Quoi de neuf ?

Entretien avec cinq enseignants en formation à l'Université de Toronto

February 09, 2021 Les cafés du CREFO Season 1 Episode 12
Quoi de neuf ?
Entretien avec cinq enseignants en formation à l'Université de Toronto
Show Notes Transcript

Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre des étudiantes et étudiant de son séminaire de maîtrise et de doctorat

Joey [00:00:00] Dans cet épisode Divij, Louise, Catherine, Dana et Julia nous partagent leurs expériences des langues et des cultures au sein de la francophonie ontarienne, canadienne et bien au-delà encore. Ils nous expliquent combien la classe en langue française peut devenir un lieu qui permet aux élèves de s'identifier à la culture de l'école, à condition qu'ils se sentent accueillis avec leurs histoires de mobilité, de résistance et leur patrimoine linguistique et culturel. 

Julia [00:00:22] À une création d'une communauté d'apprenants diverse, multilingue, où ils ont l'occasion d'être eux-mêmes pas de se conformer à un environnement de classe qui n'est pas propre à eux. 

Joey [00:00:38] Bienvenue à Quoi de neuf. 

Emmanuelle [00:00:55] Bonjour et bienvenue au Café CREFO. Je suis contente de vous retrouver après ces vacances agitées et à tous nos auditeurs, quelle que soit la zone du monde où ils nous écoutent, je leur souhaite une belle année et surtout une bonne santé 2021. Et puis, plein de...plein d'écoutes intéressantes et j'espère la fidélité à notre podcast, notre balado, comme on dit par ici. Merci d'être là encore avec nous aujourd'hui et bienvenue pour une nouvelle saison. Alors, pour clore la saison numéro un, nous vous avions promis une surprise. En fait, pendant onze semaines, j'ai rencontré des chercheurs en sociologie, en histoire, en sociolinguistique, en didactique des langues et des cultures et chacun d'entre eux m'a donné sa perspective à la fois personnelle et académique sur des questions d'éducation, de francophonie et de diversité. Ces rendez vous, ces entretiens, ils ont permis d'alimenter de nombreuses discussions que j'ai pu avoir, notamment avec mes étudiants gradués de Master et plus de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario et au sein du CREFO. Tous, je dois préciser ici ayant été formés pour devenir professeurs de français ou en français pour le primaire, le secondaire, ou encore pour enseigner à des adultes et la plupart, en fait, enseignent déjà en Ontario. Donc, à la fin de ce cours, chacun d'entre eux a créé un artefact ou une oeuvre d'art qu'ils représentent et qui représente la place telle qu'il ou elle l'envisage au sein de la francophonie canadienne, ontarienne et notamment au sein de l'éducation. Alors un certain nombre d'entre eux ont accepté de partager avec moi et donc avec vous aujourd'hui, certaines de leurs réflexions qui sont des pistes pour nous, éducateurs, politiciens ou encore décideurs qui cherchons à créer plus d'inclusion au sein des communautés francophones canadiennes et ontariennes, mais aussi dans le monde, et de trouver la place adéquate pour parler des francophonies. Donc de tout coeur, je remercie les étudiants qui participent et même ceux qui ne participent pas aujourd'hui parce que ils ont vraiment contribué à enrichir ma pensée et j'espère la vôtre sur ces questions. Bonjour Divij! 

Divij [00:03:39] Bonjour Emmanuelle! 

Emmanuelle [00:03:39] Alors, Divij toi tu viens de l'île Maurice. Tu es arrivé il y a cinq ans au Canada. Tu a enseigné pendant dix ans déjà à l'île Maurice, puis ensuite cinq ans au Canada. Et tu es polyglotte. Le nombre de langues que tu connais est impressionnant. En vrac, le français, l'anglais, le créole, l'hindi, l'ourdou et tu es en train d'apprendre le mandarin, donc tu es un un vrai amoureux des langues. Et tu racontes comment tu as navigué dans deux espaces post-coloniaux, aussi multiculturels l'un que l'autre, mais ayant une vision de l'éducation très, très différente. Comme première question, je voulais te demander pour toi l'école a été un lieu, je crois qu'on peut dire un lieu de libération. N'est-ce-pas? Assez important. Est-ce que tu peux nous expliquer ça? 

Divij [00:04:34] J'ai un peu pris conscience de ça surtout en arrivant au Canada où j'étais dans des classes où les élèves avaient beaucoup de difficulté à naviguer avec les langues, alors qu'à l'île Maurice, même si la personne qui était assise à côté de moi parlait le mandarin, j'arrivais à...on arrivait à se comprendre. Il y avait tellement de richesses culturelles dans la classe mauricienne, que ce soit au niveau linguistique aussi, et cela me permettait de...carrément de naviguer dans les langues, alors qu'ici je trouvais que les élèves avaient beaucoup, beaucoup de difficultés à faire cela. Et c'est dans ce contexte que je trouve que mon éducation à l'île Maurice a été une libération. 

Emmanuelle [00:05:36] Tu as été, il me semble, tu avais été élevé dans la foi hindouiste, c'est ça? 

Divij [00:05:41] Oui, exactement. J'ai été élevé dans la foi hindouiste. L'école, en effet, m'a permis d'accéder à cette langue. Même si on est hindou, on pratique la religion, la langue qui est associée à l'hindouisme, c'est l'hindi, malheureusement mes ancêtres ne parlaient pas la langue parce que ils ne l'apprenaient pas à l'école. Et les grands-parents, mes arrières grands-parents n'avaient pas le temps d'enseigner la langue aux enfants. Et il y avait aussi la langue créole, qui était une langue qui était langue maternelle. Donc, j'étais...je me retrouvais souvent à vouloir apprendre... apprendre cette langue parce que quand j'allais au temple et j'écoutais le prêtre parler, je voulais surtout pouvoir accéder à la richesse de ma culture et c'est à travers l'école que j'ai pu accéder à la langue de mes ancêtres. Donc l'école à l'île Maurice a donné accès aux élèves l'opportunité d'apprendre...d'apprendre les langues orientales qui est l'hindi, l'ourdou, le chinois, le mandarin. Et j'ai saisi l'opportunité d'apprendre la langue de mes ancêtres. 

Emmanuelle [00:07:05] C'est étonnant parce que quand on t'entend, tu a été...pourtant le français, tu le racontes, n'était pas ta langue première. C'est une langue que tu as apprise à l'école. Et alors, s'il y avait l'hindi, l'ourdou à l'école, le français, l'anglais aussi. Comment vous vous en sortez? 

Divij [00:07:25] On s'en sortait très bien, les profs, même quand on enseignait des mathématiques, même si les mathématiques étaient sur papier en anglais, on parlait souvent en français, on utilisait des mots en hindi, on utilisait des mots en mandarin, on utilisait des mots en ourdou. Il n'y avait pas vraiment de barrière entre les langues et c'est ça, je pense, qui permettait aux élèves de réussir dans toutes les langues et d'être plus ou moins confortables dans l'usage de ces langues. 

Emmanuelle [00:07:57] Oui, alors tu racontes que dans les travaux que tu avais à faire, toi en tant qu'enfant, tu devais par exemple décrire une cérémonie hindoue alors que ton petit copain lui devait décrire peut être une cérémonie bouddhiste, etc. Et puis qu'ensemble, l'ensemble faisait finalement...créait la communauté, la communauté, donc, que c'était vraiment cette approche et que même les images représentées dans les livres de cours étaient extrêmement multiculturelles. Et est-ce que tu penses que c'est ça qui permettait aux élèves d'avoir une confiance en eux qui leur permettait d'éviter finalement cette insécurité linguistique dont on parle tellement? 

Divij [00:08:40] Oui, il y avait toujours cet aspect de célébration des autres. La célébration de l'autre qui était toujours là. Je trouve que...des fois quand je regarde les manuels qu'on utilise ici, je trouve qu'il manque des fois ces éléments où les enfants pourraient se retrouver alors qu'à l'Île Maurice on trouve souvent des livres avec des noms des gens de toutes les communautés et à ce moment-là, les élèves se sentent...se sont connectés avec, avec, avec le matériel scolaire. 

Emmanuelle [00:09:23] Tu rejoins tout à fait ce que disent beaucoup Lory-Armand, mais aussi Lory et Prasad, mais aussi Cummins dans ces textes...ces textes où on retrouve...et tu dis que pour toi, ce que je trouve très beau, que ta perspective sur la classe, c'est que l'école c'est un lieu de rencontre des langues et des cultures. Comment tu vis ça aujourd'hui au sein de ta classe au Canada? 

Divij [00:09:50] Au sein de ma classe, je fais l'histoire parce qu'on célèbre tout le monde, je donne l'opportunité à mes élèves de s'exprimer dans la langue...la langue de leurs parents, et c'est quelque chose que j'aime beaucoup. Je leur permets de s'exprimer en classe alors s'ils sont en train... si nous sommes en train de parler sur un sujet, par exemple la nourriture, ils s'enrichissent, ils s'enrichissent l'un et l'autre. Cela permet aussi de partager leurs coutumes. Par exemple, s'ils sont en train de célébrer l'Aïd, je demande aux élèves de venir devant la classe, de parler en ourdou ou de décrire quelque chose en arabe pour parler de la célébration. Et puis d'expliquer aux autres ce que ça veut dire. 

Emmanuelle [00:10:44] Je trouve ça merveilleux ce réinvestissement, alors tu parles..tu cites Heller qui dit qu'il est nécessaire pour les écoles de langue française de se réinventer afin de pouvoir survivre. On a l'impression que tu participes à cette réinvention de l'école française, n'est-ce pas? 

Divij [00:11:02] Je parle de la réinvention de l'école française parce qu'à l'ïle Maurice, il y avait aussi...il y a aussi des écoles françaises. Des écoles françaises mauriciennes qui ont dû se réinventer par rapport à ce qui se passait autour d'eux. Ils ont dû devenir plus inclusifs...ils ont dû intégrer un peu plus l'anglais dans le système et c'est ce qui a permis... c'est ce qui permet leur succès maintenant. C'est une école, l'école française mauricienne, est un endroit merveilleux maintenant où les élèves de tout...où on retrouve les élèves de toutes les communautés maintenant. Mais auparavant, je vais dire environ 20 ans de cela, quand on entrait dans une classe d'une école française, il n'y avait que la plupart....la majorité des élèves étaient des élèves issus de la société franco-mauricienne, alors que maintenant, c'est une école qui est ouverte à tout le monde. Et c'est surtout cet...du fait que quand on marche à l'extérieur de l'école, l'Île Maurice est un pays multiculturel où les gens parlent plusieurs langues. Les enfants qui sortaient de ces écoles auparavant il y a 20 ans de cela n'arrivaient pas à parler le français correctement et se retrouvaient très souvent à devoir travailler...à aller dans des écoles qui sont...à aller en France pour continuer leurs études. Alors que en ouvrant les portes de l'école mauricienne française, ils ont...ça a permis une ouverture au monde aussi.

Emmanuelle [00:12:33] Cette ouverture au monde, c'est celle-là que tu nous offres aujourd'hui par ton témoignage et je pense que les auditeurs en sont très reconnaissants en tout cas moi je le suis. Merci beaucoup Divij! 

Emmanuelle [00:12:50] Bonjour Louise! 

Louise [00:12:52] Bonjour Emmanuelle! 

Emmanuelle [00:12:55] Alors Louise, dans ta classe, parce que tu enseignes les premières classes. C'est ça? 

Louise [00:13:03] Les classes de première année, en musique, en art dramatique et en danse. 

Emmanuelle [00:13:07] C'est ça. Alors, dans ta classe, j'ai appris qu'on dit pas forcément bonjour, mais on dit buenos dias, merhaba, vannakkam, shalom, konnichiwa, hetch, chin cha ho, bonjou. namasté, ça veut dire quoi, tout ça? 

Louise [00:13:25] Ce sont tous des mots qui veulent dire bonjour dans les langues de l'origine culturelle des élèves à qui j'enseigne. 

Emmanuelle [00:13:35] Alors c'est une activité que tu as mise en place, je crois, pendant qu'on avait notre séminaire et que tu as proposée aux parents. Comment ça s'est passé et est-ce que tu veux nous expliquer un peu?

Louise [00:13:48] C'est que j'ai envoyé un petit message aux parents des élèves pour demander comment on dit bonjour dans votre langue d'origine et quelle est la langue dont on parle. Alors...et ça ce qu'on a fait...on a fait un petit projet de musique avec ça. J'ai tout mis, on en a une vingtaine de bonjour de différentes langues qui nous est arrivé et j'ai fait un projet de musique avec ça parce que je montre aux élèves de première année comment faire des ryhtmes. Ça a donné un projet où est ce que les élèves pouvaient reconnaître le bonjour de leur culture et faire de la musique en même temps. 

Emmanuelle [00:14:24] C'est extraordinaire parce que tu crées finalement une nouvelle communauté de paroles à travers du vocabulaire qui vient des différentes régions, à la fois francophones, mais au delà de la francophonie, puisque tu ramènes aussi ces langues des élèves. Tu dis aussi... tu t'arrêtes pas là, parce que tu travailles aussi beaucoup sur la littératie, en particulier à travers les livres et les livres d'images déjà dès cet âge-là. Alors tu parles...peut-être tu veux en parler?

Louise [00:14:52] Mais c'est parce qu'on fait beaucoup....quand je fais de l'art dramatique, c'est très important d'avoir un petit peu de littérature pour pouvoir, par exemple, en première année, ils ne savent pas qu'est ce que c'est une saynète. Alors il faut leur expliquer qu'une saynète c'est un dialogue entre différentes personnes. Alors de prendre des livres de la littérature jeunesse, ça permet de faire ça. Et moi aussi, j'ai pris des livres....je pense que je faisais référence au livre de Dominique et compagnie avec...C'est des expressions québécoises, par exemple, il y en un que je pense que ça s'appelle Il pleut à boire debout. Alors ce sont des expressions imagées qui font... qui veulent dire quelque chose, mais avec des mots différents. Alors c'est ce qui est très intéressant avec les élèves de voir que le français est très imagé...quand tu leur expliques c'est quoi par exemple, il pleut à boire debout. Alors je leur explique « Tu pourrais être dehors, lever la tête, ouvrir la bouche et tu pourrais boire la pluie qui tombe par exemple ». Je pense que c'est bien parce que vu que ce sont souvent des élèves qui ne sont pas toujours à la maison en train de parler en français, de leur montrer le français à travers des images, qu'ils puissent se faire des images dans la tête pour associer les mots à l'image, comme ça, ils peuvent se faire une idée de qu'est-ce que ces expressions-là veulent dire. 

Emmanuelle [00:16:20] Alors, tu as lancé toute cette pédagogie qui est à la fois sur le plan cognitif, très intéressante parce que tu développes la conscience métalinguistique, donc cette capacité de réfléchir sur les langues, sur les français, les francophonies, déjà depuis le plus jeune âge, tout en développant leur compréhension, leur ouverture, etc. Et puis, tu as fait ça parce que tu disais que tu avais remarqué et tu avais même eu des remarques de certains élèves qui disaient « Mais moi, je suis pas franco-ontarienne, pourquoi on fait allégeance au drapeau? Moi, ça ne me regarde pas. Moi, je sors de l'école, je parle une autre langue ». Et donc, tu as développé ces stratégies pour créer une identité qui soit une identité à laquelle ils adhèrent, n'est-ce-pas? 

Louise [00:17:14] Oui, c'est parce que, en faisant des liens entre leur langue maternelle et leur culture et la langue francophone, ça fait que ça enrichit tout le monde et ça leur permet de voir que la francophonie, c'est pas simplement à l'école, mais que ça peut être plus étendu si tu veux. 

Emmanuelle [00:17:41] C'est intéressant parce que tu disais que de là d'où toi tu viens, c'est un vrai changement. Parce que ton grand-père, tu dis qu'il était anglophobe. Ha ha! 

Louise [00:17:52] Oui, donc, lui il ne voulait pas que ses enfants parlent en anglais et ça a fait que ma mère ne pouvait...ne sachant pas vraiment parler l'anglais, la pauvre elle a eu un petit peu de difficulté à trouver un emploi plus rémunérateur parce qu'on était à Montréal, donc pour être capable de bien bien gagner sa vie, elle a pensé que c'était très important pour nous d'apprendre l'anglais. L'ironie, c'est que, moi, depuis ce temps-là, j'ai...quand j'ai quitté l'université, je suis partie du Québec et j'ai vécu brièvement au Nouveau-Brunswick et depuis plusieurs années en Ontario. Et toujours dans des....j'ai toujours travaillé dans des milieux francophones à l'extérieur du Québec, ce qui est un peu ironique si on pense à mon parcours. 

Emmanuelle [00:18:49] Ha ha! Ha oui, c'est très amusant et en même temps, on voit comment on peut se former. Par contre tu dis dans ton travail, tu dis bien je suis toujours Québécoise. Mais tu dis je suis toujours Québécoise, mais je ne peux pas me dire Franco-Ontarienne parce que je n'ai pas participé aux luttes franco-ontariennes. Est-ce que tu penses que d'avoir participé aux luttes franco- ontariennes, c'est un sine qua non pour être, pour s'identifier en tant que francophone franco- ontarien? 

Louise [00:19:21] Pour...il y a deux choses. Il y a la francophonie, puis les Franco-Ontariens. Parce que les Franco-Ontariens de souche, eux, se sont battus. On parle, on pense à l'hôpital Montfort, on parle aux écoles à Penetanguishene, si je me trompe pas. Eux autres, ils ont lutté longtemps pour avoir ces droits-là, avoir le droit à l'école française, alors que moi, je suis une francophone convaincue parce que j'adore ma francophonie. Je tiens beaucoup à ma langue française, mais quand j'étais à Montréal, moi je n'ai pas vraiment eu à lutter contre...à lutter pour la survie du français. Même si j'étais à Montréal, parce qu'à l'époque j'étais... là où j'étais, on ne parlait que le français, l'école était française, l'église était française, la télé qu'on écoutait à la maison, c'était en français, on allait voir des films en français, la plupart de la musique qu'on écoutait à la maison c'était en français. Moi, j'ai appris l'anglais vers 16 ans, quand ma mère m'a dit il faut que tu apprennes plus l'anglais. Je me suis mise à lire des livres d'Harlequin. C'était un vocabulaire en anglais, OK. C'était des livres avec un vocabulaire simple avec un dictionnaire à côté de moi, parce que je voulais absolument apprendre l'anglais. Je n'avais aucune autre manière d'apprendre l'anglais. Et au secondaire, notre enseignant d'anglais...au secondaire francophone nous a dit, l'année prochaine, ça va être le référendum québécois. Là je parle d'entre 78 80 81 et il dit le oui va l'emporter et donc on va foutre tous les anglophones dehors en dehors du Québec. Alors il n'y avait pas même à l'école française chez mon enseignant d'anglais, il y avait même pas une conscience de vous devez apprendre l'anglais. Alors, c'est de ma mère et de mon propre chef que moi, j'ai appris l'anglais mais je n'ai...je n'ai jamais senti que mon français était menacé à cause de ça, jusqu'au moment où je suis arrivée en Ontario. Et là, j'ai vu oh ben là, je peux travailler en français, mais de vivre en français, c'est plus difficile, d'avoir accès à différents services en français, faut vraiment fouiller pour les chercher. 

Emmanuelle [00:21:50] Oui, alors merci beaucoup, Louise pour ton témoignage. 

Louise [00:21:55] Bienvenue à la prochaine, Emmanuelle!

Emmanuelle [00:21:58] À la prochaine! Au plaisir! 

Emmanuelle [00:22:02] Bonjour Catherine!

Catherine [00:22:04] Bonjour. 

Emmanuelle [00:22:05] Catherine, tu as intitulé ton travail final, D'où viens-tu? Mais non d'où viens-tu, vraiment? Et tu as mis le vraiment en italique. Est-ce que tu veux nous expliquer un petit peu ce que tu voulais dire par là? 

Catherine [00:22:21] Oui, bien sûr. Alors ça, c'est une question qui...que je reçois beaucoup quand on parle de notre culture ou de notre...nos parents ou d'où on vient. J'ai grandi à Toronto, une ville très multiculturelle et j'ai beaucoup d'amis qui ont des parents qui ont été nés ailleurs. Et alors c'est une question dont on se pose entre nous souvent. Moi, je viens du Canada et là, c'est la question qui suivait c'était mais non alors tu dis que tu viens du Canada, mais oui tu es Canadienne, mais d'où viens-tu vraiment? C'est un peu comme si c'était impossible d'être juste Canadienne, d'avoir des générations de...de familles, de grands-parents canadiens. Alors mes parents et la plupart de mes grands-parents sont Québécois. Ils sont Québécois, Français-Canadiens et Québécois. J'ai un grand-parent qui est venu de la Slovaquie. Mais à part lui, tout le reste, c'est...le reste de ma famille est canadienne. Alors cette question m'a beaucoup marquée parce que les gens ne croyaient pas que j'étais canadienne et je répondais ben mes parents sont Québécois alors pour certains, ok alors tu peux pas être Canadienne, mais Québécois avec le français ok, ça, ça passe un peu mieux. Alors cette question m'a vraiment vraiment beaucoup marquée parce que je ne savais pas quoi répondre. 

Emmanuelle [00:23:52] Est-ce que tu penses que c'était lié aussi à ton nom de famille? Je pense, tu as hérité de ton... de ton seul grand-père? 

Catherine [00:24:00] Oui, oui, alors je n'ai pas un nom francophone qui...du Québec. Ma mère a un nom francophone, mes grands-parents de l'autre côté, leurs noms sont très francophones, très québécois. Et là, moi, j'ai hérité le nom de la Slovaquie Kosik alors les gens pensent du coup que je viens de l'Europe.

Emmanuelle [00:24:25] Alors Catherine, tu a fait un poster et sur ce poster alors on est à la radio alors c'est difficile de décrire quelque chose qui est tout en images, tout en couleurs. Mais on va essayer ici entre nous et en particulier, on peut essayer de faire le lien entre les images que tu as collées sur ce poster et peut-être les auteurs qui sont venus parler dans ce podcast. Peut-être ceux qui t'ont le plus inspirée et amenée à poser ces images sur ce poster. Est-ce que tu veux nous dire quelques mots là-dessus? 

Catherine [00:25:02] Oui, bien sûr. Alors, le projet était inspiré...le collage j'ai choisi de faire un collage et vraiment un collage traditionnel. Je suis allée chercher dans des magazines et j'ai découpé et j'ai collé les images sur un papier. Ça, c'était inspiré des travaux de Gail Prasad sur le collage plurilingue pour exprimer le plurilinguisme. Et j'étais aussi inspirée par les travaux de....je pense que c'était Carole Fleuret qui a utilisé des couleurs dans la création des...des portraits linguistiques des élèves dans ses recherches. Alors je me suis....j'ai un peu mélangé des deux pour créer un collage et j'ai incorporé certaines couleurs pour représenter les différents aspects de mon identité linguistique. 

Emmanuelle [00:25:53] Alors, on voit le vert essentiellement dans la nature. Un arbre, deux arbres, 3 arbres, une forêt. Est-ce qu'il y a un rapport aussi avec l'Ontario? 

Catherine [00:26:02] Un peu, oui, en fait des arbres pour moi, ça représentait le Québec et les arbres, la forêt. J'ai passé beaucoup de temps à mon chalet au Québec, aux Laurentides, alors et ça, c'était un lieu plutôt francophone. Pour moi, c'était un lieu de refuge, de calme et de paix dans ma vie en tant qu'enfant et toujours en tant qu'adulte. Mais c'est aussi un espace entièrement francophone parce que c'est un tout petit village au nord du Québec et j'entends pas du tout l'anglais quand je le visite. 

Emmanuelle [00:26:39] D'accord. Oui, on retrouve ça...alors on voit aussi pas mal d'eau dans ton poster.

Catherine [00:26:47] Oui, l'eau, c'est... l'eau est entourée de la couleur grise. Alors, j'ai choisi l'eau parce que l'eau est fluide. Ça change, tout comme mon identité et mon rapport à mon identité. Et les crises, ça représente un peu aussi l'insécurité linguistique que j'ai ressenti. Alors je suis née à Toronto à des parents québécois comme je l'ai dit, mais j'ai suivi le programme d'immersion française à cause du contact que j'ai eu avec les anglophones. J'ai eu...j'étais en tant que francophone dans le programme d'immersion, j'ai trouvé que mon français a un peu changé. J'ai... maintenant j'ai perdu mon accent québécois que j'avais quand j'étais toute petite et mon vocabulaire a un peu changé à force de parler plus en anglais et moins en français, même à l'école dans le programme d'immersion. Alors, ça m'a mis en situation vraiment d'insécurité linguistique quand j'allais à Montréal et au Québec visiter ma famille et rencontrer les amis de mes parents, parce que je sentais que mon français était très anglicisé, même si les langues changent et évoluent en tout temps, c'est un peu une réflexion que j'ai eue en faisant ce travail, je me suis rendu compte que mon identité, mon mon rapport personnel à mon identité, comment je me perçois c'est fluide et ça change et je dois un peu me donner la permission de changer mon identité. 

Emmanuelle [00:28:26] Alors, tu parles un petit peu de ton contexte d'immersion, ça veut dire que tu enseignes le français et en français en contexte anglophone. Où est-ce que c'est représenté dans poster ton identité d'enseignante? 

Catherine [00:28:43] Alors, j'ai choisi....enseignante c'est représenté avec la couleur jaune. Tout ce qui est dans cette gamme de couleur jaune, c'est le feu que moi j'ai pour apprendre. Moi, j'adore apprendre. C'est une des raisons pour laquelle j'ai voulu devenir enseignante. J'adore apprendre. J'adore observer et voir les élèves apprendre. Et c'est vraiment le feu, le feu qui nous motive, qui qui brûle en nous et que je veux que les élèves...qu'on nourrisse ce feu et que les élèves, eux aussi se sentent très motivés par l'apprentissage et l'apprentissage des langues. L'apprentissage en général, alors, c'est quelque chose que j'aimerais transmettre à mes élèves. Ce désir d'apprendre... 

Emmanuelle [00:29:29] Et qu'on a exploré avec Claire Kramsch, n'est-ce pas, qui parlait du plaisir d'apprendre. Remettre au cœur le plaisir d'apprendre. Merci beaucoup Catherine. Et bonne chance pour la suite. 

Catherine [00:29:42] Merci beaucoup. 

Emmanuelle [00:29:46] Bonjour Dana! 

Dana [00:29:47] Bonjour Emmanuelle! Comment ça va? 

Emmanuelle [00:29:49] Ça va et toi? 

Emmanuelle [00:29:53] Tu me parlais justement de tes élèves qui sont des élèves de douzième année cette année et de certains d'entre eux qui vont s'inscrire dans des programmes de français, ce qui te faisait plaisir parce que c'était les élèves de français de base, c'est ça? C'est comme ça qu'on dit?

Dana [00:30:07] Oui, français, oui français cadre.

Emmanuelle [00:30:10] Je sentais une certaine fierté dans ta voix. Ha ha! Ha! Ha! Ha! 

Dana [00:30:15] Oui, c'est vrai. Ils sont dans le programme cadre alors ça veut dire qu'ils ont fait le choix de s'inscrire dans les cours de français. C'était pas obligé comme les programmes d'immersion alors oui, je suis très fière de leur motivation et la façon dont ils prennent des risques pour parler en français et améliorer leurs compétences. 

Emmanuelle [00:30:54] Alors c'est quelque chose dont tu as beaucoup parlé et que tu as représenté de manière magnifique dans ton oeuvre. Alors l'œuvre de Dana, c'est son portrait. Elle a fait son portrait, alors ça a un nom, je crois qu'elle a rempli avec tous les mots, tous les concepts qui correspondaient à ses identités qu'elle appelle remodelées, que tu appelles remodelées. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu? 

Dana [00:31:22] Oui, alors j'ai fait une représentation de mes trois réalités au sein de mon voyage avec l'apprentissage du français. J'ai développé beaucoup de confiance à travers les années et c'est....J'ai choisi les mots qui représentent ceci dans mon œuvre. 

Emmanuelle [00:31:56] Et il y a des mots dans ta bouche, il y a des mots dans tes yeux, il y a des mots dans tes sourcils, dans tes cheveux, dans ta robe. 

Dana [00:32:02] Et ils sont tous les couleurs différents alors un groupe de mots représente mon expérience dans le programme d'immersion française quand j'étais petite à Toronto. Et puis, un autre groupe de mots représente mon expérience à l'Université de Toronto avec le programme du français là. Et puis le dernier groupe de mots représente moi maintenant comme enseignante dans le programme d'immersion française. Et c'est intéressant parce que les mots sont très différents. Au début et pendant l'université, j'étais beaucoup moins confiante avec mes compétences, avec la langue française, alors il y avait beaucoup d'insécurité linguistique. J'étais effrayée de faire des risques et c'était à travers mes cours dans ce programme de maîtrise et puis mes expériences comme une enseignante que j'ai réalisé que on ne doit pas être effrayé d'utiliser les ressources qui sont qui sont là pour apprendre une langue. C'est pas comme on doit juste apprendre le français, la grammaire d'une façon traditionnelle, c'est comme il y a plusieurs façons de faire ça et avec ceci, on peut éviter les inégalités du programme et tout ça. 

Emmanuelle [00:33:40] C'est ça. Alors tu parles beaucoup....tu as un paragraphe que tu as intitulé Inclusion et tu as mis un point d'interrogation. Comment créer l'inclusion qui est la grande question de tous les profs et tu commences en disant je crois que la plupart des enseignants veulent créer un espace où tous les élèves peuvent réussir. C'est très intéressant ce que tu dis et tu fais trois suggestions qui, à mon avis, étaient presque prophétiques, on va dire. Alors est-ce que tu t'en souviens? Et puis peut-être tu peux nous dire comment tu les mets en place dans ta classe aujourd'hui.

Dana [00:34:15] Oui, absolument. La première chose que je pense est très important et que vous êtes en train de faire avec ton Language Friendly School et tout ça, c'est d'accueillir le plurilinguisme dans les salles de classe alors numéro 1 permettre aux élèves d'utiliser leurs connaissances antérieures, même si c'est dans une langue différente. À ça, ça se lie un peu à mon deuxième point qui est utiliser la technologie. Alors peut-être si tu as un élève dans ta classe qui qui parle une langue différente que l'anglais parce que la plupart des enseignants utilisent l'anglais et le français dans leurs classes. Mais ça, ce n'est pas nécessairement la réalité de tous nos élèves. Quelquefois, nos élèves...l'anglais est leur langue seconde, alors peut-être on peut utiliser la technologie pour faire une traduction de leur langue maternelle avec le français. Alors, c'est juste d'incorporer toutes les langues dans la salle de classe et aussi d'éviter....On ne veut pas que nos élèves sont effrayés d'utiliser les autres langues, qu'ils savent dans la salle de classe. Un point positif et j'ai écrit ça avant la pandémie...alors utiliser la technologie. Alors, il y a tellement beaucoup de ressources qui... qu'on a accès alors c'est le 21ème siècle. 

Dana [00:36:03] Alors oui, le point positif de l'apprentissage du virtuel et à distance est que les enseignants ont été comme presque obligés d'adopter la technologie et de charger des ressources en ligne. Alors peut-être, j'espère que...lorsque les choses revient...reviendront à la normale, peut-être ces outils et ces ressources peuvent être utilisées dans l'environnement normal. 

Dana [00:36:40] Et la troisième, tu as une troisième proposition qui, elle, est destinée aux élèves peut-être moins performants et qui, dans le passé, étaient exclus de ces programmes de français, un programme qui était vu comme assez élitiste. Et tu dis et ben non, on peut les garder, on doit les garder dans nos programmes, à condition de visionner leurs problèmes voilà, d'en faire quelque chose. Est-ce que tu peux expliquer ça? 

Dana [00:37:12] Oui, alors je trouve qu'il y a beaucoup, il y a beaucoup des règles qui viennent du niveau supérieur des conseils scolaires qui ne laissent pas que tous les élèves ont accès à ces programmes. Par exemple, dans quelques conseils scolaires, les élèves dans les programmes d'immersion n'ont pas accès aux classes d'éducation, c'est core resource dans mon conseil scolaire je ne sais pas le mot en français, mais ils n'ont pas accès à ces programmes de soutien qui sont hors de la salle de classe régulier. Alors quelquefois, les parents enlèvent...si leur enfant a besoin d'aide avec les mathématiques, par exemple, les parents enlèvent leurs enfants de leur programme d'immersion pour qu'ils puissent avoir accès à ces programmes de soutien. Alors il y a des....il y a des problèmes comme ça qu'on doit éviter. Ça, c'est...mais on a aussi besoin de sensibiliser des personnes qui sont au niveau supérieur que ces problèmes existent. Ils ne sont pas dans les écoles et ils ne savent pas ces problèmes vraiment alors si les enseignants ne demandent pas pour ces programmes de soutien pour les programmes d'immersion...je ne sais pas comment on peut...

Emmanuelle [00:38:52] Voilà c'est quelque chose qui est très important pour toi parce que tu décris le français comme ayant été tellement enrichissant dans ton parcours. Et tu dis « l'apprentissage est accessible, doit être accessible pour tous. Il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas, à condition qu'on fournisse un soutien et qu'on élimine autant d'obstacles que possible.» J'ai trouvé ça très beau. Merci Dana. 

Dana [00:39:16] Merci à vous!

Emmanuelle [00:39:16] Merci pour ta visite et bonne continuation!

Dana [00:39:20] Merci pour m'avoir invitée alors oui. 

Emmanuelle [00:39:26] Bonjour Julia! 

Julia [00:39:28] Bonjour Emmanuelle!

Emmanuelle [00:39:29] Alors Julia, quand tu parles de toi et en particulier quand tu as parlé de toi dans ton travail, tu as commencé par quelque chose qui m'a beaucoup frappé. Tu as dit ma culture polonaise et ensuite tu as ajouté, ainsi que les langues qui font partie de mon répertoire linguistique et de mon espace francophone. Et ce que tu as mis en premier dans ton identité c'est ta culture polonaise. Est-ce que tu veux bien nous éclairer un peu là-dessus? 

Julia [00:39:58] Oui, donc, je suis enfant issu de l'immigration. Donc, mes parents sont des immigrants polonais ainsi que mes grands-parents maternels. Moi, je suis née au Canada, mais la culture polonaise ainsi que la langue font partie de ma vie quotidienne. À la maison, on se parle polonais, j'ai...j'ai fait partie d'un groupe de scoutisme polonais aussi. Chaque samedi, de l'âge de 5 à 17 ans, chaque semaine oui chaque samedi, j'étais à une école polonaise où on apprenait la langue et je fréquente une paroisse polonaise catholique. Donc le polonais fait une grande partie de ma vie et de mon répertoire linguistique. Je suis fière d'être polonaise. Mais voilà parfois le dilemme identitaire, une crise peut être parfois identitaire. Est-ce que je me sens plutôt Canadienne? Est- ce que je me sens plutôt Polonaise? J'ai parlé de cette crise identitaire avec certains de mes amis, eux aussi, qui sont des enfants issus de l'immigration sont aussi le même...vivent aussi cette même crise identitaire. En Pologne, je ne me sens pas polonaise. Il n'y avait pas vraiment cette crise identitaire là, mais je crois ici au Canada, parfois, je me demande est-ce que je suis plutôt polonaise, ce que je me sens plutôt canadienne? Et cette question D'où viens tu? parfois m'est posée. Je me souviens quand je travaillais à l'Assemblée législative en tant qu'agent d'interprétation, je menais des visites guidées, il y avait des touristes de plusieurs différents partis et puis parfois, ils me demandaient parce que les visites se faisaient en anglais et en français. Parfois, ils me demandaient « ah ok d'où viens tu? ». Moi, je leur répondais « ah je suis Canadienne ». «OK. Mais vraiment, d'où viens-tu? » Je pense que c'est une question qui est souvent posée, spécialement au Canada, peut-être même dans d'autres pays où l'immigration est plus fréquente, plus proéminente. 

Emmanuelle [00:42:08] Alors, tu as tu as un répertoire incroyable parce que comme tu l'as expliqué, il y a le polonais qui est très important, qui a eu tout de suite dans ta vie une grande place jusqu'à l'âge de 4 ou 5 ans. Et puis ensuite l'anglais, puisque tu entrée à l'école anglophone. Et puis, tout doucement s'est immiscé le français par le biais de l'immersion. Je me demandais est-ce que tu penses que...et puis ensuite, l'espagnol donc tu es vraiment une polyglotte. Et je me demandais est-ce que le français auquel tu t'es attachée, tu passes...tu parles de ton espace francophone. Est-ce que le français a joué un rôle positif dans l'élaboration d'une identité que tu appelles canadienne? 

Julia [00:42:48] Donc, je pense que... je pense que oui. L'apprentissage du français a joué un rôle dans mon identité comme canadienne. Être fière du fait que le Canada est un pays bilingue et être fière du fait que je sais parler les deux langues officielles du Canada. Donc vraiment, quand j'ai eu l'expérience de travailler comme agent d'interprétation à l'Assemblée législative au Parlement ontarien, c'est là vraiment que je me suis sentie plutôt Canadienne que Polonaise. Parce qu'avant, c'était. Ah ok! C'est quoi vraiment l'identité ou la culture canadienne...c'est quoi vraiment être Canadienne? Mais là, quand j'étais à l'université, oui, 2015, je commençais à travailler à l'Assemblée législative. C'est là, vraiment, que je me suis sentie plus fière de mon identité canadienne à cause du fait que j'ai pu partager cette identité avec les visiteurs qui ont assisté à mes visites guidées. 

Emmanuelle [00:43:46] Très intéressant, ce rôle de médiation dans lequel tu es entrée. Alors, quand tu parles de...tu parles beaucoup d'espace. Et quand tu parles de ton espace actuel francophone, tu le définis comme...dans ton rôle d'enseignante, de collègue et d'étudiante. Donc, on voit que ton espace, tes espaces francophones, tu les lies très fort à ta profession, à tes études, à cet espace d'éducation. Et pourtant, dans ton travail, tu regardes en rétrospective comment tu as été éduquée toi-même et tu as quelques critiques ou peut-être quelques remarques qui pourraient être constructives. Tu dis par exemple, tu as appris le français particulièrement avec les méthodes communicatives. Tu présentais, tu mettais en scène des fables de La Fontaine ou des pièces de théâtre, etc. Et tu dis voilà, je pense que l'approche actionnelle m'a manquée. Est-ce que tu peux en parler? 

Julia [00:44:53] Oui, bien sûr. Donc, j'ai premièrement appris sur l'approche actionnelle à la faculté d'éducation il y a 2 ans environ. C'est vraiment une approche qui encourage les élèves à être des acteurs sociaux, à avoir le pouvoir de s'exprimer dans des contextes authentiques. Par exemple, si...s'ils partent en voyage au Québec, ils font du ski à Mont-Tremblant, comment est-ce qu'ils font pour louer de l'équipement de ski, par exemple. Vraiment, il y a cette emphase sur des contextes authentiques pour aider les élèves à s'exprimer aisément dans des contextes francophones, dans des milieux francophones. Pour faire ça, il faut se mettre en insécurité linguistique aussi. Il faut vraiment prendre des risques. C'est une chose que j'ai apprise avec l'apprentissage de l'espagnol parce que c'est la langue que je parle malheureusement le moins dans mon quotidien. Donc c'est en faisant des erreurs qu'on apprend...en prenant des risques qu'on apprend. Je pense que l'approche actionnelle est vraiment importante en ce qui concerne l'apprentissage d'une langue, parce qu'il incite...parce que cette approche incite les élèves à prendre des risques. 

Emmanuelle [00:46:14] Le deuxième aspect sur lequel tu insistes, c'est le fait que les espaces linguistiques dans lesquels tu as grandi étaient des espaces clos, c'est à dire que à l'église, on parlait polonais, à l'école, dans les cours de français d'immersion, on ne parlait que français à côté, on ne parlait que l'anglais... et tu dis je ne pense pas que c'était la meilleure manière parce que quelque part, on devait laisser son identité à la porte de la classe. Alors, comment toi, en tant qu'enseignante, tu gères ça aujourd'hui? 

Julia [00:46:54] Par exemple, maintenant, j'enseigne en cinquième année à distance. Ça se fait différemment que normalement....que d'habitude, mais je crée des occasions en classe virtuelle où les élèves ont l'occasion de partager leur expérience linguistique, même si c'est à ...pour Noël. Comment dit-on Joyeux Noël dans une langue autre que l'anglais, comment dit-on bonne année dans une langue autre que l'anglais. Quand je fais la présence, parfois, au lieu de me dire ah présent ou présente ils me disent ah bonne année, feliz ano nuevo...Donc vraiment, des occasions informelles comme telles permettent vraiment un partage d'identité à une création d'une communauté d'apprenants diverse, multilingue, où ils ont l'occasion d'être eux-mêmes. Pas de se conformer à un environnement de classe qui n'est pas propre à eux. Je pense que l'inclusion des langues des élèves en salle de classe les aide vraiment à se sentir à l'aise parmi leurs camarades de classe aussi. 

Emmanuelle [00:48:15] Créer un espace sûr qui leur permette de prendre des risques et d'oser intervenir dans la langue à apprendre. Je trouve que c'est très beau. Merci Julia. 

Julia [00:48:28] De rien. 

Joey [00:48:32] Par l'éclairage de certains aspects marquants de leur vie qui s'étend souvent sur des mondes très différents et grâce à leur immersion dans chacun de ces mondes, Divij, Louise, Catherine, Dana et Julia, pour qui le français tient une place centrale, se sont forgés une identité liée à ces expériences au sein de ces communautés. Ils ont montré combien les langues ne sont pas seulement liées au domaine éducatif et politique, mais d'abord à leur sentiment d'appartenance à chacun de ces mondes. Nous vous attendons donc pour la prochaine saison de notre balado. Merci encore et au plaisir!