Quoi de neuf ?

Entretien avec Kaja Jasinska et Fabrice Tanoh

July 29, 2021 Les cafés du CREFO Season 2 Episode 9
Quoi de neuf ?
Entretien avec Kaja Jasinska et Fabrice Tanoh
Show Notes Transcript

Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Kaja Jasinska, professeure adjointe à l'Université de Toronto, et Fabrice Tanoh, docteur en sociologie économique

Joey [00:00:00] Dans cet épisode, Emmanuelle Le Pichon, directrice du CREFO, rencontre Kaja Jasinska, professeure adjointe à l'Université de Toronto, et Fabrice Tanoh, docteur en sociologie économique.

Fabrice [00:00:12] L'un des volets très importants de ce programme d'alphabétisation c'est que nous intégrons les parents au suivi scolaire de l'enfant dans la progression de leurs compétences et de l'acquisition aussi de leurs savoirs. 

Joey [00:00:29] Bienvenue à Quoi de neuf. 

Emmanuelle [00:00:45] Aujourd'hui, j'ai la joie de recevoir non pas un, mais deux invités. Alors la première, c'est Kaja Jasinska qui est professeure adjointe au Département de psychologie appliquée et développement humain et directrice scientifique du laboratoire BOLD alors en français ça signifie Organisation du cerveau pour l'acquisition du langage et du développement de la littératie de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario de l'Université de Toronto. Et c'est comme ça que nous sommes collègues et c'est d'ailleurs comme ça que nous nous sommes rencontrées. Et mon deuxième invité, c'est Fabrice Tanoh qui est coordinateur de recherches pour l'équipe ivoirienne du même laboratoire et qui est docteur en sociologie économique en Côte d'Ivoire. Alors, Fabrice, vos recherches portent sur des questions liées à l'éducation des enfants en milieu rural et en particulier sur le développement de la littératie dans ces communautés. Alors, bonjour Fabrice et Kaja!

Kaja [00:01:54] Bonjour Emmanuelle! 

Fabrice [00:01:54] Bonjour Emmanuelle! 

Emmanuelle [00:01:57] Merci d'avoir accepté mon invitation. Alors Fabrice, vous nous rejoignez de Côte d'Ivoire. C'est bien vous apportez un peu de soleil dans notre émission. Je vais commencer par Kaja. Kaja tu étudies les mécanismes neuronaux qui sont impliqués dans le développement du langage, de la cognition et de la lecture en utilisant une combinaison de méthodes de recherche comportementale, génétique et de neuro imagerie. Alors, tes études, ces recherches, c'est très intéressant parce que elles partent à la fois des expériences vécues au début de la vie, par exemple, l'exposition à la langue, mais ce que tu fais, c'est d'essayer de regarder comment elles modifient la capacité du cerveau pour l'apprentissage de la langue en particulier. Et tu...ton travail se concentre sur ces communautés qui sont des communautés qui présentent un risque parce qu'elles sont dans des contextes liés à la pauvreté, par exemple le milieu rural dont on parlait au début. Il me semble que ce qui vous, ce qui vous caractéristique tous les deux, c'est .. caractérise tous les deux, c'est votre amour pour les langues...je me trompe?

Kaja [00:03:22] Oui, c'est vrai, c'est vrai. J'ai beaucoup d'amour pour les langues.

Emmanuelle [00:03:27] Alors Kaja, est-ce que tu veux nous parler un peu de ton parcours linguistique? 

Kaja [00:03:32] Oui, oui bien sûr. Je suis née en Pologne. Ma première langue c'est le polonais après j'ai émigré au Canada quand j'étais une enfant et j'ai commencé à apprendre l'anglais à l'école. Mais nous, on a continué à parler le polonais à la maison. À la même temps, j'ai commencé à apprendre le français à l'école à Toronto. Mais comme la plupart des enfants qui apprend le français à l'école vraiment sans expérience immersive, je n'ai pas de bonne occasion de advancer. Donc c'est en 2016, en Côte-d'Ivoire dans le cadre de notre recherche là que j'ai eu l'occasion de vraiment travailler dans un espace francophone. J'ai aussi eu l'occasion d'avoir immersion en langue des signes américaine lors de mon doctorat, pendant les visites à l'Université Gallaudet à Washington. En tant que chercheure qui étudie et qui aime les langues je me sens très chanceuse de pouvoir communiquer avec CAT. 

Emmanuelle [00:04:36] C'est extraordinaire. Merci. Et vous Fabrice? 

Fabrice [00:04:38] Oui. Moi, par contre, je suis d'origine ouest africaine. Je suis de la Côte d'Ivoire, précisément de l'ethnie baoulé qui fait partie de l'ethnolinguistique akan. Je dirais que au niveau linguistique, mon pays possède pratiquement plus de 60 unités linguistiques locales, ce qui est vraiment énorme. Mais la langue officielle qui est couramment parlée est le français. Je suis très passionné par les langues, surtout les langues locales, la langue de mon de mon pays et je m'inscris dans une volonté de vulgarisation de cette langue locale. 

Emmanuelle [00:05:21] Formidable merci, merci Fabrice. Alors Fabrice on a parlé au début de l'influence de l'exposition à la langue dans le développement langagier des enfants. À quel âge est-ce que vous avez vous été exposé au français? Dans quelle mesure est-ce que... quelle langue vous parliez avec vos parents à l'école du village? Comment ça se passait? 

Fabrice [00:05:43] Normalement, c'est autour de 6 ans que j'ai vraiment été exposé à la langue française, mais la majorité des enfants en zone rurale ou en zone urbaine parlent avant tout les langues locales avant d'apprendre le français durant les premières années du cursus scolaire. Pour moi et pour bien d'autres enfants de ma génération, la langue maternelle a été un atout capital dans l'apprentissage scolaire et l'acquisition des compétences, particulièrement en lecture. Lorsque j'étais petit, je parlais tout le temps ma langue maternelle avec mes parents, mes frères, ma soeur, ainsi qu'avec mes amis. À ma scolarisation, je devais parler le français à l'école et apprendre uniquement cette langue officielle. Pour mieux assimiler les nouveaux concepts dans cette langue, je devais constamment traduire cela dans ma langue maternelle. C'est un exercice qui est très complexe, mais à la longue, permet une acquisition de compétences plus efficace que celui qui fait une expérience de monolingue. C'est cette perspective qui est au cœur de nos travaux de recherche avec Kaja. En effet, nous cherchons aussi à comprendre comment est-ce que les enfants en milieu rural, privés en partie de ressources éducatives, arrivent vraiment à acquérir des compétences en une autre langue, en dehors de la langue maternelle.

Emmanuelle [00:07:06] D'accord, alors quand on vous entend, on a vraiment, on dirait voilà, il a appris le français depuis la naissance, mais vous vous dites, non, depuis l'âge de 6 ans, donc, on s'aperçoit que c'est incroyable, c'est possible et que finalement, il n'y a pas que l'âge qui importe, mais qu'il y a beaucoup d'autres facteurs qui importent dans l'acquisition des langues et l'apprentissage des langues. Vous dites, Fabrice, que votre langue maternelle a joué un rôle crucial pour vous dans l'apprentissage du français. Or, à l'époque, si je comprends bien, parce que le système scolaire a évolué en Côte d'Ivoire, à l'époque, on rentrait à l'école et il n'y avait que du français, n'est ce pas? 

Fabrice [00:07:45] Oui, effectivement, à l'école auparavant, on avait que du français. Et aujourd'hui, la politique d'éducation essaie d'intégrer à cette langue d'apprentissage les langues locales. Ce qui fait que, de plus en plus, on perçoit dans le système éducatif des enfants qui apprennent la langue locale à l'école, mais ceux là encore au stade embryonnaire et ce n'est pas vraiment développé. Aujourd'hui, au niveau de la sous région, on a un vaste programme qu'on appelle le programme Elan, qui essaie d'intégrer les langues locales dans le processus d'apprentissage des enfants. C'est vraiment une vraie révolution en matière d'apprentissage à l'école. 

Emmanuelle [00:08:35] Intéressant. Et vous Kaja, vous avez appris à lire et à écrire en anglais d'abord, n'est ce pas? 

Kaja [00:08:45] Oui, oui. Quand j'ai commencé l'école au Canada, c'est la première fois que je commence à apprendre l'anglais. La seule expérience immersive au Canada ont été la clé dans mon propre parcours. Et aussi j'ai accès à l'éducation de très bonne qualité toute ma vie. J'ai beaucoup d'opportunités d'apprendre les langues de manière différente par rapport à la Côte d'Ivoire aussi. Mais malheureusement, j'ai arrêté mon éducation formelle en polonais quand j'étais enfant. Donc maintenant, je suis un peu faible dans la culture et la lecture polonaises. 

Emmanuelle [00:09:29] Donc ça c'est très intéressant. Ça veut dire Kaja que vous avez eu la possibilité d'apprendre à lire et à écrire en polonais en même temps que l'anglais. Je me trompe? 

Kaja [00:09:40] J'ai commencé en polonais après j'ai complètement arrêté l'éducation formelle en polonais et commencé l'anglais donc je change ma langue, écriture, lecture. 

Emmanuelle [00:09:55] D'accord, donc vous avez commencé en polonais, j'imagine, avec vos parents?

Kaja [00:10:00] Oui, seulement. 

Emmanuelle [00:10:01] Seulement avec vos parents. Et en ce qui concerne Fabrice, est-ce que vous êtes, vous avez appris à lire et à écrire, alors je crois que vous avez nommé le baoulé comme votre langue?

Fabrice [00:10:11] Oui, effectivement, le baoulé est ma langue, ma langue maternelle, voilà. Mais c'est une langue comme toutes les autres langues locales en Côte d'Ivoire c'est des langues à la limite orales qui ne sont pas formellement écrites. Ceux qui ont la possibilité d'écrire ces langues, c'est les scientifiques qui les ont étudiées à l'université. Mais pour l'ensemble des populations qui pratiquent au quotidien ces langues, c'est des langues à la limite vernaculaires et assez orales quand même. 

Emmanuelle [00:10:41] Oui, donc, c'est une...c'est une question qu'on a beaucoup quand on parle avec des parents ou des instits qui nous disent toujours mais si la langue est orale, comment la faire rentrer dans l'enseignement? 

Fabrice [00:10:51] Exactement c'est intéressant parce que depuis près de quinze à vingt ans, on a eu beaucoup de scientifiques de l'Université de Félix Houphouet Boigny de Cocody qui ont travaillé longuement sur ces langues, qui ont essayé de créer des alphabets liés à ces langues. Et aujourd'hui, dans plusieurs établissements scolaires ces langues sont enseignées formellement. Voilà, c'est un processus qui est long, qui n'est pas encore achevé puisque ces langues sont toujours en développement. Et cela intéresse beaucoup d'étudiants et beaucoup de chercheurs en linguistique. 

Emmanuelle [00:11:32] Passionnant. Mais les langues sont toujours en développement, quelles qu'elles soient, puisqu'elles dépendent des humains comme nous qui passons notre temps à les écorner et les enrichir, etc. Alors Kaja vous avez obtenu, tu as obtenu l'année dernière un projet pour sept ans du CRSH, c'est un financement très prestigieux, mais aussi très ambitieux et dont le but est défini comme celui de garantir une alphabétisation complète dans un monde multiculturel et numérique. Ohlala! Quel projet! Est-ce que tu veux nous en parler un petit peu? 

Kaja [00:12:13] Oui, bien sûr. Ce projet, c'est vraiment une grande collaboration entre un groupe, un groupe merveilleusement talentueux de scientifiques canadiens. C'est pas seulement moi, c'est un grand groupe des experts. Les experts cherchent à comprendre l'alphabétisation des enfants d'une view linguistique, neuroscientifique, l'éducation aussi. Le projet connaît que les enfants apprennent d'ailleurs dans un monde qui est plus en plus multilingue et numérique et que nous devrions comprendre cette nouvelle réalité pour soutenir pleinement l'apprentissage des enfants. Ce projet pour nous s'inscrit dans la continuité d'un travail que Fabrice et moi avons mené en Côte d'Ivoire, cherchant à comprendre comment un enfant apprend à lire dans une nouvelle langue à l'école lorsque la langue est différente par rapport à la langue qui est parlée à la maison et dans la communauté. Nous avons plus en plus adopté les technologies éducatives pour offrir un programme d'alphabétisation aux enfants des zones rurales à faibles ressources. Pour faire ce type de travail, nous devons tirer parti des différentes disciplines, la connaissance de l'interaction homme-machine, la linguistique, la science d'apprentissage, tout ça ensemble. Et ça a toujours ouvert aux nouveaux supports numériques aussi. 

Emmanuelle [00:13:48] Alors, ce projet, je pense qu'il est porté par cette application qui s'appelle Allo Alphabet, n'est-ce pas? 

Kaja [00:13:55] Oui, oui, bien sûr. Fabrice est un expert du programme Allo Alphabet. 

Emmanuelle [00:14:02] Alors Fabrice, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce programme?

Fabrice [00:14:06] Effectivement, Allo Alphabet est une technologie éducative comme l'a dit tantôt Kaja où les enfants ayant des retards de compétences en lecture, principalement dans les zones rurales. Allo Alphabet fonctionne avec un serveur dans lequel nous avons développé des contenus d'alphabétisation et essayé de remettre plusieurs outils technologiques aux enfants vivant en zone rurale, précisément près d'un millier de téléphones que nous avons distribués dans près de 32 villages dans la zone Est de la Côte d'Ivoire. Et les enfants ne font que juste appeler le serveur et par la suite, ils ont accès au contenu syllabique qui a été conçu par nous. Et ce contenu syllabique faut le dire tout simplement, il a été calqué sur le modèle du système d'enseignement primaire tel qu'il est distillé en Côte d'Ivoire. Donc, ce programme mobilise au moins une technologie très innovante et l'un des volets très importants de ce programme d'alphabétisation c'est que nous intégrons les parents au suivi scolaire de l'enfant dans la progression de leurs compétences, de l'acquisition aussi de leurs savoirs. Allo Alphabet pour nous c'est vraiment un bébé. 

Kaja [00:15:38] La chose concernant Allo Alphabet, c'est une technologie qui utilise le téléphone très basique. C'est pas le smartphone, c'est pas une app, ça a besoin pas la connexion d'Internet ou des technologies un peu avancées. On a développé ce programme comme ça, parce que c'est ciblé au terrain. Dans le milieu rural, il n'y a pas beaucoup d'accès à Internet, donc on doit développer la technologie qui sont disponibles à les enfants. 

Emmanuelle [00:16:14] D'accord, je comprends. Merci de préciser ça. Donc, si je comprends bien, moi je suis parent. Donc je veux que mon enfant travaille avec Allo Alphabet. Donc je vais prendre mon téléphone, je vais faire le numéro. Là, ça va m'envoyer un certain nombre de données. Et puis quoi? J'ai un exercice que je vais faire avec mon enfant, comment ça se passe? 

Fabrice [00:16:36] Oui. Normalement quand l'enfant appelle le serveur, l'enfant reçoit une série d'exercices, et cela par depuis l'apprentissage des phonèmes jusqu'aux mots et jusqu'à la construction de groupes de mots et de phrases. Et dans l'interaction, on présente à l'enfant des exercices à la fois vocal, mais des exercices aussi test, où l'enfant doit pouvoir faire des choix selon le modèle du QCM. Voilà donc pour un enfant qui, qui...qui utilise régulièrement Allo Alphabet, cela est censé améliorer sa conscience phonologique qui est un prédicteur pour nous clé dans l'apprentissage de la lecture. 

Emmanuelle [00:17:21] Tout à fait. Donc quel type de rétroaction est-ce que les parents reçoivent? Est-ce que c'est par exemple le nombre de fois où l'enfant a utilisé le serveur ou est-ce que c'est le nombre d'erreurs qu'il a faites ou le nombre de...au contraire de questions auxquelles il a répondu de manière correcte. Comment ça se passe? 

Kaja [00:17:40] Les parents ont un système. Pour lui, ça indique quel type de questions leur enfant faire aussi ça encourage les parents à utiliser les applications avec leurs enfants pour encourager l'enfant à aller à l'école, à apprendre la lecture, les parents...Une chose intéressante c'est le système pour les parents existe en langue attié aussi la langue de cette région, donc parce que beaucoup de parents là ils ne sont pas...ils ne parlent pas le français. Ils parlent attié. Donc c'est important pour nous de mettre notre application de manière qui est accessible pour ce groupe de parents aussi. 

Emmanuelle [00:18:28] OK, donc, si je comprends bien, c'est une application qui est en français pour le français, mais qui communique dans les langues des familles. 

Kaja [00:18:37] Oui, pour les parents, il y a une section qui donne l'information en langue attié. 

Fabrice [00:18:44] Effectivement, parce que dans...en zone rurale, très peu de parents comprennent le français, alors que leur enfant est inscrit dans un processus où ils apprennent tout en français. Donc, du coup, pour le suivi scolaire, ça pose un problème d'encadrement pour le parent. Donc pour nous permettre vraiment de rendre plus pratique l'application Allo Alphabet, nous avons développé des sections liées au suivi scolaire, où le parent peut recevoir l'information, c'est-à-dire les niveaux de progression de l'enfant en langue locale ou le parent peut recevoir à quelle étape l'enfant se trouve par rapport à Allo Alphabet. Toutes ces informations, il peut le recevoir en langue locale et cela facilite vraiment l'interaction entre le parent et l'enfant dans le processus de suivi. 

Emmanuelle [00:19:38] Je trouve ça passionnant. Alors vous avez travaillé aussi sur l'impact des croyances, en particulier des parents, sur l'éducation de leurs enfants. Est ce que vous allez mesurer en fait l'engagement du parent en fonction de la réussite de l'enfant dans l'apprentissage de la littératie? Ou est ce que c'est une variable qui est ajoutée mais une valeur ajoutée n'est pas forcément prise en compte dans la recherche?

Fabrice [00:20:05] Oui, c'est pour nous c'est une variable ajoutée. C'est vrai que ce n'est pas véritablement prise en compte dans notre système de recherche. Mais une chose qu'il faut retenir, c'est qu'en milieu rural en Côte d'Ivoire, les parents sont vraiment contraints à plusieurs situations économiques et ma foi à des croyances culturelles qui les confinent dans des choix d'éducation pour leurs enfants. Ces choix souvent créent un désavantage pour la scolarisation des jeunes filles dont l'aspiration profonde est de vivre une scolarité parfaite débouchant sur un haut niveau de compétences. Pour nous, nous essayons aussi de travailler vraiment à faire tomber toutes ces barrières culturelles vraiment limitant la scolarisation des enfants, notamment des jeunes filles, au sein des communautés. Pour nous c'est vraiment un challenge dans notre programme...de notre programme de recherche. 

Emmanuelle [00:21:01] C'est très intéressant parce que c'est vraiment quelque chose qui ne se limite pas à l'Afrique. C'est quelque chose que l'on retrouve chez nous, quand je dis chez nous je parle du Canada, je parle de l'Europe. Les pays dans lesquels je travaille en particulier, où on voit ces barrières qui...donc, voilà des informations qui vont aussi nous apporter beaucoup. Je sais Fabrice que vous travaillez beaucoup pour un partenariat de recherche avec certaines universités et gouvernements en matière d'éducation nationale dans les pays en voie de développement et notamment en Côte d'Ivoire. Est ce que vous pourriez nous en parler un petit peu? Quels sont les objectifs visés? 

Kaja [00:21:43] Oui, peut-être je peux commencer un peu parce que ce thème, j'ai beaucoup de passion pour ce thème aussi. Je pense c'est vraiment important de considérer toute cette perspective. Pour moi, c'est vraiment important de faire des recherches qui représentent bien les différentes perspectives et le rôle des acteurs connaissent bien la situation locale et qui sont investis dans le résultat de la recherche. Une recherche en éducation efficace ne pourrait avoir lieu que si tous les partenaires prenants sont à la table de discussion si tu veux, pour ainsi dire façonnant activement les programmes de recherche, qui s'engagent à utiliser les résultats de recherche pour orienter, voire améliorer la politique de l'éducation. J'avais aussi dit... Une observation il y a une discordance entre l'endroit où la séance se produit et l'endroit où la séance est le plus nécessaire. La recherche en éducation la plus nécessaire dans les régions où il y a une pression énorme pour améliorer l'apprentissage et les résultats scolaires des enfants. Mais malheureusement, cette région manque également les chercheurs en éducation. En investissant dans les jeunes scientifiques, nous assurons l'avenir, la durabilité de la recherche en éducation. 

 Fabrice [00:23:20] Oui, merci, merci Kaja. Pour ajouter pour enchérir à ce que Kaja dit, moi, par exemple, je suis aussi un fruit de ce partenariat. En formant des partenariats assez significatifs, nous pouvons créer des espaces riches pour l'échange de connaissances et, en fin de compte, mener des recherches mieux mieux informées. Pour nous, l'une des parties prenantes les plus importantes dans ce processus sont les jeunes scientifiques ivoiriens qui sont en passe d'être les futurs leaders scientifiques et pédagogiques de leur pays. Il est donc important pour nous d'investir dans cette génération de scientifiques et de s'assurer qu'ils bénéficient de programmes de recherche qui renforcent les capacités de recherche. Les programmes de recherche internationaux devraient être toujours investir dans des opportunités de formation et de mentorat dédié et à long terme pour les jeunes scientifiques. Par exemple, grâce à ce partenariat tissé entre le projet de Kaja et le gouvernement de mon pays, j'ai pu bénéficier d'opportunités uniques pour un étudiant. J'ai participé à la Conférence internationale sur l'éducation et le développement de l'enfant. J'ai présenté une partie de nos travaux de recherche. J'ai pris part active..j'ai pris une part très active à l'écriture d'articles scientifiques publiés dans des revues à renommée internationale. Ce partenariat m'a permis de bénéficier de mentorats uniques dans le monde de la recherche, ce qui vraiment est très bénéfique en termes d'acquisition de compétences scientifiques, voilà je pense. 

Emmanuelle [00:25:00] Très intéressant, très intéressant. Donc si je comprends bien, vous êtes à la tête, en tout cas, d'un développement d'un réseau plus large de jeunes chercheurs africains. N'est-ce pas? 

Fabrice [00:25:11] Effectivement, effectivement. 

Emmanuelle [00:25:14] Bon, je sens que ce n'est pas le premier...pas le dernier entretien qu'on aura. Ha ha! Ha! Ha! Ha! Ha! Il y a une chose dont je voulais, sur laquelle je voulais revenir, c'est la question des politiques éducatives. On sait alors on a parlé du Kenya, du Nigeria, du Bénin, du Cameroun, de la République démocratique du Congo, du Niger, du Mali, du Sénégal, du Burundi ou même du Burkina Faso, comme des pays qui se sont engagés dans une éducation qui soit plus adaptée aux réalités linguistiques locales. Mais ce qu'on sait aussi, c'est que si ces politiques linguistiques évoluent dans un sens qui nous semble, à nous nous chercheures, positif, elles régressent aussi parce que elles dépendent des opinions des politiciens et elles dépendent des partis, etc. Comment est-ce que ça se passe, par exemple, dans le pays dans lequel vous travaillez, la Côte d'Ivoire? 

Fabrice [00:26:08] Effectivement, vous avez parfaitement raison. La politique éducation évolue selon le contexte. En Côte d'Ivoire, par exemple, de 2002 jusqu'à pratiquement 2010, nous avons connu une série de crise politico militaire qui a fait en quelque sorte que beaucoup d'investissements en termes d'éducation n'ont pas pu être réalisés et la politique mise en place par le gouvernement précédent n'a pas pu bien fonctionner. Du coup, actuellement, le gouvernement ivoirien est engagé dans une nouvelle politique qu'on appelle le plan sectoriel de l'éducation 2016-2025, qui court sur dix ans. Et dans ce plan sectoriel de l'éducation, il intègre une part active, une part très importante de l'intégration vraiment des langues locales dans l'apprentissage des enfants. C'est une politique qui, qui est à la fois dictée par l'organisation sous régionale et où les pays sont tenus vraiment de pouvoir respecter les agendas qui sont assignés par l'organisation. Donc, pour nous, c'est une perspective qui est bonne parce qu'elle s'aligne directement sur notre programme de recherche et nous disons que c'est vraiment pour nous un enjeu scientifique du moment de travailler sur ce matériel actuel. 

Emmanuelle [00:27:37] Très intéressant. Alors est-ce que ça veut dire que votre application Allo Alphabet est une application que vous allez...parce que pour le moment, il y a uniquement le français, n'est-ce pas? 

Fabrice [00:27:45] Oui, pour le moment, il n'y a que le français. A long terme, peut être, puisque nous sommes actuellement en partenariat avec le ministère de l'Education nationale, donc l'un de nôtre...l'un de nos...de la mission qui nous est assignée, c'est de reverser les connaissances scientifiques issues de ce programme de recherche au bénéfice du ministère de l'Education nationale de mon pays, qui pourra par la suite faire la mise à l'échelle de ce programme de recherche sur toute l'étendue du territoire. Et bien évidemment, si il y a mise à l'échelle, cela dit, cela veut tout simplement dire qu'il va falloir peut être intégrer d'autres paramètres de peut être même de développer d'autres contenus plus adaptés en langues locales, plus adaptés au contexte spécifique de mon pays. Comme je vous l'ai dit tantôt, mon pays dispose de plus de 60 langues locales, ce qui est énorme et adapter tout ce contenu dans ces différentes langues là serait encore un travail très ardu mais très passionnant. 

Emmanuelle [00:28:53] Oui, tout à fait. Je comprends très bien l'implication de ces perspectives que vous avez mentionnées. L'une des perspectives que je n'arrive pas encore tout à fait intégrer au but, l'objectif de la recherche, c'est la perspective des neurosciences. Alors, peut-être Kaja vous...tu peux nous expliquer dans quelle mesure est-ce que la perspective des neurosciences est un vrai plus par rapport aux réponses qu'on veut apporter aux questions qu'on se pose.

Kaja [00:29:25] Oui, oui, c'est une très bonne question, Emmanuelle, merci parce que normalement, la recherche de l'éducation, vraiment, ne concerne pas, ça concerne pas avec la neuroscience. Mais il y a beaucoup des informations qui ont pour gagner avec les approches neuroscientifiques qui on peut utiliser dans le thème d'éducation. Par exemple, si tu juste faire les études avec les données comme tu dis en français behavioral, c'est juste la réponse d'enfant, par exemple sur le test oui, ça, ça peut t'informer mais il y a des autres informations dans le cerveau qu'on ne voit pas avec cette approche, par exemple les enfants qui utilisent une autre ressource cognitive neurale pour faire sa tâche ou peut-être il fait sa tâche de manière différente qui indique une différence d'apprentissage. On peut seulement voir ça avec les technologies de neuroimagerie, imagerie célèbrale pardons. Donc, pour nous, la chose qu'on a développée dans le cadre de notre programme c'est de effectivement prendre les approches neuroscientifiques qui sont à la majorité juste à la labo, au juste à l'hôpital, dans les pays riches Ouest, au Canada, aux États-Unis, en Europe. Mais il n'y a pas de bons raisons pour nous pourquoi on ne peut pas utiliser cette même approche dans les pays comme Côte-d'ivoire sans prendre la même technologie dans notre labo, c'est le Functional near-Infrared Spectroscopy en français, je ne sais pas, pardons, mes excuses. Mais c'est une approche qui peut montrer l'activité de du cerveau en différentes régions du cerveau. On a développé une approche qui nous permette de utiliser ça au terrain rural. Son labo sur l'électricité sont une salle, bonne salle de recherche ou d'expérimentation et on a incorporé cette approche sur notre programme de recherche aussi.

Emmanuelle [00:31:46] Donc en fait, est-ce que la question c'est de savoir si les avantages cognitifs du bilinguisme sont affectés par les facteurs socio économiques ou non? Est-ce que c'est ça, la question? 

Kaja [00:32:00] Oui, bien sûr, par exemple, les capacités cognitives des fonctions exécutives, par exemple, qui permettent à un enfant de focaliser leur attention ou de mémoriser les informations, manipuler l'information dans sa environnement, cette région qui soutenir cette capacité de prefrontal cortex préfrontal, cette région du cerveau est vraiment sensible des impacts négatifs dans les environnements d'enfants comme la pauvreté, notre type d'adversité, la mauvaise nutrition...des choses comme ça. Donc, on peut noter les impacts de l'environnement sur la capacité du cerveau. Concernant le bilinguisme par exemple, nous avons fait beaucoup des études...dans notre discipline il y a beaucoup des études qui montrent que le cerveau de bilingue a un avantage par rapport au cerveau de monolingue. Sa capacité d'apprendre une troisième langue, par exemple, c'est un peu facile pour un bilingue qu'un monolingue. Aussi, sa capacité d'apprendre la lecture, c'est un peu facile, il y a beaucoup de choses qui ont... mais je veux dire, ce thème de recherche c'est..it's infancy.  Nous sommes juste au début de cette approche neuroscientifique dans l'éducation. Donc, ça reste beaucoup de travail à faire de vraiment réaliser en plein tous les objectifs. 

Emmanuelle [00:33:39] J'imagine que ça a du faire sourire, Fabrice, quand vous avez dit le bilinguisme est un avantage pour une troisième langue, parce que quel est le nombre moyen de langues parlées par un Côte d'Ivoirien? Un Ivoirien? 

Fabrice [00:33:55] Le nombre moyen normalement, il est 2. C'est-à-dire le français qui est la langue officielle et la langue maternelle, voilà. Et même on trouve d'autres Ivoiriens qui en plus de ça qui parlent l'anglais et même d'autres langues...langues locales. Ça, c'est vraiment une particularité. Moi par exemple, puisque je comprends le baoulé, je comprends aussi l'agni qui est la langue maternelle d'origine de mon père et la langue maternelle d'origine de ma mère qui est le baoulé. Donc, je comprends ces deux langues locales là. En plus de ça, le français et un tout petit peu l'anglais. 

Emmanuelle [00:34:40] Donc, est-ce que le fait que vos parents vous parlaient baoulé tient au fait que vous habitiez dans une région baoulé? 

Fabrice [00:34:49] Non, pas forcément. Cela se justifie tout simplement par la présence de l'enfant dans la cellule familiale, puisque ce qui est communément apprécié ici, c'est que souvent, il y a beaucoup de parents qui n'habitent pas dans la localité d'origine, mais dont les enfants apprennent la langue parce que en étant dans la cellule du ménage, dans la cellule familiale, les parents parlent continuellement la langue, préfèrent plutôt parler la langue maternelle à l'enfant et souvent rarement le français. Et le français, il est carrément parlé dans l'administration et à l'école. Mais dans les rues d'Abidjan ou dans les rues des autres localités du pays, c'est vraiment la langue locale qui domine en permanence. 

Emmanuelle [00:35:40] Est-ce que vous rencontrez un accueil positif des éducateurs en Côte d'Ivoire? Par rapport à votre travail?

Fabrice [00:35:49] Oui, puisque régulièrement, nous échangeons les résultats de nos travaux avec le ministère de l'Éducation nationale, avec qui nous sommes en partenariat et régulièrement nous les informons de nos avancées, de nos difficultés et ainsi de suite. Nous avons vraiment un partenariat très solide, un échange scientifique qui fait que le ministère utilise souvent des éléments de connaissances issus de notre recherche pour implémenter déjà certaines actions ou certaines politiques d'éducation. 

Emmanuelle [00:36:29] Dans cette émission, on aime bien avoir ce regard réciproque, c'est-à-dire avoir l'avis de nos invités sur notre propre système d'éducation. Alors, est-ce que je peux vous demander quel regard vous portez sur l'éducation dite dite bilingue au Canada? 

Kaja [00:36:48] Sa vocation...je pense le Canada a une vision positive concernant l'éducation bilingue parce que nous sommes un pays qui embrasse la diversité linguistique, la diversité culturelle. Cette approche canadienne s'était réalisée dans notre système éducatif concernant le bilingue, c'est aussi important de notre recherche...il y a pas juste notre recherche, même beaucoup d'autres recherches montrent que l'exposition à une langue secondaire est optimale pour l'apprentissage. Et aussi, surtout l'exposition à une langue, à une double langue en même temps, ne perturbe pas un enfant. Nous devons veiller à ce que les enfants aient la possibilité de commencer à apprendre la deuxième langue très tôt.

Emmanuelle [00:37:42] Et même apprennent à lire en deux langues très tôt, n'est-ce pas? 

Kaja [00:37:46] Oui. 

Emmanuelle [00:37:47] Fabrice, votre regard sur l'éducation bilingue au Canada? 

Fabrice [00:37:51] Je pense que c'est une très, très, très bonne avancée, une très bonne initiative. Je pense qu'à ce niveau, vraiment mon pays a beaucoup à apprendre de l'expérience canadienne en instituant véritablement les langues locales comme des langues d'apprentissage, voilà. Donc la Côte d'Ivoire, comme je vous l'ai dit a beaucoup, beaucoup, beaucoup de langues donc il faudra d'abord que le gouvernement s'accorde sur lesquelles de ces langues à promouvoir parce que sur 60 langues il va falloir choisir, ne serait-ce que quelques-unes pour les promouvoir et développer aussi des supports didactiques et de formation des formateurs, c'est-à-dire des enseignants, préparer des curricula pour tous les niveaux de formation. C'est un challenge et je pense que à ce niveau, la Côte d'Ivoire a beaucoup à apprendre vraiment de l'expérience canadienne. 

Emmanuelle [00:38:44] Eh bien moi, je pense l'inverse aussi. Nous avons maintenant, comme le disait Kaja, le Canada est un pays qui embrasse la diversité et donc il y a énormément de langues de famille dans l'éducation, même si elles ne sont pas utilisées comme telles, mais elles sont représentées par les individus et les familles. Et en fait, nous devons encore apprendre à communiquer avec ces familles, à mettre en valeur ce patrimoine linguistique et culturel. Je pense qu'il y a beaucoup à recevoir dans la connaissance réciproque. Une question que je pose souvent à mes invités : quelles sont les personnes qui vous ont le plus marqué dans votre parcours, à la fois parcours de vie et en même temps, parcours scientifique?

Kaja [00:39:34] C'est difficile pour identifier juste une ou quelques personnes. Pour chaque academic, pour chaque scientifique, il y a plusieurs personnes qui fait beaucoup d'influence sur sa perspective et son travail. Pour moi, en travaillant avec un groupe de chercheurs diversifiés et de chercheurs diversifiés, j'apprends toujours, je suis continuellement au défi. En tant que scientifique c'est important pour moi d'être entourée de collègues, de mentors qui vous challengent toujours. 

Fabrice [00:40:13] Oui, effectivement, comme carrière, c'est un environnement spécifique de travail qui favorise à chaque fois des perspectives nouvelles. C'était par exemple grâce à l'environnement riche que nous avons pu développer avec cette diversité ethnoculturelle, ethno linguistique de tous nos assistants de recherche que nous mobilisons sur le terrain. Certains des étudiants américains sont arrivés même à parler ne serait-ce qu'un tout petit peu le français et même, ma foi, des langues locales et c'est très intéressant. Dans mon parcours beaucoup de personnes vraiment m'ont marqué à vrai dire. Dans le domaine de la recherche scientifique en dehors bien sûr de Kaja pour qui j'ai une profonde considération, mais je parlerai de mon professeur, de mon professeur de recheche et mon professeur titulaire de sociologie parce que je suis sociologue aussi de formation, le professeur Yao Gnabeli Roch, qui a été mon directeur de thèse de doctorat. Vraiment ces orientations m'ont permis d'entreprendre des recherches dans le domaine de la sociologie de l'épargne parce que fondamentalement, je suis sociologue de l'épargne et des dépenses de consommation des ménages de producteurs de cacao. Ces orientations dans ces recherches doctorales là vraiment m'ont permis de comprendre un contraste très important de mon pays, qui est d'ailleurs le premier producteur mondial de cacao. Vraiment, ce contraste est que vraiment les producteurs de cacao qui constituent le premier pourvoyeur de richesses du pays, vivent dans une extrême pauvreté pour la plupart, en dépit de cette pauvreté et de la faiblesse de leurs revenus, ceux-ci disposent quand même d'une marge, d'une marge de manœuvre, d'une source d'épargne à même de financer le développement et même la politique d'éducation et les infrastructures éducatives vraiment de la Côte d'Ivoire. Donc c'était vraiment un clin d'œil, vraiment, sur ce travail de recherche qui, pour moi aussi, est très important. 

Kaja [00:42:20] Et ces producteurs de cacao ils sont les parents de notre enfant qui on discute avant..c'est la même famille.

Fabrice [00:42:29] Effectivement, effectivement, c'est quelque chose qui c'est rejoint parce que notre programme Allo Alphabet travaille avec les enfants et moi, j'ai eu l'occasion de travailler plutôt avec les parents dans mon projet personnel de recherche. 

Emmanuelle [00:42:43] Je voudrais inviter nos auditeurs à aller voir votre site en ligne sur Allo Alphabet. On voit par exemple une vidéo en accéléré de mise en place d'une tente de test, j'imagine neurolinguistique, qui était fait dans ces tentes avec des enfants qui portent des casques pour pouvoir attester. C'est absolument dépaysant. Si on devait lire un ou deux articles pour mieux comprendre votre travail, alors je sais pas à qui poser la question puisque j'ai l'impression que vous publiez beaucoup ensemble. Donc, peut-être vous avez envie de répondre tous les deux. 

Kaja [00:43:27] Oui, parfois... Fabrice et moi nous publions ensemble beaucoup pour la recherche concernant le thème bilinguisme au Canada. Je peux suggérer un article dans la review Child Development publié en 2018. C'est concernant les enfants qui sont bilingues, les enfants qui sont monolingues et comment ce bilinguisme à une influence sur l'apprentissage de lecture au Canada. Sur le thème du bilinguisme, éducation bilingue en Côte d'ivoire nous avons un article qui est venu et je vais répéter le public de consulter notre site...Aussi il y a quelques articles concernant Allo Alphabet. Peut-être Fabrice tu peux nous suggérer? 

Fabrice [00:44:23] Oui, je pense que je peux vous suggérer déjà deux articles. On a écrit un article déjà en 2019, qui s'intitule Chacun apporte son grain de sel. Concevoir pour l'engagement des parents peu alphabétisés avec une technologie d'alphabétisation mobile en Côte d'Ivoire. C'est un article très intéressant qui met en lumière un peu comment est-ce que les parents apportent le support, le soutien dans l'apprentissage de leur enfant. C'est pas évident en zone rurale parce que les parents sont souvent confrontés à d'énormes difficultés économiques, aux tâches agricoles et en dépit de tout ce fait là, ils doivent pouvoir trouver du temps pour encadrer leur enfant donc c'est un article très intéressant que j'invite tous les auditeurs à pouvoir parcourir et lire. Et puis aussi, nous avons publié un dernier article en 2020 sur un kit d'évaluation linguistique, voilà des compétences orales chez les apprenants du primaire en langue ivoirienne, c'est-à-dire en langue attié, abidji, baoulé et bété. Quatre langues en Côte d'Ivoire et tous les scientifiques du monde entier peuvent utiliser ce kit là pour évaluer les enfants dans ces quatre langues locales. 

Emmanuelle [00:45:40] Extraordinaire. Merci beaucoup. Vous pourrez nous envoyer les liens vers ces articles pour qu'on les publie sur le site. Dernière dernière question si vous pouviez rêver d'un système éducatif idéal, à quoi est-ce qu'il ressemblerait? 

Kaja [00:45:58] C'est une très bonne question, Emmanuelle. Pour moi je pense et pour nous tous, ce système éducatif idéal c'est un système qui est égal, inclusif et de très bon qualité. Cela signifie un système qui est accessible pour les enfants qui parlent une autre langue que la langue d'instruction. C'est un système qui soutient cet enfant aussi, un système éducatif qui soutient à la fois les filles et les garçons et qui est accessible à tous les enfants quel que soit le contexte économique.

Emmanuelle [00:46:35] Merci. Est-ce que c'est pareil pour vous Fabrice? 

Fabrice [00:46:39] Oui, je pense que pour moi, c'est une perspective très intéressante. C'est-à-dire que il est important au moins de souligner que le système éducatif idéal ne doit pas être différent entre le Canada et la Côte d'Ivoire par exemple. Il nous faut penser de plus en plus à une éducation mondiale et inclusive afin de créer des nouveaux citoyens du monde qui devront être égaux en droit, bénéficiant des mêmes opportunités et des mêmes conditions. À ce seuil idéal nous arriverons à créer un monde où il n'y a pas les citoyens de seconde zone, respectueux de l'environnement, partageant les valeurs et l'équilibre de...je dirais même d'un ordre mondial. Donc, pour moi, c'est un système certes idéaliste, mais je pense qu'il faut rêver pour avoir vraiment un système intégré. 

Emmanuelle [00:47:31] Ben oui, le monde et en particulier le monde éducatif appartient à ceux qui rêvent. Merci beaucoup pour ces beaux mots. Je pense que oui, nous rêvons tous d'un système qui soutienne tous les enfants et qui donne les mêmes chances à tous les enfants, y compris à ceux qui parlent une autre langue que la langue de scolarisation. Merci beaucoup Kaja et Fabrice pour cette merveilleuse interview et on va suivre l'évolution de vos recherches avec beaucoup, beaucoup d'intérêt. Et tenez-nous au courant, surtout tenez-nous au courant. Alors ici Fabrice, en Ontario, on dit au plaisir! 

Fabrice [00:48:07] Vraiment merci et vous aussi, tout le plaisir était pour moi. 

Kaja [00:48:10] Oui, moi aussi. Merci Emmanuelle. 

Fabrice [00:48:15] Vous avez aimé cet épisode? Faites-nous part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par courriel à crefo.oise@utoronto.ca.