Quoi de neuf ?

Avortement : quels non-dits et souvenirs du pronatalisme roumain ?

May 13, 2022 Season 3 Episode 7
Quoi de neuf ?
Avortement : quels non-dits et souvenirs du pronatalisme roumain ?
Show Notes Transcript

Dans cet épisode,  Laura Bisaillon, membre du CREFO, rencontre Lorena Anton, chercheure indépendante

Madame Lorena Anton est anthropologue sociale. Autrefois professeure à l’Université de Bucarest et à l’Université Transylvanien de Brașov en Roumanie, elle est aujourd’hui chercheuse indépendante. Elle est diplômée d’un doctorat en ethnologie de l’Université de Bordeaux et de l’Université de Bucarest pour thèse qui portait sur la mémoire de l’avortement en Roumanie de 1966 à 1989 sous le régime de Nicolae Ceaușescu. Elle a été lauréate de la prestigieuse bourse Marie Curie qui lui a permis d’étudier les politiques de santé publique et les débats sociaux relatifs à la reproduction dans la Roumanie post-communiste. Avec ses collègues, elle a sorti la collection A Fragmented Landscape: Abortion Governance and Protest Logics in Europe (2016) publié en anglais chez les Presses Berghahn.  

Joey [00:00:00] Dans cette troisième saison, Laura Bisaillon, membre du CREFO et ses invités discuteront du thème de la production et de la diffusion des connaissances sur les mobilités, les francophonies, la minorisation, le corps et l'Etat dans ces divers contextes du monde. Dans cet épisode, elle rencontre Lorena Anton, anthropologue socioculturelle et chercheure indépendante. 

Lorena [00:00:22] Des sujets tabous mais de deux points de vue. C'est pour cela que ça m'intéressait de rentrer sur cette porte de souvenirs et mémoire. Pourquoi les gens se rappellent ou ne se rappellent pas une partie du passé? 

Joey [00:00:33] Bienvenue à Quoi de neuf? 

Laura [00:00:50] Alors un beau bonjour sur les ondes de Quoi de neuf? Les cafés du CREFO. Aujourd'hui, j'ai le grand plaisir de recevoir comme invitée madame Lorena Anton. Madame Lorena Anton est anthropologue sociale. Autrefois professeure à l'université de Bucarest et à l'université Transylvania de Brașov en Roumanie, elle est aujourd'hui chercheuse indépendante. Elle est diplômée d'un doctorat en ethnologie de l'Université de Bordeaux et de l'université de Bucarest pour la thèse qui portait sur la mémoire de l'avortement en Roumanie de Ceaușescu. Elle a été lauréate de la prestigieuse bourse Marie-Curie qui lui a permis d'étudier les politiques de santé publique et les débats sociaux relatifs à la reproduction dans la Roumanie post-communiste. De ce travail est sorti la collection A fragmented Landscape. Abortion, Governance and Protest Logics in Europe en 2016 chez Berghahn en anglais. Alors madame Lorena Anton, sois la bienvenue! 

Lorena [00:01:49] Merci beaucoup. 

Laura [00:01:49] Oui, ça fait plaisir de te recevoir, une grande grande amie et une grande collègue que j'ai souhaité recevoir sur cette émission au profit de notre public du podcast. Voilà, j'ai souhaité te recevoir non seulement en raison de tes écrits scientifiques et de tes idées, mais aussi tu es quelqu'un qui a séjourné à l'étranger comme étudiante au moment où tu étais étudiante et aussi comme lauréate. Pendant l'époque que tu étais prof., tu as donc intégré et ensuite réintégré plusieurs milieux culturels, géographiques, sociopolitiques et tout ça en même temps en tant qu’étudiante et chercheure et c'est le souhait, et c'est aussi le parcours de beaucoup de chercheurs et beaucoup d'étudiants qui étudient chez nous à l'Institut. Alors commençons par le début. J'ai tendance à vouloir commencer vraiment dans le social, à te faire connaître comme être humain d'abord. Commençons donc par tes compétences linguistiques et ton parcours socioculturel, géographique. Tu es polyglotte, tu parles le roumain en langue maternelle, ensuite le français, ensuite l'anglais. Donc, est-ce que tu pourrais nous parler de ton parcours linguistique, culturel et géographique? 

Lorena [00:03:18] Oui, bonjour tout le monde et merci beaucoup au professeur Bisaillon de m'avoir invitée pour ce podcast. Commençons avec le début, le parcours linguistique. C'est drôle maintenant que je me rappelle le français, en fait, c'était je crois ma première langue étrangère. J'étais toute petite, donc je suis née au début des années 80 en Europe de l'Est. Donc l'Europe communiste de Nicolae Ceaușescu et mes parents étaient, et ils sont maintenant à la retraite, professeurs d'école. Et j'ai voulu apprendre le français tout simplement parce que c'était après la chute du régime. Et il y avait des amitiés entre les villages et notre village de montagne n'avait pas des amis en dehors du pays. Mais celui où ma mère était institutrice a reçu la visite de leurs amis de France. Ils sont venus avec beaucoup de livres et je voulais savoir qu'est ce qui se passe dans ces livres-là. C'est après, je me rappelle, on ne faisait pas beaucoup des heures de langue étrangère pendant le gymnase. Et c'est au lycée j'ai fait un essai assez spécial. Le lycée s'appelle pédagogique, c'est comme l'école normale en France pour devenir institutrice et professeure de maternelle. Et c'est là-bas où je basculais beaucoup sur l'anglais parce que c'était l'anglais intensif et on a fait...ça peut-être que c'est intéressant comme parcours linguistique, surtout en Europe. On a toujours fait du latin à partir du...donc de l'école générale et pour le lycée. J'ai continué à la faculté de lettres, j'ai fait langue et littérature roumaine et langue et littérature anglaise toujours avec du latin. Pour la première année, je me rappelle maintenant de...je crois qu'en français c'est slavon. Donc l'ancienne langue slave, parce que pendant le Moyen Âge, c'est comme ça que ça a commencé le travail linguistique de l'Église en Roumanie. Donc on avait tous ces langues en tête, beaucoup de langues romaniques, mais le latin m'a beaucoup aidée parce que je suis revenue avec le français. Quand je suis arrivée comme jeune doctorante en première année à Bordeaux, j'avais cru que je pouvais faire ma thèse en anglais. Tout le monde parlait anglais. C'était les années 2000. Mais non, non, non, c'était interdit de faire ça. C'était interdit par la loi en fait. Donc surtout si tu avais une bourse. J'étais boursière de l'Agence universitaire de la francophonie et j'ai dû tout reprendre. Je passais là-bas pour la thèse. En fait, j'ai fait des allers-retours et un peu partout en Europe, dans des écoles d'été, pour cette thèse qui, comme professeur Bisaillon a dit, a étudié la mémoire de l'avortement sous la Roumanie de Ceaușescu. Donc j'ai fait beaucoup des entretiens avec des femmes de cette période, des différentes générations. 

Laura [00:06:40] Est-ce que tu pourrais nous situer dans le contexte culturel de l'époque? Parce que peut-être que certains auditeurs, auditrices sauront mais peut-être certains non. Donc peut-être nous faire revenir en arrière, c'était durant les années 70-80? Ceaușescu est tombé, son régime est tombé en 89. Mais il y avait une quinzaine d'années où les Roumains ont vécu sous ce régime communiste, n'est-ce pas? 

Lorena [00:07:07] Tout à fait. Donc, peut-être que beaucoup des étudiants ou pas connaissent l'histoire un peu de...après la Deuxième Guerre mondiale. Donc l'Europe a été un peu scindée en deux entre la partie capitaliste et la partie communiste du mur de Berlin et la courtine de fer, comme on disait. Et donc la Roumanie est passée sous le régime communiste dans la deuxième partie des années 40. Et ça s'est fini en décembre 1989. C'était particulier pour l'histoire de la Roumanie le fait que c'était le seul régime communiste où l'ancien président a été condamné à la mort et fusillé en direct à la télévision. Et ce qui a intéressé beaucoup dans mes travaux de recherche et beaucoup des personnes, les étudiants de toutes les universités où j'ai pu présenter mon travail, c'était que ces politiques de reproduction ont été assez particulières en Roumanie. D'ailleurs, je crois qu'il y a une série qui a été assez connue récemment sur HBO, The Handmaid's Tale et c'est d'après un roman d'une écrivaine canadienne, Margaret Atwood, qui a pris le régime de Ceaușescu comme modèle pour le système des femmes porteuses, des mères porteuses qui est décrit dans ce livre et dans cette série. Juste pour situer un peu, c'est toute une autre histoire. Dans les pays de l'Europe de l'Ouest et aux États-Unis, au Canada, on va dire, toute la lutte autour du droit à l'interruption volontaire de grossesse donc droit à l'avortement et autour du corps féminin s'est organisée dans les années 70, 80 après, mais l'avortement n'était pas libre d'un point de vue législatif et juridique avant. Dans l'Europe de l'Est, ça a commencé dans les années 50, en suivant le modèle de l'Union soviétique, et c'est avec ce contexte en tête que Ceaușescu vient au pouvoir. Et un an après son arrivée au pouvoir, donc en 1966, du jour au lendemain, il dit qu'une femme ne peut pas demander une interruption volontaire de grossesse qu'à partir du fait d'avoir quatre enfants ou plus de 45 années. Maintenant, peut-être que dans le jour d'aujourd'hui, c'est assez bizarre pourquoi les femmes désiraient tellement de faire des avortements. Mais il faut comprendre qu'à l'époque la contraception moderne qu'on connait tous n'existait pas. C'était vraiment au début, c'était la pilule contraceptive, c'était juste au début, début de l'invention. Les préservatifs pas assez utilisés que maintenant et donc c'était un tout autre contexte politique et surtout c'était cet état qui s'organisait, à surveiller partout dans la vie privée des gens pour faire son projet d'arriver de Roumanie, de faire un des plus grands pays numériques du bloc de l'Est. 

Laura [00:10:39] Je me souviens...parce que nous nous sommes rencontrées en 2017 à Genève lorsqu'on était lauréates à la Fondation Brocher à proximité de Genève. Et c'est là où j'ai beaucoup appris de toi sur la société roumaine, sur ton projet de thèse et finalement c'est l'origine de notre association, de notre amitié. Mais tu m'avais parlé en détail de ton intérêt pour ces questions-là, de reproduction, de l'avortement, c'est vraiment un fil conducteur dans tes recherches. Mais qu'est-ce qui t'a appelée à vouloir étudier les politiques liées à la reproduction et à l'avortement et aussi tu mènes tes enquêtes sur le plan théorique au sein des études de la mémoire. Donc tu abordes les questions politiques de façon critique, mais tu les abordes de façon particulière avec des questions méthodologiques, la méthodologie, la théorie. Est-ce que tu pourrais nous parler d'un peu ton terrain, les choix méthodologiques, les choix théoriques aussi parce que c'est ça ton approche est particulière. 

Lorena [00:11:51] Je vais essayer, oui. Comment je suis arrivée à ça? C'était assez...c'était par chance, pendant un projet à la fac, quand j'avais...c'est comme ça que je me suis rapprochée de l'ethnologie et de l'anthropologie ensuite. J'avais beaucoup d'intérêt sur les cours qui étaient des cours optionnels en ethnologie et folklore. C'était proposé parce que c'était la faculté de lettres. Ça passait toujours par le folklore comme littérature orale et l'ethnologie, comme toutes les croyances et la culture matérielle et immatérielle qui entourait tout ça. Et c'était un projet d'une chercheuse du Musée du paysan roumain qui a voulu faire une sorte de bibliothèque des souvenirs sur la vie quotidienne de Bucarest dans les années 80. Et ils avaient besoin des étudiants pour juste faire des petits entretiens avec des gens. Qu'est-ce que vous vous rappelez? C'était...il faut s'imaginer la chute du régime communiste dans les années 90 a été très dure en Roumanie d'un point de vue économique, social...tout ce que vous voulez. Mais après, avec l'année 2000, le...comment je dirais ça...le discours général a changé. Mais nous, les anciens pionniers, les enfants qui sont nés dans la fin du communisme n’ont pas vraiment vécu le communisme. Moi, tous mes souvenirs de communisme sont assez extraordinaires, sont des souvenirs d'enfance. C'était une enfance très belle, enjouée, dans un village de montagne. J'étais à la maternelle, après à l'école. C'était beau, il n’y avait pas de connaissance d'un régime politique totalitaire en tant qu'enfant. Et ensuite, quand tu arrives au lycée, tu arrives à la faculté, moi par exemple, je ne connaissais pas cette politique de reproduction totalitariste et l'interdiction de l'avortement. Je ne connaissais rien. 

Laura [00:13:53] Ah bon parce qu'il y avait un silence. Ta mère la connaissait, tes tantes, les grands-mamans et tout ça, les femmes du village peut-être mais on n’en parlait pas, c'est ça?

Lorena [00:14:03] Mais personne, personne ne parlait de ça. Il faut savoir qu'il y avait une autre...comment je dirais ça...c'était des sujets tabous, mais de deux points de vue. C'est pour cela que ça m'intéressait de rentrer sur cette porte de souvenirs et mémoire. Pourquoi les gens se rappellent ou ne se rappellent pas une partie du passé? Il y avait des sujets du passé communiste, du passé proche dont tout le monde parlait, la révolution, dont la chute du régime, la collectivisation, la...ça s'appelait la nationalisation de la propriété, quand le régime a pris les propriétés de grands propriétaires et a fait de ça un bond de l'État. 

Laura [00:14:49] Et peut être l'espionnage aussi. 

Lorena [00:14:51] L'espionnage, la Securitate, mais pas quelque chose qui touchait vraiment tout le monde et la vie de tout le monde, comme la vie intime des gens et le projet d'avoir une famille et de faire des enfants. Et c'est au fur et à mesure que je me suis rendu compte qu'il y a plusieurs façons de parler de ça et qu'on parle de ça toujours en intimité. Et c'est par les voix de femmes et que cette partie traumatique du régime communiste ne va jamais être récupérée parce qu’il n'y a pas quelqu'un qui peut militer sur ça. En fait, tu ne peux pas, après un régime totalitaire, quand les gens essayent de faire beaucoup dans le monde, ils ont organisé des commissions de restitution. Qu'est-ce que tu peux restituer pour tous les couples qui ont dû se faire avorter ou pour toutes les femmes qui ont dû faire ça pour ne pas apporter un autre enfant au monde, parce que la vie des enfants déjà nés était une priorité. Rien. On ne peut pas même pas parler. Et ensuite, c'est un sujet tabou parce que, bien sûr, c'est un sujet lié à l'intimité, à la sexualité et partout dans le monde ce n'est pas un sujet dont on parle, comme la mode ou je ne sais pas... les livres ou la nourriture. Donc c'était au début...j'étais très jeune, je ne connaissais presque rien de la vie et j'ai commencé au fur et à mesure. Et ensuite j'étais intéressée par cette politique, par les politiques publiques, les politiques de l'État, parce que c'était quelque chose de tellement différent et qui avait des répercussions sur les politiques que moi je commençais à voir en tant que jeune femme. 

Laura [00:16:47] Oui, mais tes choix aussi. On va pousser ça un peu plus loin parce que tu as changé ton choix méthodologique finalement, en raison de ton manque d'expérience sur le plan sexuel, sur le plan intime, n'est-ce pas? Donc tu avais voulu enquêter d'une certaine façon et tu es revenue un peu en arrière, ou bien tu as changé pour ensuite aller dans une autre voie pour des raisons de pudeur, de respect pour les tantes, pour les mamans, pour les grands-mères, tout ça. Est-ce que j'ai raison? 

Lorena [00:17:25] Oui, oui, tout à fait. Et j'ai...même maintenant c'est la chose qui m'a beaucoup choquée, c'est ça le mot au début, après tu t'habitues. C'est la différence quand tu regardes, il y a une mémoire officielle de ce régime et avec tous les discours sur les femmes et le devenir des femmes et les droits des femmes, la propaganda et l'idée de devenir mère. Et ça, c'est d'un côté et d'un autre côté, t'as tout le souvenir des femmes qui se rappelaient que ce n'était pas du tout comme ça, mais que tout le monde devrait jouer le jeu. Si tu te rappelles, on a vu ensemble, étant à Brocher, un des premiers documentaires sur ça qui s'appelle Les enfants du décret et c'est entre un film documentaire et une sorte d'archive des petits films de l'époque, des grandes fêtes nationales et tout le discours autour de cette idée du citoyen et de la citoyenne modèle qui devrait toujours mettre son désir personnel après le désir et le bien collectif. 

Laura [00:18:37] D'ailleurs, c'est un film qu'il faut absolument voir, à mon avis. Les enfants du décret. Hier même, je l'ai présenté, je l'ai fait voir à mes élèves, je le fais dans ma salle de cours à chaque année, lorsqu'on parle des politiques publiques, socio-sanitaires, les retombées, les retombées sur les femmes, les communautés, tout ça car ce sont des sujets incroyables. Les étudiants d'ici, dans le contexte de Toronto, qui ne savent pas non plus distinguer entre l'Europe de l'Ouest, l'Europe de l'Est, qui...peut-être qu'on enseigne l'histoire vraiment de façon peut-être moyenne, ça leur ouvre les yeux et ça leur apprend beaucoup. Ils sont, ils sont assez choqués, donc je recommande aux auditeurs vraiment de le regarder. C'est un film documentaire hors pair, à mon avis, non? De 2 heures il me semble. 

Lorena [00:19:23] Oui, presque 2 heures, oui, tout à fait. Après, c'était donc...on parlait de cette idée de tabou. Je me rappelle pendant le travail de thèse, c'était aussi...c'était chaque travail de thèse est difficile, chaque projet étudiant est difficile, chaque projet en soi dans la vie. Mais c'était un sujet qui n'était pas du tout...pas recherché, mais même pas appuyé dessus comme discussion autour du communisme et du passé proche. J'ai eu beaucoup de chance parce qu'un 2007, c'est un des cinéastes roumains, c'était le premier qui a gagné la Palme d'or avec un film artistique extraordinaire qui, tout d'un coup, a ouvert cette partie du passé communiste de l'Europe de l'Est et de Roumanie pour les yeux de tout le monde. Et tout le monde parlait de ça. Et tout d'un coup, bon ça c'était assez drôle maintenant quand je...même maintenant c'est drôle pour moi parce que tout d'un coup mon sujet qui était juste que...tout le monde me demandait mais comment une jeune femme comme vous, qu'est-ce que vous voulez travailler sur ça? Des histoires, horreurs et tout ça, pourquoi? C'est pas beau, c'est pas...qu'est-ce que vous cherchez là-bas? Tout d'un coup, c'était un sujet très à la mode parce que c'était...ça a fait la une de beaucoup de journaux et la partie artistique et la partie de politique...politique du passé, droit des femmes, droit à l'aide et à la santé finalement. Il y a une des spécificités du régime, c'est que la Securitate surveillait tout et surtout dans les années 80, l'Autorité a connu la montagne de la surveillance. Une femme qui arrivait avec des soucis de santé dus à des avortements en cachette à la maison n'était pas prise en charge par le système médical avant qu'elle ait été interrogée par la Securitate. Et ça a mis beaucoup de morts sur ce type d'échanges. Et pour nous, maintenant, c'est de l'impensable, c'est ça. Qu'est-ce que je voulais dire quand...au début, quand j'ai fait la...j'ai commencé la thèse et ces recherches ont continué, je ne connaissais rien. Après, je suis arrivée en France et après le travail de thèse, je suis restée dans un projet postdoctoral au CNRS, Centre national de recherche scientifique, avec les politiques de santé et les stratégies d'accès aux soins des femmes migrantes ou précaires et aux précaires de cette presqu'île qui est au nord de Bordeaux, en Aquitaine, le Médoc que tout le monde connaît. Tout le monde connaît le vin de Bordeaux. Personne ne connaissait un des plus riches de France ou connu comme ça les grands châteaux, les très grands châteaux. Personne ne sait que donc...dans autour de quoi, on va dire sans migration, oui, mais pour autour de 300 000 personnes, il y a une seule clinique, micro-hôpital et à l'époque où notre recherche a commencé, il y avait deux gynécologues, en plus il y en avait un autre, oui, oui. Et surtout que c'est une zone assez touristique, donc vous imaginez bien pendant l'été l'affluence des personnes qui viennent. Le tourisme, le surf et tout ça. Et tu as presque personne si tu as besoin d'un soin dans ce type de santé, donc la santé reproductive. Et aller à Bordeaux, c'est très difficile. Donc qu'est-ce que je voulais dire c'est que, bien sûr, comme tout étudiant, après tu évolues. Tu te rends compte qu'en fait la particularité de ta recherche peut se retrouver, donc les mêmes types d'inégalités de cette idée d'une politique dure envers le corps des autres peut se retrouver dans plusieurs sociétés et partout dans le temps et de l'espace. Après, on s'imagine tous que tout le monde fait les enfants pareil. Mais non, non, non, même si oui, non, non, non. Ça, ça passe toujours par la culture, les mœurs, le système médical. Qu'est-ce que ça veut dire bonne santé? Qu'est-ce que ça veut dire bon âge pour avoir un enfant? Qu'est-ce que ça veut dire avoir pas assez d'enfants? Avoir trop d'enfants? Qu'est-ce que ça veut dire être bon maman ou des bons parents? Et tout ça. 

Laura [00:24:41] En fait tu t'es intéressée aux inégalités sur le plan du vécu. Tu as enquêté auprès des femmes roumaines installées en France. Pour une raison ou une autre elles étaient venues comme étudiantes ou migrantes ou travailleuses. Mais tu voyais que les inégalités et la culture, finalement des pratiques et leurs relations au système de santé roumain s'étaient transportés en France. Donc peu importe le régime politique ou l'État-Nation, c'est que c'est que les connaissances et les assises peut-être que les femmes avaient ce sont...elles avaient immigré vers la France, mais tout en ayant cette culture, disons médicale, au rapport de force avec les systèmes de santé. 

Lorena [00:25:30] Oui, tu as bien dit ce rapport de force avec son propre corps. Et comment ce corps il peut être aidé ou pas par le système de santé de l'État en fait ou privé, parce que c'est après que je me suis mis au fur et à mesure, j'ai commencé à lire beaucoup plus dans le sens du, de l'anthropologie médicale et de m'intéresser qu'est-ce qui se passe en fait avec le système de santé. L'intérêt, quand j'étais en thèse, c'était de voir le passé. Mais après, il y a des années et des années qui ont passé en Roumanie au moins. Qu'est-ce qui s'est passé avec toutes les politiques, toutes les aides sur cette cible, donc la santé reproductive de Roumanie post-communiste. Et pourquoi on avait toujours des problèmes de manque et professionnels et humains en même temps. Pourquoi cette peur...

Laura [00:26:33] Par rapport à soi-même? 

Lorena [00:26:34] Non, par rapport à la discussion de la société, désir de la société et l'évolution. Pourquoi cette peur, par exemple, de discuter de ça et d'implémenter une éducation à la santé affective et reproductive et sexuelle dans les écoles? C'était un des grands débats dans la culture roumaine sur la voie publique quand je suis revenue, donc 2015-2017. Bien sûr après, j'étais beaucoup dans les hôpitaux, dans les cliniques pour faire mon travail de recherche avec ce grant Marie Curie. Mais après, c'était la pandémie qui a un peu mis fin à tout. C'est ce travail d'ethnographie dans l'hôpital. Il faut que tout évolue et le sujet de recherche aussi. 

Laura [00:27:22] Oui, il évolue. Mais j'aimerais attirer l'attention des auditeurs et des auditrices sur ton texte écrit en 2011-2012, Socialist Mothers and their Legacies. Migrations, Reproductve Health and Body Memory in Post-communist Romania. Un texte formidable qui résume ce que tu viens de nous expliquer, finalement. La recherche que vous aviez en équipe menée, toi comme chercheure principale dans les environs de Bordeaux, c'est ça? C'est le texte qu'il faudrait retenir, qu'il faudrait lire à ce sujet, c'est ça? 

Lorena [00:27:55] Oui, oui, tout à fait. C'est en...je crois qu'il est trouvable en accès libre sur Internet. J'ai mis presque tous mes textes en ligne, la thèse tout ça... 

Laura [00:28:09] Et pour tout ce qui est de la période de Ceaușescu et travail de thèse et il y a ton texte qui a été publié dans l'Écologie française, donc une revue prestigieuse, en 2014. Il s'appelle Ethnographie et la mémoire de l'avortement en Roumanie de Ceaușescu. Un texte formidable qui est très utile dans la salle de cours, justement pour les raisons que j'ai pu articuler tout à l'heure. Un texte que j'aimerais discuter avec toi car très intéressant. Et ton texte écrit en 2015 Devenir anthropologue entre l'Est et l'Ouest. Auto-ethnographie d'un parcours professionnel nomade. Avec un titre très intéressant, très appétissant, l'Est et l'Ouest. Tu parles de quoi finalement? De quel terrain? De quelle région géographique? Tu pourrais nous en parler? 

Lorena [00:29:00] Oui, merci beaucoup que tu t'es arrêtée sur ça. C'est un texte que je tiens à cœur parce que ce n'est pas vraiment... ce n'est pas un texte de chercheuse, de recherche. Ce n'est pas un texte pour une enquête...

Laura [00:29:15] Mais si, si! 

Lorena [00:29:16] Ce n'est pas un texte post-enquête avec une enquête particulière. C'est juste...il est apparu dans un ouvrage collectif qui s'appelle Les sciences humaines et sociales dans les sociétés en transition. C'était un recueil d'études et témoignages en hommage à un de mes chers professeurs qui est décédé en 2010, Pierre Bidart. C'était mon professeur d'anthropologie au master que j'ai fait...au DEA en fait...en sciences sociales à Bucarest, organisé par la francophonie. Et c'était édité par R. Zane, un de mes collègues, chers collègues, à l'Université de Bucarest et Philippe Claret à l'Université de Bordeaux. C'était l'Est et l'Ouest de l'Europe. Et surtout j'ai essayé là-bas, mettant en avant un récit de mon propre parcours pour devenir anthropologue, donc comme étudiante et jeune chercheuse et jeune prof d’articuler un peu qu'est-ce qui se passe entre deux traditions académiques différentes. Parce que l'ethnologie ou l'anthropologie ont été très éloignées après la Deuxième Guerre mondiale et l'intérêt de recherche, donc dans la partie communiste, parce que j'ai des collègues et anthropologues partout en Europe qui travaillent sur ça, c'était toujours la nation et la nation communiste, c'était l'ancien projet du XIXᵉ siècle et donc les recherches ont été faites sur la culture matérielle, le folklore et tout ça. On n’avait pas ni d'anciennes colonies comme à l'Ouest et en même temps c'était une sorte de guerre de...on parle bien ici, dans la partie scholastique de choses, donc de l'Academia, qui peut-être un domaine très militarisé, si je peux me permettre de ça, d'établir qui a droit, qui...quelle connaissance et la vraie, ou elle est plus valide qu'une autre connaissance. Malheureusement, c'est comme ça aussi dans notre monde. Et pour moi, c'était en écrivant ce texte, je me suis rappelée tout le parcours que j'ai eu entre tout le bagage académique que j'ai acquis en Roumanie. Et après, quand je suis arrivée en France, c'était en sorte de défaire et refaire ce bagage, d'autant plus que moi, je lisais beaucoup en anglais qui n'était pas à l'époque, n'est toujours d'ailleurs pas forcément une langue, on va dire, assez poussée pour les étudiants dans le milieu d'enseignement français, franco-français. Les choses ont évolué depuis que je suis partie, je suis sûre. Mais dans les pays où la langue nationale n'est pas assez connue, on est habitué d'apprendre beaucoup d'autres langues dès qu'on est petit. Et ensuite tout lire et comprendre un peu les débats intellectuels, les grands enjeux. Donc si tu dis je ne sais pas, si tu veux étudier, donc le COVID, où est-ce que tu prends...qu'est-ce que tu prends comme recherche? Ben tu penses...les grands journaux médicaux, Lancet, Nature Science, et après, tu commences à dire est-ce qu'il y a aussi une recherche dans mon pays, qui sont les grands enjeux et acteurs de la connaissance qui se fait. Et d'habitude, ça se fait dans une langue de circulation internationale. Mais pour revenir à ce texte, oui j'ai un peu expliqué comment tout ça s'est organisé en fonction de l'intérêt de recherche et surtout de possibilités de collaboration et des bourses et des projets financés. Parce qu’être anthropologue et étudier des choses qui n'ont pas d'enjeu pas économique, pas un enjeu tactile dans le futur proche, c'est très difficile à long terme. 

Laura [00:33:34] Être financé, de trouver un financement, un bailleur qui voudrait financer notre projet?

Lorena [00:33:39] Tout à fait. 

Laura [00:33:40] Mais ce qui est formidable avec ce texte et avec cette lignée de pensée, c'est que tu mets le doigt sur...d'abord, tu commences donc ton propre parcours d'où vient le nom dans le sous-titre auto-ethnographie. Donc tu commences à partir de ton propre vécu et tu enquêtes les relations de pouvoir entre ceux et celles qui sont dans les soi-disant périphéries linguistiques, géographiques. Qui a accès aux fonds? On doit faire appel à qui? Et où sont ces bailleurs? Quelles sont les pratiques culturelles et les priorités de ces bailleurs? Donc quelles sont les performances qu'il faut faire? Donc davantage plus de travail pour ceux qui sont minorisés en quelque sorte, ou qui sont en périphérie, n'est-ce pas? Donc, je me rappellerai pour toujours et je viens d'en parler aux étudiants hier même dans le cours où j'ai présenté ton travail et de multiples textes que tu as rédigés. Lorsqu'on pense à l'Europe, alors les Pays-Bas, dans l'imaginaire populaire, est très différent de la Roumanie, de la Bulgarie par exemple. C'est un peu ce que tu nous fais voir dans ce texte, tu nous fais voir à travers tes écrits, car tu puises dans des bassins intellectuels qui sont d'univers très différents. Donc chez les anglo-américains oui, mais chez les penseurs qui écrivent en français et parmi les penseurs qui circulent dans le monde roumain aussi. Donc, c'est non seulement que tu es polyglotte, le roumain, le français, l'anglais, mais ton travail est très riche. Et ça t'a nécessité beaucoup plus de travail, finalement, puisque tu puises dans trois bassins et trois mondes différents. Ce sont des mondes de science qui sont organisés différemment sur le plan topologique, n'est-ce pas? 

Lorena [00:35:30] Tout à fait. Et c'est parce que c'est à la fin c'est, chacun peut faire n'importe quel travail. On peut prendre n'importe quel sujet de recherche et avancer sur la connaissance de l'être humain et de la société des cultures. Mais l'idée, est-ce que ce travail il est valable s'il n'est pas reconnu? Et quoi un travail est reconnu dans une, on va dire, une histoire de l'Academia, donc un contexte spécifique. Quels sont des sujets qui sont considérés comme des bons sujets à interroger? Et ça on a vu, au fur et à mesure, et malheureusement, ça fait partie de la vie d'un chercheur partout dans le monde. Ça, ça ne compte pas où tu étais né. Mais c'est vrai que si t'as pas l'avantage de pouvoir lire dans plusieurs langues et de pouvoir vraiment ensuite écrire dans plusieurs langues qui sont publicables, dès le début pas dire que t'es sorti d'un...t'as un handicap on va dire. 

Laura [00:36:37] Ou une force, ça dépend. Tu m'as dit écrire un livre sur la mémoire de l'avortement en Roumanie de Ceaușescu qui sera tiré de ta thèse doctorale. Alors où en es-tu avec ce projet? Tu penses l'écrire comment? De quelle façon? Et il sera destiné à quel public?

Lorena [00:37:00] Alors oui, ce projet de livre, c'est une bonne question. Ce projet de livre, il s'est fait refait depuis plusieurs temps parce qu'au début j'ai voulu juste publier ma thèse mais comme elle est en accès libre sur Internet, j'ai dit ce n'est pas la peine. Mais au fur et à mesure, quand j'ai grandi, j'ai vieilli, je regarde autour de moi, je vois ce projet de livre qui se découpe en deux. Un projet pour la...qu'est-ce qu'on appelle tous la jeune génération. Mais vraiment, la génération qui ne connaît pas l'histoire de nos mères, de nos grands-mères, même pas mes histoires de vie avec les politiques de santé autour de ça dans le quotidien. Et un autre qui va prendre un peu cette idée de comment rechercher sur les politiques publiques autour de la vie sexuelle et reproductive en Roumanie dans un régime communiste totalitaire et post-totalitaire. Donc je crois que ça s'articule dans...ça va commencer dans deux parties. 

Laura [00:38:17] Mais pas dans deux livres, non. Deux volets ou deux parties d'un seul livre. 

Lorena [00:38:23] Je crois que je voulais...oui et non. En ce moment, j'ai en tête deux projets de livres, donc le projet de livre qui est toujours en train de...je suis toujours en train de bouquiner et de relier la recherche doctorale avec la recherche Marie Curie. Donc les politiques...un peu la longue durée pour comprendre qu'est-ce qui s'est passé en Roumanie et pourquoi les politiques démographiques et de santé reproductive en Roumanie sont assez spéciales en Europe et dans le monde. Et écrire un autre, on ne va pas dire livre un projet, j'ai même pas en tête. J'ai bien aimé ton projet de comment faire un retour de la recherche pour le grand public et pour le grand public jeune. Pas pour...parce que finalement, on doit tous écrire des livres, ça fait partie du métier, mais tu te demandes à la fin qui lit quoi et pourquoi faire si la recherche n'est pas connue et ne fait pas même un petit grain de changement dans le monde. 

Laura [00:39:30] Oui, qui rejoint finalement ton souhait d'échanger avec un jeune public, un jeune public qui n'a pas évolué dans ce système. Mais tu vois l'importance avec un retour vers le passé afin de travailler des questions de mémoire du communisme. Mais tu vois aussi dans ta société, si je me trompe, des besoins en matière d'une éducation en santé affective, en santé sexuelle et santé reproductive. 

Lorena [00:40:01] Tout à fait. Beaucoup. Il y a beaucoup de choses à dire sur ça. Mais bon, je crois que ça va être pour un autre podcast.

Laura [00:40:09] Tout à fait. 

Lorena [00:40:11] Après, il y a des sujets de recherche qui évoluent, tu sais. Comme nous, nous sommes rencontrées...il n'y a pas sur le communisme, après dix ans, 20 ans, 30 ans, il y a les choses qui changent. Il y a toujours la nostalgie qui revient. Et après, il faut ne pas oublier que c'était la vie...l'entière vie de nos grands-pères, leur génération et la génération de nos parents. Donc il n’y a forcément pas que des mémoires négatives. Et c'est comme ça qu'on a commencé à penser un projet ensemble, si tu peux dire deux, trois choses comment on a.... 

Laura [00:40:54] On va l'évoquer. Oui, et juste pour terminer avec ça, on ferme la parenthèse. Il y a quelques semaines, j'ai eu la grande chance de m'asseoir avec une sociolinguiste critique canadienne qui s'appelle Annette Boudreau. C'est une chercheure, professeure émérite de l'Université de Moncton. Comme toi, formée au doc en France, à Aix-en-Provence. Mais ses deux derniers livres, elle nous a fait savoir qu'ils sont écrits au « je ». C'est-à-dire, elle a écrit son travail scientifique, mais à partir du, disons, du vécu. Elle commence de façon auto-ethnographique, mais elle mène une analyse sociopolitique des politiques, des sociétés, des enjeux de société. Donc elle commence dans « je » et elle écrit dans « je ». C'est son expression aussi. Elle a dit qu'elle a trouvé ça d'une très grande libération, donc très libérateur de pouvoir imaginer et de concevoir et d'écrire son livre au « je ». Donc, je te dis ça et je dis ça pour le bien des auditeurs aussi. C'est une libération finalement de pouvoir écrire au « je », car on peut faire son travail scientifique à partir de soi, en abordant des questions de société qui sont tout autour. Voilà, donc on retient. Alors oui, voyons de près notre projet parce que nous menons depuis quelques années un projet, nous sommes amies et collaboratrices sur un projet et on regarde de près la mobilité pour les études post-secondaires d'étudiants, d'étudiants africains, africaines entre l'Éthiopie et la Roumanie durant les années 70, mais plutôt les années 80. Et il y a quelques épisodes, j'en ai parlé avec ma collègue Monica Heller, un épisode du 17 février qui a été l'épisode qui a lancé la troisième saison. Pourrais-tu nous en parler? C'est-à-dire on prépare un travail de terrain pour l'année prochaine, on l'espère. Qu'est-ce qu'on envisage? Qu'est-ce qu'on planifie comme travail de terrain? Et quelles seront les archives? Quelles seront les questions, les enjeux que nous enquêterons? 

Lorena [00:43:17] Oui, je peux ajouter quelques lignes sur ça. Donc le projet qu'on a en tête tous les deux, est parti d'une question, cette idée de mémoire positive ou mémoire négative, c'est assez bipolaire, mais d'un régime totalitaire. Et après, en tant qu'étudiant on voyage beaucoup et une des choses très bien réalisées par le régime communiste et bien sûr par le régime communiste roumain, c'était l'école. Et l'école, l'enseignement qui a été ouvert, il est considéré comme un des plus grands enseignements en Europe et dans le monde communiste. Et tous les échanges avec les pays appelés à l'époque pays du troisième monde, mais c'était les pays, les nouveaux arrivants dans l'Internationale communiste. Et au fur et à mesure, on s'est posé la question comment la vie quotidienne de tous ces étudiants, qui liaient des liens d'amitié et qui découvraient l'amour, découvraient un autre pays, un autre continent, tout ça, donc l'altérité et la vie de tous les jours s'organisaient dans les mémoires et maintenant, quand ces étudiants donc sont soixantaine, cinquantaine, soixantaine avec leur famille, avec beaucoup des enfants, qui vient des couples mixtes et qu'est-ce qui s'est passé avec tout ça? Et on a commencé un peu il y a quelques années, en 2018, avec une archive des photos de l'université de Bucarest. Et on s'est dit qu'il y a deux ou trois grandes choses à faire. Donc d'une part, de rentrer dans les archives universitaires et de...tout simplement parce que le régime communiste a fait très bien une chose, a gardé des archives. Ça, c'est clair et net. Donc d'entrer dans les archives des universités pour voir comment ça s'organisait et en même temps, bien sûr, si possible dans les archives d'État. Et de l'autre côté, de retrouver des étudiants de l'époque et de faire des entretiens. Un autre désir, c'est aussi de...et ça c'est un autre travail qui peut poser des soucis. Mais en fait, une fois qu'on accède là-bas, moi j'ai toujours des espoirs que ça va bien s'organiser, de rentrer dans les archives de la Securitate, donc de la surveillance, parce que toute personne, dans les années 80, qui était en relation, donc passer le bonjour au cours avec un étranger, était censé déclarer ça à la Securitate. Donc il y a des montagnes de surveillance qui peut tout simplement, comme l'araignée, retrouver la vie quotidienne de tous ces échanges. 

Laura [00:46:32] Et là, on espère trouver de quoi dans les archives des universités qui sont en dehors de Bucarest, par exemple Ploiești ou à Brașov aussi. 

Lorena [00:46:41] Oui, à Ploiești on était intéressée parce qu'il y avait...il y a toujours un très grand institut qui s'appelait pendant le régime communiste, l'Institut du pétrole et du gaz. Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire très très récente en Europe, en Europe de l'Est. Mais il y a une grande crise à cause de la guerre en Ukraine et la Roumanie est parmi les seuls pays de l'Union européenne qui a sa propre production de pétrole. Un tiers du gaz vient du pétrole interne et c'est à cause de ça que cet institut, qui a été développé dans les années 50, est devenu dans les années 90-80... non 75, quand on commence notre recherche, était connu comme la plus grande école dans les études sur le pétrole au monde. On a beaucoup, beaucoup des étudiants qui sont venus pour apprendre ça et ensuite tous les échanges qui ont été faits avec leur pays. On est intéressé à rentrer dans ces archives aussi. 

Laura [00:47:57] J'ai hâte. J'ai hâte. Et puis je suis contente que COVID tire à sa fin et que nous sommes tous vaccinés et que nous serons en mesure de voyager, comme ça on pourra reprendre notre terrain finalement, comme tu as si bien décrit. Alors madame Lorena Anton, je te remercie au nom du CREFO, au nom de la série Quoi de neuf et au nom des auditeurs. Donc je te remercie très vivement d'avoir eu le temps de t'assoir avec nous et d'échanger avec moi. 

Lorena [00:48:34] Merci aussi pour cette grande invitation. J'ai hâte de voir l'épisode suivant. 

Laura [00:48:42] Et j'ai hâte de te revoir en Roumanie et éventuellement de te recevoir comme chercheure au CREFO. 

Lorena [00:48:46] Au revoir! 

Laura [00:48:50] Alors salut, bonjour! 

Joey [00:48:53] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca