. 

Vagabond aux pieds nus, 

gitan d'avant le temps. 

Je suis celui qui n'est pas d'ici et point d'ailleurs. 

Je suis d'Afrique et de France, d'Haïti et du Canada. 

Pris entre deux cultures qui ne semblent jamais vouloir tout à fait de moi. 

Le monde est ma patrie. 

Amal [00:48:07] C'est très beau. Merci beaucoup Gabriel Osson d'avoir partagé vos expertises, votre art, votre écriture, votre poésie avec nous. Merci beaucoup. 

Gabriel [00:48:22] Merci beaucoup Amal, ça m'a fait vraiment plaisir de partager ce petit moment avec toi. 

Amal [00:48:28] Merci beaucoup. 

Joey [00:48:31] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca