Quoi de neuf ?

Penser l’Afrique différemment : à travers des océans, des plantes et des musées ?

April 05, 2023 Season 3 Episode 12
Quoi de neuf ?
Penser l’Afrique différemment : à travers des océans, des plantes et des musées ?
Show Notes Transcript

Dans cet épisode,  Laura Bisaillon, membre du CREFO, rencontre Facil Tesfaye,  historien et professeur adjoint à l’École des langues et cultures modernes de l’Université de Hong Kong.

Monsieur Facil Tesfaye est historien et professeur adjoint à l’École des langues et cultures modernes de l’Université de Hong Kong. Il est diplômé de l’Université Humboldt à Berlin, de l’Université du Québec à Montréal, et de l’Université McGill. Il est spécialiste de l’histoire africaine de la fin du 19e siècle et de l’histoire de la médecine de l’océan Indien, des Grands Lacs et de l’Éthiopie. A l’Université de Hong Kong, il a cofondé et dirigé le Programme d’études africaines. Il est l’auteur du livre Statistique(s) et génocide au Rwanda (2014) publié chez L’Harmattan (Paris). Avec Anna Winterbottom, il est l’auteur des volumes Histories of Medicine and Healing in the Indian Ocean World (2015) publiés en anglais chez Palgrave Macmillan.   

Joey [00:00:00] Dans cette troisième saison, Laura Bisaillon, membre du CREFO, et ses invités discuteront du thème de la production et de la diffusion des connaissances sur les mobilités, les francophonies, la minorisation, le corps et l'État dans ces divers contextes du monde. Aujourd'hui, elle rencontre Facil Tesfaye, professeur adjoint à l'Université de Hong Kong. 

Facil [00:00:21] Une approche comme celle-là nous permet de passer au-delà des limites de l'État nation. Donc pour l'Afrique, ça, c'est très important parce que tu vois une approche comme celle-là te permet de penser l'Afrique différemment. 

Joey [00:00:37] Bienvenue à Quoi de neuf! 

Laura [00:00:53] Monsieur Facil Tesfaye est historien et professeur adjoint à l'École des langues et cultures modernes de l'Université de Hong Kong. Il est diplômé de l'Université Humboldt à Berlin, de l'Université du Québec à Montréal et de l'Université McGill. Il est spécialiste de l'histoire africaine de la fin du XIXᵉ siècle et de l'histoire de la médecine de l'océan Indien, des Grands Lacs et de l'Éthiopie. À l'Université de Hong Kong, il a co-fondé et dirigé le Programme d'études africaines et en ce moment il donne le cours qui s'intitule African Soundscapes: Music and Society in Africa. Avec sa collègue l'historienne Anna Winterbottom, il est l'auteur de Histories of Medicine and Healing in the Indian Ocean World, publié en 2015 en anglais chez les éditions Palgrave. Alors, monsieur le Docteur Facil Tesfaye soit le bienvenu! Ça me fait grand plaisir de se retrouver, qu'on se retrouve dans le contexte du podcast Quoi de neuf? Les cafés du CREFO. Alors bienvenue sur les ondes de notre podcast!

Facil [00:02:05] Bonjour! Bonjour et merci de m'avoir invité. 

Laura [00:02:08] C'est nous qui vous remercions. Alors Facil tu es polyglotte, tu parles plusieurs langues, dont l'allemand, l'amharique, l'anglais et le français, c'est merveilleux. C'est tout un bagage culturel, intellectuel, linguistique. Est-ce que tu pourrais nous parler un peu de ton parcours linguistique et géographique? Comment se fait-il que tu parles autant de langues, quatre langues en tout? 

Facil [00:02:35] Je ne sais pas si c'est le hasard qui fait les choses ou si c'est...en tout cas, j'ai dû aider mon parcours un tout petit peu...Mais, j'ai grandi à Addis-Abeba, j'ai grandi dans un quartier populaire qui s'appelait Cherkos pour les connaisseurs. Mais en même temps, vu que mon père travaillait aux chemins de fer, il m'avait mis dans le lycée français d'Addis-Abeba, le lycée Guébré-Mariam et donc j'ai grandi dans un milieu très très éthiopien où on parlait l'amharique, mais l'amharique de rue et entre autres...Et après, dans un milieu où on parlait le français de France, donc c'était un peu les deux mélanges. Ensuite, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'Éthiopie est majoritairement anglophone, donc on évoluait dans un milieu...dans un grand milieu qui était beaucoup plus anglophone, où on y écoutait Madonna et Michael Jackson en grandissant. Donc ça nous rendait, nous qui étions dans le lycée Guébré-Mariam, on était anglophones, francophones et amharophones...on parlait l'amharique aussi. Donc c'était comme ça jusqu'à ce que je finisse mon baccalauréat. Mais le baccalauréat, pas le baccalauréat québécois, le baccalauréat high school leaving certificate. Donc voilà, j'ai fait ça. Ensuite, je n'ai pas pu, comme mes collègues, mes amis, aller faire mes études à l'étranger. Donc j'ai commencé à travailler dans le lycée français. Ça a poussé un peu le côté francophone. Et quand j'ai pu aller faire des études à l'étranger, j'ai décidé de le faire en Allemagne. Et il y avait deux ou trois jolies raisons, entre autres...j'avais une copine là-bas dans le temps, Dieu est grand. Mais le plus important était le fait que, en Allemagne, on ne paye pas de tuition fees. Donc l'école, l'université est publique, donc on ne paye pas. Et quand on est censé payer ses études soi-même, voilà, c'est une solution. Et la troisième, c'est que je m'étais dit que vu que je travaillais, j'avais un très bon boulot en Éthiopie avant de le quitter, je me suis dit que mon départ devait valoir la peine, dans le sens où ça devait apporter plus qu’une formation ou quelque chose...je savais même pas ce que j'allais étudier. Donc les études devaient apporter plus qu'un diplôme. Et je me suis dit une autre langue, ce serait pas mal. Donc voilà, tout ça a fait que j'ai maintenant ces quatre langues qui me suivent un peu partout quand je bouge. Pour ce qui est du bagage culturel, bien sûr, on est marqué par notre parcours et tous les endroits dans lesquels on vit, dans lesquels on se retrouve y vivre, les vivants. Donc je suis culturellement très éthiopien. Je dois avoir un petit côté allemand aussi quelque part. Certains de mes amis me l'ont fait remarquer. Des questions-pièges que l'on m'a toujours piégé, c'était « Où est home? Où est la maison pour toi? C'est où chez toi? ». J'ai dit Addis c'est chez moi oui, Montréal aussi, mais Berlin aussi. Je n'ai pas pu dire la même chose que j'étais allé faire un tour à Cambridge en tant que research fellow. Mais l'Éthiopie, Addis, Montréal et Berlin font partie de ces vies-là. 

Laura [00:07:21] Alors, tu es historien de plusieurs régions en Afrique et aussi historien de la médecine et de la maladie. Et tu viens d'évoquer ça dans notre discussion. Est-ce que tu pourrais nous parler de ton travail. D'abord, peut-être de ton travail de doctorat qui traitait les statistiques et les comment des statistiques au Rwanda, n'est-ce pas? 

Facil [00:07:50] Non, ça, c'était mon mémoire de maîtrise que j'ai fait à l'UQAM et qui a été publié chez L'Harmattan en français. 

Laura [00:08:02] Ah ça, ça m'a échappé. 

Facil [00:08:05] Ah ben voilà. Donc ça, c'était l'histoire des pratiques statistiques au Rwanda, c'était mon mémoire de maîtrise. Mais mon doctorat était sur un grand scientifique allemand, Robert Koch qui est celui qui a découvert ce qu'on appelle aujourd'hui le bacille de Koch, qui est un des grands, si tu veux, une des grandes têtes, si tu veux, de ce qu'est devenue la biomédecine aujourd'hui. Et ça consistait, mon travail consistait, de voir ce que ce grand scientifique allemand avait fait en Afrique parce qu'on trouvait un peu partout dans les livres, on mentionnait qu'il a été en Afrique, mais personne ne donnait vraiment les grands détails, etc. Donc, dans mon doctorat, ce que j'ai essayé de faire, c'est vraiment de montrer ce que les 26 ans qu'il a passés dans le continent africain, c'était surtout en Afrique de l'Est, l'impact que ça a eu sur les sociétés dans lesquelles il intervenait. Et finalement, si tu veux, pour simplifier un peu les choses, ce que j'ai essayé de faire, c'est aussi de mettre en perspective, c'est de parler des interventions de ce grand scientifique, mais aussi de les mettre en perspective avec ce qui se passait dans le temps, pendant cette période-là. Et j'ai essayé de, par exemple, de les placer dans le contexte colonial qui était en train de s'installer. Parce que quand la première visite de Koch en Afrique date de 1883 en Égypte ensuite, on le revoit apparaître vers les années 96 en Afrique du Sud, etc. Et c'était, si tu veux, la période où la colonie était en train de s'installer fermement. Donc j'ai essayé de le classer dans ce contexte-là et d'essayer d'évaluer ou de juger, si tu veux, son rôle dans ce contexte-là. Ça, c'est la première chose. Deuxième chose, j'ai essayé aussi de le mettre dans le contexte des années...le contexte environnemental et climatique de la période, quelque chose qui est très peu connu...c'est le fait que les années 1890 jusqu'à 1900 était une période de crise. Terence Ranger, un des grands historiens de l'Afrique appelle cette période la période de la grande crise environnementale et c'était une crise environnementale qui avait extrêmement déstabilisé le continent africain ainsi que les autorités politiques qui géraient les différentes parties du continent. Donc voilà, et en mettant ce scientifique puis son travail dans ce cadre-là, ce que j'ai pu, entre autres, conclure c'est que son intervention a sans doute été très, très importante et très intéressante pour la biomédecine parce que, si tu veux, c'est après ces interventions-là, que, entre autres, en Europe toute alternative, toute intervention médicale alternative a été carrément balayée par ce qu'est devenue la médecine biomédecine. Mais pour le continent africain, la conséquence était tragique, surtout quand on regarde tout cela du point de vue des pratiques locales ainsi que les autorités locales. Donc si tu veux, elles ont été...tout ce qui était médecin, tout ce qui faisait le travail de médecin et qui traitait les malades dans le continent africain avant cette période-là, ils ont été complètement balayés, ils ont été... ça a eu des impacts assez...l'implantation, l'introduction de la biomédecine et son implantation, autant que la seule option de te faire traiter n'était pas bénéficiaire pour les populations africaines. Donc, c'est un peu dans ce sens-là que je suis parti et c'est plus ou moins les conclusions que j'ai tirées. Mais ça m'a aussi, entre autres, donné envie de voir un peu plus et d'étudier un peu ce à quoi ressemble vraiment la situation...du moins ce à quoi ressemblait la médecine, ce qu'on appelle la médecine traditionnelle en Afrique parce qu'en étudiant...en voyant clairement comment cet homme opérait en Afrique du Sud en 1896 ou en Afrique de l'Est dans les années 1900-1906, une des choses que j'ai remarquée, c'est qu'il y avait des acteurs locaux qui étaient très, très actifs, qui n'étaient peut-être pas capables de répondre à des crises majeures, comme par exemple les épidémies et l'épidémie qu'on voit aujourd'hui, il y en a eu une pas très longtemps, c'était en 1918. 

Laura [00:15:06] La grippe espagnole. Voilà, on se comprend. 

Facil [00:15:10] Voilà donc celle-là, elle est arrivée vers 1917-1918, mais le continent africain a été très, très affecté par cette pandémie. Juste avant, entre 1890 et 1900, il y avait aussi une pandémie de peste bovine qui a décimé la population bovine du continent, qui a affecté tout le continent et qui a vraiment décimé la population bovine et ça bien sûr, ça a eu des implications qui ont été très, très profondes en termes de déstabiliser les sociétés, la famine, etc. et tout ce qui s'ensuit...Donc tout ça pour dire que les alternatives qui étaient en place n'étaient peut-être pas capables de répondre à des grosses crises comme celle-là, mais elles étaient efficaces. Il y avait des guérisseurs comme on les appelle aujourd'hui. Pour moi, c'est des médecins, c'est des médecins qui travaillaient avec des plantes, etc. et qui donnaient un service pour la population locale. Donc voilà, donc ça m'a donné envie de savoir un peu plus. Et là, c'est pour ça que je me suis tourné un tout petit peu vers l'Éthiopie pour justement regarder à quoi ressemblait cette scène médicale au moment où la médecine moderne est arrivée dans le pays. Donc, si tu veux, mon projet actuel essaye de revoir l'histoire de la médecine en Éthiopie aux alentours de 1900. Donc ça commence en 1900-1910 et l'idée, c'est non seulement de parler de l'introduction de la médecine moderne, il y a des gens qui ont travaillé dessus, pas beaucoup mais, parmi les chercheurs qui se sont penchés sur la question, il y a Richard Pankhurst qui avait fait, à un moment donné, l'histoire de la médecine en Éthiopie en se focalisant sur l'introduction de la médecine moderne. Donc moi, ce que j'essaie de faire, c'est essayer de compléter un peu ça, basé sur d'autres archives, mais en même temps essayer de voir aussi ce qu'il y avait avant parce que dans le cas éthiopien, ces médecins traditionnels ont continué à opérer et continuent toujours à opérer. On a vu que l'Éthiopie n'était pas vraiment, ne rentrait pas vraiment dans le cadre colonial typique. L'impact n'a pas été aussi dévastateur que dans d'autres pays africains. Donc voilà. 

Laura [00:18:35] Ce que j'apprécie dans tes travaux que j'ai découverts à Montréal, on était tous les deux étudiants c'était, si je ne me trompe pas, c'était vers les 2006 et à ce moment-là, tu étais peut-être déjà au doctorat, ma mémoire n'est pas...donc entre maîtrise et doctorat. Mais c'est grâce à toi que j'ai pu considérer l'océan Indien et concevoir l'océan Indien et les eaux qui lient, qui relient l'Afrique avec l'Inde, avec l'Asie comme étant...bon c'est ça un cadre géographique d'analyse conceptuelle. Et donc c'est ça, je tiens d'abord à te remercier mais aussi il faut savoir que dans mes cours actuels, comme je suis prof, sociologue, j'enseigne sur la migration, les migrations et dans mes salles de cours, donc c'est des enfants diasporiques, les enfants de parents qui sont venus des Indes, de l'Asie, d'Afrique et tout ça et je leur parle en même temps de tes travaux, mais de cet océan Indien qui les lie finalement. On recherche toujours des ancrages pour stimuler dans la salle de cours, mais aussi trouver des ponts qui ne sont pas peut-être évidents entre...je ne sais pas, un jeune dont les parents viennent de Gujarat, en Inde, et le Somalien dont les parents viennent de Mogadiscio ou bien de Somaliland dans le Nord par exemple. Mais il existe des liens historiques, des liens anciens. Alors, tu as publié deux volumes, donc un projet de grande envergure et de grande haleine, je suppose Histories of Medicine and Healing in the Indian Ocean World en 2015 avec l'historienne Anna Winterbottom. Et ce sont les premiers volumes, parce que c'est en deux parties, à utiliser ce monde de l'océan Indien comme cadre géographique et conceptuel pour l'étude de la maladie. Et nous sommes chanceux à l'Université de Toronto qu'on puisse les accéder, ces deux volumes. Donc j'ai pu les survoler, les scruter de près en quinze chapitres, c'est vraiment un gros volume, mais je trouve que c'est quand même une collection balèze. Est-ce que tu pourrais nous parler de cette collection? Elle parle de quoi? En fait, nous elle nous propose quoi? Elle nous offre quoi? On apprend quoi? 

Facil [00:21:35] D'accord. Merci. Alors, tout d'abord, je voudrais commencer par...écoute, je suis bien content de savoir que...d'avoir apporté quelque chose, d'avoir contribué à faire évoluer ta façon de voir les choses, ça me fait plaisir. Mais il faudrait aussi donner le crédit à César, ce qui est à César. Et j'étais dans le centre...j'ai fait mon doctorat à McGill dans le centre, dans un centre qui s'appelle le Centre du monde de l'océan Indien et qui existe toujours et qui est dirigé par le professeur Gwyn Campbell, très dynamique, très actif et si tu veux lui, il suit un peu ce qui a été fait par Fernand Braudel, qui, lui, regardait...Braudel a proposé, si tu veux, la Méditerranée pas comme une mer mais comme un centre d'activités, un centre dans lequel il y avait des interactions. En fait, il y avait beaucoup de choses qui se passaient là et ça avait permis à Braudel de sortir d'une histoire séparée de l'Europe et du nord de l'Afrique, par exemple. Tu vois, ça te permet de voir tout ça comme un ensemble. Et moi, ce que j'ai appris en regardant ou en utilisant cette approche-là, c'est que non seulement elle permet...ce n'est pas juste des ponts qu'elle te permet de construire, mais elle te permet aussi de dépasser les limites récentes qui ont été mises en place sur notre façon de voir les choses. Des limites, comme par exemple des limites mises par le colonialisme par exemple. On voit les trucs sous l'angle colonial et chaque fois qu'on voit un pays africain, on se demande est-ce que c'est colonisé? En fait, ce n'est pas ça qu'on se demande; on se demande par qui est-ce que ça a été colonisé ou non? Donc c'était plus dans ce genre de dynamique-là que ça nous amène. 

Laura [00:23:59] C'est aussi le fort de l'historien et d'où l'intérêt pour te recevoir aujourd'hui...de dépasser cette force qui est très costaud du présentisme ou de réinventer la roue, comme on dit. Le fort, il me semble, de l'historien c'est justement de...et dans cette collection-là, vous nous faites revenir jusqu'à l'Antiquité. 

Facil [00:24:24] Oui, après tu vois...Donc, je disais c'est de dépasser, on dépasse quoi? On dépasse par exemple le colonialisme, donc un time frame qui nous est imposé. Mais ça nous permet aussi de dépasser certaines limites géographiques artificielles qui sont devenues des frontières intouchables aujourd'hui, par exemple, tu vois l'État nation. Une approche comme celle-là nous permet de passer au-delà des limites de l'État nation. Et donc pour l'Afrique, ça c'est très important parce que tu vois une approche comme celle-là te permet de penser l'Afrique différemment. Ça te permet de penser une Afrique avant le colonialisme. Ça te permet de penser une Afrique avant tout ce qui est esclavage, esclavagisme, etc. Donc ça te permet de dépasser ça et ça c'est un exercice qui est quand même très demandeur, mais une fois qu'on a fait l'effort, ça nous permet d'aller au-delà de par exemple, de certains stéréotypes qui sont très persistants, le présentisme dont tu parlais. Par exemple, tu vois, on a toujours, qu'on le veuille ou pas, on est programmé à penser que l'Afrique reçoit. L'Afrique est passif...est un continent passif, tu vois. Donc c'est un peu ces images-là, ces stéréotypes-là qui existent. Donc, une approche comme celle-là te permet de penser à une Afrique, par exemple, qui était beaucoup plus active. Et qui, tu vois c'est...Ça permet quand même de voir les choses différemment. En tout cas, c'est ça que je trouve très enrichissant dans cette approche-là. Et pour ce qui est de notre bouquin, ce qu'on a essayé de faire, justement, c'est une fois que tu t'es libéré de ce gros fardeau-là, là tu peux par exemple regarder...ça te fait comprendre que, par exemple, la médecine n'est pas quelque chose d'occidental, européenne, etc. Le tip du iceberg peut-être, mais les fondements viennent d'ailleurs. Et quand on commence à creuser un peu plus, on voit qui a contribué à mettre en place ces fondements-là etc. Donc, dans notre livre, ce qu'on a essayé de voir, c'est de prendre l'océan Indien comme étant un espace dans lequel tu as des gens qui circulent, il ne faut quand même pas oublier que c'est le premier lieu de globalisation. La première globalisation a eu lieu dans le monde de l'océan Indien, que ce soit la voie maritime ou terrestre, la route de la soie. Si tu veux quand tu combines tout ça, tu as une image qui est quand même assez impressionnante et tu vois dans lequel il y a non seulement des objets qui circulent, mais des gens, des religions, etc. Donc, nous on a pris la maladie et les pratiques de...alors healing serait traduit par... 

Laura [00:28:20] Soigner ou les soignants, les soignantes. 

Facil [00:28:22] Oui, donc ce n'est pas seulement les maladies mais aussi les traitements, voilà. Donc on a essayé de voir comment les connaissances sur les maladies ainsi que les soins, ainsi que les plantes qui traitaient les maladies, circulaient. D'abord comment les connaissances circulaient et après comment ces plantes-là aussi ont circulé dans le monde de l'océan Indien, en touchant, entre autres, l'Afrique. Donc, c'est très intéressant de voir, par exemple des plantes qui sont connues pour leurs caractéristiques soignantes en Afrique de l'Est, sur la côte est de l'Afrique, tu les retrouves que ce soit dans le monde arabe ou en Indonésie ou en Chine, ou des plantes chinoises que tu retrouves ici, etc. Donc, c'était vraiment une tentative assez modeste, si tu veux, de compléter un peu l'image de l'état de la circulation des choses, des biens, des connaissances et des pratiques qui liaient ce monde-là. 

Laura [00:29:49] Donc vraiment une collection de...en quels chapitres je pense, c'est vraiment une forte collection qui nous apprend beaucoup et qui risque de surprendre. Il y a des plantes...Je suis assez surprise que les gens soient assez surpris de voir que oui, une plante...bon, je pense à la plante qui est souvent employée dans la culture de café en Éthiopie, le tena'adam, rue en anglais qui pousse non seulement à Afrique de l'Est, mais qu'on retrouve en Inde. Il se peut même que cette plante-là, le tena'adam, je ne sais pas si cette plante-là figure dans votre volume, mais à titre d'exemple. Donc, une plante que l'on voit partout au monde et dont on se sert dans ces pratiques culinaires et médicinales aussi. 

Facil [00:30:49] C'est sûr que nous, ce qu'on a essayé de faire, on n'a pas pu être...ce n'est pas un travail exhaustif. Ce qu'on a essayé, c'est vraiment d'abord de se focaliser sur des périodes. Et donc, dans le premier volume, on s'est concentré sur la période médiévale et la période prémoderne. Et là, c'est là où vraiment on est allé un peu loin pour, par exemple, essayer de trouver les exemples. Nos auteurs, parce qu'il faut que je le dise, nos auteurs qui ont contribué à ces deux volumes sont eux des spécialistes dans leur secteur. Donc c'est ça qui a permis aussi qu'ils contribuent à la richesse des deux volumes. Donc, on a essayé de trouver des cas qui illustraient les échanges dans le cadre de maladies, soit etc. qui tombaient dans ces périodes-là. Et on a aussi regardé la période moderne, donc plus récente. Mais tout ça dans une tentative d'essayer de faire vraiment, de faire un peu un rainbow... 

Laura [00:32:15] Un arc-en-ciel. 

Facil [00:32:16] Un arc-en-ciel qui...juste indicatif parce que c'est ça. Ce qui est important, c'est de voir que, quand on adhère, en fait, quand on adhère à cette façon de voir les choses, cette approche-là, les choses nous paraissent très naturelles. Par exemple, quand on sait qu’un commerçant qui quittait l'Afrique de l'Est pour aller faire des affaires en Chine, avec des pauses, il lui fallait six mois pour y arriver. Et puis...Donc au total, il lui fallait un an pour revenir chez lui. On peut imaginer que, en sortant de chez lui, il ne va pas sortir les mains vides. Donc il va sûrement prendre quelques médicaments, quelques tena'adams comme tu le dis par exemple, si c'est une plante du coin. Et dans toutes les stations dans lesquelles il va s'arrêter, si jamais il voyait quelqu'un qui avait telle maladie, il allait l'aider. Et ces personnes-là, la prochaine fois...tu vois, c'est très humain, c'est très naturel, c'est normal que les choses circulaient, les plantes circulaient et les façons de traiter les maladies circulaient aussi de cette façon-là. Donc on a juste essayé de donner une ouverture qui permet un peu de comprendre un peu la façon dans laquelle la logique que le monde du temps utilisait pour fonctionner. Et je crois que ça rend les choses un peu plus faciles à digérer. 

Laura [00:34:05] Quelles sont les conclusions que tu en tires ou est-ce qu'on devrait en tirer, notamment pour l'enseignement dans nos écoles et dans nos universités, en vue de ces orientations qui nous mènent toujours à voir l'Afrique sous l'angle du colonialisme, qu'on ne prend peut-être pas suffisamment en compte la riche et longue histoire précoloniale par exemple, parce que tu travailles quand même des questions qui traitent d'histoire africaine et postcoloniale. 

Facil [00:34:46] Alors, ce qui est sûr, c'est que tu sais qu'est-ce qui pourrait servir à nos étudiants, etc. qu'est-ce qu'on pourrait leur rapporter comme conclusion, je pense que nos étudiants ils viennent justement pour apprendre. Donc en venant entendre des conférences comme cela ou des séminaires qui portent sur ces sujets-là, ce qui est sûr, c'est que ça va d'abord étourdir un tout petit peu vu que c'est quand même une façon de penser qui est remise en question et qui est mise upside down, quoi, qui est complètement renversée. Mais après, mon expérience en Amérique du Nord montre, entre autres, que nos étudiants sont prêts pour ce genre de challenge et quelquefois ils sont même demandeurs de ce genre de nouvelles informations qui leur permettent de comprendre les choses. Après, dans un pays comme le Canada, qui est un pays d'immigration, où les gens viennent d'un peu partout, le fait que les gens viennent d'un peu partout n'est pas nécessairement nouveau. Par contre, je crois que ça pourrait nous permettre de penser à ce qu'ils amènent avec eux, leur bagage culturel, leurs façons de faire et essayer de penser, de trouver des moyens de valoriser certaines choses, certaines de ces choses-là, non pas comme des reliques culturelles, tu vois, l'idée n'est pas vraiment de garder ces choses comme reliques culturelles qui ne bougent pas, mais plus comme des connaissances qui pourraient venir enrichir les connaissances existantes. Dans ce sens-là, je pense que ça pourrait être très, très utile. Mais après, voilà la façon dont l'Afrique est vue. Je pense que plus on parlera de cette approche-là et plus on parlera de travaux comme ceux-ci, plus on vulgarisera, voilà, c'est ça le terme. Plus on vulgarisera ce genre de connaissance, mieux ce sera parce que c'est en mettant ce genre de connaissances dans le mainstream qu'on peut réussir à atteindre le plus de gens possible. Et ça, ça permettra aussi en retour aux gens, aux immigrés qui viennent de pays différents, etc. d'avoir, en quelque sorte, de valoriser ce qu'il y a à valoriser dans leur culture. Ne pas nécessairement jeter tout ce qui vient du pays comme étant du pays ou exotiser la chose, mais plutôt à trouver des valeurs dedans. Tu sais, les inciter à poser des questions, je pense que pour moi, c'est vraiment ça qui est important. 

Laura [00:38:12] Et comment ça va à Hong Kong? Parce que tu sais, pour de maintes raisons, je voulais te faire venir nous parler sur les ondes de Quoi de neuf. D'abord francophone, ensuite chercheur historien, polyglotte mais ton parcours, ta personne...tu fais preuve de plein de mobilité et donc tu occupes un poste très intéressant. D'origine africaine, ayant fait des études, bon chez nous, en Europe aussi et mais là, prof à Hong Kong. Est-ce que tu pourrais nous parler de ce contexte et pourquoi je pose la question, parce que je me suis informée sur ce que tu fais là-bas, j'aimerais que les auditeurs, les auditrices puissent bénéficier aussi et pour faire le lien direct à notre contexte franco-ontarien, franco-canadien, franco ailleurs, qui seront le public de ce podcast. Il faut savoir qu'une des stratégies utilisées par les universités en Ontario inclut le recrutement d'étudiants, d'étudiantes chinois, chinoises aux institutions d'études postsecondaires dans l'idée que cela facilitera un processus d'immigration et d'intégration à long terme. Et j'ai été, je dois l'avouer, particulièrement frappée par le contenu de votre article sur les constructions et les représentations de l'Afrique et des Africains dans la presse écrite chinoise à Hong Kong. Et je dis vous parce que vous avez publié avec...tu as publié avec une collègue en mai 2020 dans Asian Ethnicity, un article fort intéressant, j'aimerais que tu nous en parles, mais il y aussi les idées qui sont avancées lors d'une conférence qui s'appelait Relocating Africa. Representations and Memory of Africa in 20th and 21st Century China, un court titre et un long sous-titre, mais qui a eu lieu en mai 2021. J'ai été vraiment frappée par les idées que l'on découvre dans cet écrit scientifique et ensuite lors de cette conférence scientifique. De quoi devraient les universités tenir compte et qu'est-ce qu'on apprend de vous à travers ces travaux-là? 

Facil [00:40:43] Alors...beaucoup de questions. Hong Kong est une ville très, très dynamique. Je crois qu'il y a une très, très grande population francophone qui habite à Hong Kong et c'est aussi un centre très cosmopolite donc les universités qui sont là-bas sont aussi des universités qui sont l'Université de Hong Kong par exemple, et dépendamment du ranking utilisé, est la première, la deuxième ou la troisième dans la sous-région. Donc mon recrutement là-bas n'était pas nécessairement très surprenant parce que l'université cherchait à amener, à recruter des professeurs qui ont des backgrounds qui sont divers mais qui sortent des grandes écoles, etc. Donc c'était plus dans ce sens-là. Mais ce qu'il faut connaître, pour ce qui est de la population hongkongaise, c'est que c'est quand même une population qui s'autosuffit. Elle s'autosuffit parce que, en quelque sorte, elle est bien comme elle est, tu sais, elle est bien comme elle est, on est bien, on est tranquille, on est assez riche ou on est sophistiqué, et puis voilà. Donc, et ils sont assez homogènes, assez homogènes et donc...Mais en même temps, c'est aussi une population qui est habituée à avoir des experts de toutes les couleurs, de toutes les formes, de tous les groupes de population possible venir travailler là-bas. Donc si tu veux, il n’y a pas, quand tu es professionnel à Hong Kong, tu es respecté, le racisme, si tu veux, c'est difficile à voir. Tu sais, on en arrive là-bas, on ne parle pas la langue, j'ai essayé d'apprendre la langue mais c'est une langue très, très difficile le cantonais, beaucoup plus difficile que le mandarin que l'on parle en Chine, donc un peu difficile. Mais voilà et c'est ça qui, entre autres, m'a amené à réfléchir sur les questions avec ma collègue, sur comment étaient représenté les Africains dans un contexte comme celui-là. Je savais comment moi, je ressentais les choses, mais ce n'était pas nécessairement tu vois, ce qui est intéressant ce n'est pas nécessairement ce que moi je ressens, mais plus ce qui est reflété dans les médias locaux et ce qui arrive chez monsieur et madame tout le monde. Et donc, c'est un peu ça qu'on a essayé de faire dans cet article et on a essayé de voir quelles étaient les grandes influences, qu'est-ce qui a influencé le plus et qu'est-ce qui pesait le plus sur la façon dont les Africains sont perçus dans cette partie du monde. Et donc voilà. Et là, nous essayons de voir un peu les différentes façons dont on essaye de présenter...En fait, il y a une petite...il y a un petit copy-paste qui a lieu, ce qui est que certains stéréotypes occidentaux sont appliqués dans cette partie du monde-là, mais en même temps on a affaire à une société qui est plus informée, qui a l'habitude de ces interactions, de voir des... Donc, ils ne l'appliquent pas à 100 % tu vois. Si on te voit te balader en flip flop et en tee-shirt en ville, avant de porter un jugement quelconque, le Hongkongais va d'abord regarder, vérifier si tes flip flops c'est des trucs de marque ou si ton short est un truc de designer ou si c'est vraiment le truc à cinq sous quoi, tu vois. Donc voilà, il y a un truc de classe quand même. C'est une société qui est très hiérarchisée, de consommation et la société est bien hiérarchisée par classe. Donc voilà. Nous avons donc travaillé sur cet article-là et ensuite Relocating Africa...si tu veux, notre travail s'inscrit aussi dans...tu sais comment c'est dans le monde académique, il y a des sujets qui deviennent la mode et puis soudain, tout le monde travaille sur ce sujet-là. Et un de ces sujets c'est China Africa, l'Afrique Chine et puis tu as des centres qui s'ouvrent à gauche, à droite, toutes les institutions européennes, nord-américaines qui ouvrent un petit département, etc. 

Laura [00:46:37] Comme...en lien peut-être avec l'initiative One Belt, One Road, c'est ça? 

Facil [00:46:44] One belt, One Road Initiative...mais ça, c'est le côté chinois de la chose. Mais sur le côté occidental, il y a toujours une sorte de...une envie de savoir plus et d'apprendre plus. Mais si tu veux, elles sont menées, elles sont très euro-centriques, parce que les approches sont plus ou moins les mêmes. Et donc par exemple, tu vois en voyant les Africains en Chine...tu regardes une grande partie des travaux qui ont été faits là-dessus, je ne sais pas, vers 2000, entre 2000 et 2010, tu verras que voilà les Africains ce sont les traders, les négociateurs ou tu vois c'est un peu...on va te présenter les Africains comme étant des illégaux qui vont d'une certaine façon régulariser leur illégalité, tu vois, c'était un peu une image qui n'était pas très claire qui se dégageait et on mettait les Africains dans une position qui est un peu celle des gens, des facilitateurs, des machins, des gars qui achètent des objets chinois pas chers, qui les ramènent vers l'Afrique, etc. C'était plus ce genre de travaux. En fait, c'est cette pensée-là qui pesait et nous, qui étions sur place, on a voulu changer l'angle, tu sais la perspective par laquelle on regardait les choses et essayer de voir comment ces gens-là, ce que les autres appelleraient des négociateurs ou des machins, on a vu que c'est des gens qui étaient installés dans le pays, qui avaient des familles, biculturels dans des pays par exemple en Chine continentale où il n'y a pas vraiment...dans une société qui est majoritairement homogène mais où il n'y a pas beaucoup de place qui est créé pour les autres. Donc ce que tu vois, c'est que ces gens-là se créent leur petit espace et deviennent des gens qui ont beaucoup de succès, que ce soit commercialement mais aussi culturellement, parce qu’ils sont complètement bilingues, ils sont biculturels, etc. Donc c'est un peu ce changement d'angle qu'on a essayé d'opérer en travaillant sur place et en ayant bien sûr des gens qui sont des gens du pays qui sont capables de lire ce qui est écrit sur les Africains, ce qui est dit sur les Africains dans les médias locaux. 

Laura [00:49:50] Mais tu sais, je ne sais pas si vous êtes passés par là, mais je pense à l'histoire des relations sino-africaines. La première thèse de doctorat que j'ai lue, qui traitait de ce sujet, était une thèse doctorale écrite par une certaine docteure Sandra Gillespie dans les années 1990 à OISE, donc à l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario, et elle traitait la présence des étudiants africains donc qui avaient bénéficié de bourses, je pense aux Grands Lacs, des Rwandais, des Burundais, des Congolais et j'en passe d'autres pays africains qui eux étaient des étudiants étrangers, qui étudiaient beaucoup, beaucoup dans les sciences appliquées, le génie par exemple, qui apprenaient pendant deux ans le chinois, le mandarin je pense. Là on parle de la Chine et pas de Hong Kong on s'entend. Mais il y a quand même tout un...on parlait de l'apport du domaine de l'histoire dans ça. Il y a quand même une longue présence. Et d'ailleurs, votre travail sur les relations à travers l'océan Indien illustre que ces parcours africains, Chine, Asie sont de longue date. 

Facil [00:51:13] C'est sûr, c'est sûr que, tu sais, il y a les échanges, les étudiants qui sont partis dans les années 1960-70, 1980 qui sont venus vers cette partie du monde et surtout en Chine continentale, il y en a beaucoup. Il y en a qui ont fait leurs études, je peux t'en citer un, Oussouby Sacko, par exemple, qui est sénégalais, qui a fait ses études en Chine dans les années 1980, qui est parti au Japon dans les années 90 et qui est aujourd'hui président d'une université japonaise à Kyoto. Donc il y a aussi des trajets comme ceux-là qui, tu sais...Donc on s'associe avec ces gens-là et on les associe aussi dans nos projets parce que pour nous, c'est aussi...Oussouby, si tu te balades à Kyoto avec lui comme je l'ai fait il y a quelques années de cela, c'est incroyable. Tu vois, tout le monde vient t'arrêter, te dire bonjour et c'est devenu des ambassadeurs, si tu veux, du continent africain là-bas. Et c'est des gens qui donnent aussi une image d'une Afrique qui est différente de ce que les médias ont l'habitude de faire passer. Donc, c'est un peu dans ce sens-là que nous essayons de travailler aussi. 

Laura [00:52:43] Bravo, bravo! 

Facil [00:52:45] Merci, merci. 

Laura [00:52:46] Bravo! Non, parce que beaucoup, beaucoup de mes étudiants sont des étudiants qui viennent de Hong Kong, moins de la Chine, des étudiants étrangers, beaucoup d'Africains dans mes salles de cours, comme j'ai dit, donc c'est des travaux qui nous sont d'une grande pertinence aussi dans le contexte ontarien où c'est ça, il y a une forte immigration africaine et également asiatique évidemment. Donc on rejoint nos salles de cours en même temps que nos projets de recherche. 

Facil [00:53:20] Voilà. 

Laura [00:53:20] Alors nous allons tirer à la fin mais j'aimerais juste que tu nous parles un peu du réseau The Museums Lab dans lequel tu es associé, tu es membre. Si j'ai bien compris, c'est un réseau qui siégeait à Berlin, financé par des bailleurs allemands et ça rentre dans le créneau d'enquête qui est articulé autour de la restitution de biens culturels africains qui sont hébergés dans des musées en dehors du continent africain, aussi bien au Canada, aux États-Unis qu'en Europe. Et c'est un sujet d'actualité. Dans cette série podcast, nous avons évoqué ce sujet-là avec Angelica Pesarini. Alors l'occasion est à toi de nous parler de ce réseau bien particulier dont tu fais partie. 

Facil [00:54:20] D'accord, alors merci. Le Museums Lab est un projet du gouvernement allemand et c'est un projet qui est censé accompagner la restitution des biens culturels africains chez eux. Donc l'idée est vraiment d'accompagner ce processus-là pour que ça ne devienne pas en fait...Oui, voilà, on a pris deux masques, voilà on vous rend les deux masques, on va voir. Et puis demain, on les retrouve dans le marché noir. Et ça revient en Europe ou en Amérique du Nord. Donc c'est un peu ça. Donc si tu veux ça, pour moi, c'est un...alors je vais essayer de traduire.... 

Laura [00:55:22] Ce n'est pas évident, je sais. 

Facil [00:55:24] ...en français. 

Laura [00:55:25] Entre les langues. 

Facil [00:55:29] C'est....Je dirais que c'est un projet...alors en anglais, je dirais « it's a symetrical knowledge exchange project in an asymetric world order ». C'est un projet d'échange de savoirs symétriques, on essaie de faire en sorte à ce que Européens et Africains se regardent et se traitent au même niveau, mais dans un monde que nous savons asymétrique clairement. Donc qu'est-ce que ça veut dire par là? Ce que je veux dire par là, c'est que le projet essaye de...dans le projet, on essaye d'amener des experts africains de musées, des praticiens. Et des praticiens européens qui travaillent dans des musées aussi. On les met ensemble et on les amène à un... Ils vont faire un parcours dans ce projet, ils vont faire un parcours dans lequel ils vont réfléchir ensemble sur des sujets, ils vont entendre des experts parler sur des sujets divers et variés. Mais ils vont aussi en même temps travailler ensemble sur les projets qu'ils vont monter eux-mêmes, ensemble. Et l'idée, ce n'est pas juste leur donner une certaine connaissance...bon au début, c'est un truc en ligne. Ensuite, ils vont passer à Berlin pendant un certain temps où ils vont travailler ensemble sur place et, après ils vont aller en Afrique du Sud où ils vont travailler avec une université sud-africaine et les musées qui sont là-bas. Donc tout ce touch-and-go, l'idée c'est de créer des réseaux, c'est de permettre à ces experts de réseauter non seulement entre eux, de créer des réseaux entre eux, mais aussi avec des musées européens ainsi que des musées africains et donc... 

Laura [00:57:42] Dans le but de monter des projets peut-être comme... 

Facil [00:57:44] Plus tard, ils pourront monter des projets ensemble, ils pourront continuer à travailler ensemble. Mais dans le cadre de ce projet, ils vont être accompagnés pendant trois mois à peu près. Le programme commence en mai et ça finit en octobre je crois, ou septembre, octobre. Donc vraiment...mais avec des sessions qui sont compactes, tu vois. Et l'idée vraiment, à la longue, c'est de créer...le museum deviendra une sorte de hub dans lequel tu vas avoir plein d'experts de musées africains, plein d'experts de musées européens, plein de musées européens, plein de musées africains qui interagissent d'une certaine manière, qui vont tenir une conversation qui est plus eye to eye, mais en même temps qui...où tu vas laisser les réseaux se développer, former des projets, etc. Donc c'est un super super projet et après, moi je pense que voilà...donc si tu veux, avec cette question, je pourrais aussi essayer de ramener certains points que nous avons discutés, mobilité et mobilité des gens, mobilité des objets, mobilité forcée de certains objets. Mais tu as aussi une mobilité des connaissances, tu vois. On fait bouger les connaissances et je pense que voilà, la mobilité est très importante et ce projet-là facilite, permet une mobilité parce qu'il nous permet de faire...chaque année, ça nous permet d'avoir une cinquantaine d'experts de musées européens et africains qui vont venir chaque année travailler ensemble. 

Laura [00:59:54] Et c'est un projet qui est nouveau ou bien qui tourne depuis déjà quelques années? 

Facil [01:00:00] Il est nouveau. Le projet pilote a eu lieu l'année dernière et là, on est en train de faire le premier projet bien plein avec la composante africaine qui a été ajoutée dessus. Et ça va continuer pour les années à venir. Et ce que nous essayons de faire, c'est...cette année, ce sera en Afrique du Sud, l'année prochaine ce sera l'Afrique de l'Ouest, l'année prochaine ce sera etc. tu vois. On va vraiment essayer de faire en sorte que ça puisse tourner et pour que ça puisse bien s'ancrer, parce que tu vois, en Afrique du Sud, on est en train d'ancrer ce projet dans l'université, dans une université sud-africaine et autour de cette université, on va mettre les musées aussi, donc ça donne des ancrages institutionnels qui sont beaucoup plus solides et qui peuvent continuer à exister après, tu vois. Comme ça, ça ne va pas être quelque chose qui va s'éteindre l'année prochaine. Tu sais, si tu fais un truc avec le musée A ou le musée B, quand le directeur va changer, le musée va fermer ou bien personne n'aura entendu parler de ça. Ce ne sera pas le cas. Donc on essaie vraiment de les ancrer dans les pays et ça nous permettra d'avoir dans les quatre, cinq années à venir, quatre, cinq bases africaines bien solides, universitaires, ainsi que musées où les professionnels vont pouvoir échanger entre eux. Il ne faut pas oublier les universités, c'est ceux qui forment ceux qui vont aller travailler dans les musées de leur pays. Donc c'est un peu tout ça qui est pris en considération aussi, et avoir les moyens de réaliser un projet comme celui-là est vraiment très bien...avec nos partenaires allemands. 

Laura [01:02:02] Oui, ils ont des gros sous mais c'est un beau projet quand même qui est basé dans la coopération et aussi, comme tu l'as dit au début, c'est vraiment se dire voilà, nous vivons des relations d'inégalité mais comment créer donc un projet qui soit plus...enfin je ne sais pas, voué au partage, à la démocratie, si je peux dire, avec 'd' minuscule, mais...et donc ton rôle, je suppose en étant historien, de souche éthiopienne, on pourrait peut-être espérer que tu diriges ou que tu amènes ce museum-là dans le contexte éthiopien, érythréen, éthiopien...corne d'Afrique quoi, peut-être. 

Facil [01:02:48] Bien, je l'espère, je l'espère. 

Laura [01:02:50] Écoute Facil, je te remercie grandement d'avoir partagé avec nous aujourd'hui et au nom des auditeurs, auditrices de Quoi de neuf, ça nous a fait bien plaisir de pouvoir échanger avec toi.  

Facil [01:03:03] Avec plaisir. 

Laura [01:03:05] OK, merci! Bonne fin de journée. 

Facil [01:03:07] Allez, merci! Ciao ciao.  

Joey [01:03:12] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca