Quoi de neuf ?
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Être une femme, une entrepreneure et une voix qui porte : entretien avec Virginie Lebeau
Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO, rencontre Virginie Lebeau, Fondatrice de Femm Doubout.
Virginie Lebeau est une entrepreneure passionnée et engagée, dont le parcours est marqué par la résilience, la créativité et la volonté de transformer les défis en leviers de changement. Fondatrice de Femm Doubout, elle met son énergie et son expertise au service de l’autonomisation des femmes, en créant des espaces de dialogue, de transmission et de solidarité. Animée par un profond désir de redonner confiance et de bâtir des communautés plus inclusives, Virginie partage son histoire et son expérience pour inspirer d’autres femmes à se tenir debout, à affirmer leur voix et à prendre leur place. Son travail allie engagement social, entrepreneuriat et authenticité, faisant d’elle une figure inspirante qui porte haut les valeurs de force, de partage et de résilience.
Joey 00:00
Dans cet épisode, Amal Madibbo, membre du CREFO rencontre Virginie Lebeau, fondatrice de Femm Doubout.
Virginie 00:06
Que ça soit au Canada, que ça soit en France hexagonale, que ça soit en Afrique, que ça soit en Amérique du Sud, on a vraiment un regard posé partout en termes de géopolitique et de géostratégie.
Joey 00:19
Bienvenue à Quoi de neuf?
Amal 00:20
Bonjour tout le monde, partout dans le monde. Ici Amal Madibbo du CREFO à OISE de l'université de Toronto. Aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir Mᵐᵉ Virginie Lebeau qui nous joint à partir de la Martinique. Mᵐᵉ Lebeau est championne de l'entrepreneuriat au féminin. Elle est la fondatrice et la présidente de Femm Doubout, un réseau qui permet de promouvoir les femmes entrepreneures et son organisme est en Martinique et qui œuvre partout dans le monde. Mᵐᵉ Lebeau bienvenue.
Virginie 01:17
Merci de m'accueillir chez vous, on va dire, du côté de Toronto mais aussi on va dire partout aussi dans le monde, partout auprès de ceux qui vont écouter ce podcast. Alors championne de l'entrepreneuriat, je vais quand même juste rectifier, on va dire plutôt spécialiste des questions entrepreneuriales et de la réalité entrepreneuriale. Ça c'est vraiment très important dans ce monde où, on va dire, quasiment chaque minute, il y a des coachs qui apparaissent pour justement accompagner des entrepreneurs. Nous, on est un peu des vieux de la vieille à parler justement d'entrepreneuriat au féminin depuis plus d'une quinzaine d'années et ce n'est pas rien.
Amal 02:00
Et donc ça veut dire que vous êtes championne madame Lebeau.
Virginie 02:04
Disons que si je suis championne, ça veut dire que le marathon, il est constant. Il faut vraiment être toujours en train de s'actualiser puisque le monde bouge et l'entrepreneuriat est aussi sans cesse en mouvement, on va dire.
Amal 02:22
Oui, certainement. Donc comme j'ai dit, vous êtes la fondatrice et présidente de Femm Doubout. Qu'est-ce que Femm Doubout, madame Lebeau?
Virginie 02:32
Alors, Femm Doubout justement c'est un réseau associatif qui existe depuis maintenant 2009 qui a pour but depuis tout ce temps de favoriser l'accès à la culture entrepreneuriale auprès des femmes, notamment dans les départements français d'Amérique, on va dire Martinique, Guadeloupe, Guyane et Île de la Réunion, vulgairement on va dire plutôt territoires d'Outre-Mer dans le jargon français, mais même au-delà de nos frontières, puisque en 2014 précisément, j'ai eu cet honneur de recevoir cette distinction d'être ambassadrice de la francophonie des Amériques, décernée par le Centre de la francophonie des Amériques et c'est vrai que ma perception notamment du monde à travers la francophonie a énormément changé et ça m'a donné un plus et un regard neuf qui n'est pas des moindres. Donc Femm Doubout, pour répondre à ta question initiale Amal, c'est un mot avant tout créole qu'on retrouve dans différents créoles, qu'ils soient haïtiens, réunionnais, martiniquais, où je suis basée ou encore guadeloupéen ou guyanais ou peut-être même au niveau de la Louisiane, qui sait. C'est un mot qui exprime le fait qu'une femme puisse tomber plusieurs fois mais aussi pouvoir avoir cette capacité de se relever autant de fois. Donc, c'est qu'elle peut porter énormément de charges, d'épreuves sur ses épaules et elle trouvera toujours une solution pour pouvoir s'en sortir. Donc pour moi, ça avait beaucoup de sens lorsque j'ai créé ce réseau de femmes d'affaires Femm Doubout de pouvoir l'appeler ainsi et que ça puisse accompagner justement ces femmes qui souhaitent gagner en autonomisation, à la fois financière, professionnelle mais aussi personnelle, qu'elles puissent justement se référer à notre réseau, déjà par cette appellation culturelle créole, que je ne me suis pas appropriée mais que j'ai voulu partager justement à travers mon expertise qui vagabonde à la fois au niveau de la France hexagonale, au niveau des territoires d'Outre-Mer, mais aussi au sein du marché d'affaires francophones.
Amal 05:15
Donc pourquoi l'entrepreneuriat et pourquoi l'entrepreneuriat au féminin? Pourquoi est-ce que ça vous intéresse?
Virginie 05:22
Disons que je suis tombée petite dans la marmite. J'ai des parents qui étaient commerçants. J'ai toujours été, petite, dans les pieds de ma maman, de mon papa en entreprise et voir un peu cet univers de près. Et je ne me suis jamais dit, grande, je serai fonctionnaire ou autre. Pour moi, le côté commercial faisait déjà écho. À un moment donné, j'avais vraiment et fortement envie d'être avocate, mais avocate en droit des affaires commerciales. Donc vous voyez, il y a toujours cet aspect entrepreneurial qui est là. Et puis ça s'est voulu tout seul. Dès mes 15 ans, j'ai commencé à faire mes petits jobs d'été, on va dire, dans des grandes structures et j'ai réussi à apprendre, en très peu de temps, différents métiers phares, donc être au cœur de l'entreprise. Et là tout de suite ça m'a gagnée et quand je retournais sur les bancs de l'école, je ne me sentais pas bien. Je me disais non mais qu'est-ce que je fais là? Non non non, il faut que j'y arrive très vite et très tôt, j'ai eu des opportunités, je les ai saisies et puis surtout à un moment de ma vie, j'ai quand même travaillé pendant quelques années aussi entouré de ma famille. Alors c'est vrai que, des fois, on peut se dire c'est une chance. Oui, ça l'est. Mais c'est aussi beaucoup de contraintes parce que c'est aussi encore un peu plus d'exigence. On attend beaucoup de vous. Il faut aussi montrer de quoi on est capable. Et à ce moment-là, mon père a été mon mentor qui, je vais faire une petite parenthèse au passage, n'a pas vécu à Toronto mais notamment à Vancouver, à Montréal et notamment au Yukon, donc avant de venir s'installer en Martinique et de rencontrer ma maman et de fonder leur famille ensemble. Donc vous voyez, si vous voulez, c'est déjà dans ma fibre. Cet entrepreneuriat, il était déjà là, de par cette petite anecdote que je vous donne parce qu’entreprendre c'est un grand mot. Entreprendre, on peut le définir à toutes les sauces, on peut entreprendre sa vie, on peut entreprendre un projet dit personnel, on peut entreprendre un projet professionnel mais en se disant on veut avoir une carrière à titre salarial, c'est depuis quelques années que ce mot entreprendre c'est vulgariser, c'est démocratiser parce que dans mon enfance, quelqu'un qui entreprenait c'était une personne qui, notamment en France hexagonale, était une personne qui était dans le bâtiment, dans le secteur du bâtiment. On faisait bien le distinguo entre un chef d'entreprise et un entrepreneur. Maintenant, quand on parle d'entrepreneuriat, tout de suite les portes s'ouvrent. On parle d'entrepreneurs à succès, on parle de réussite, mais, des fois, on parle un peu moins des échecs ou des étapes de vie. Et c'est tout ça qui nous donne l'envie, qui nous fait vibrer, qui nous donne cette passion d'accompagner des femmes à justement mettre en œuvre leur projet, soit dans l'instant, soit de l'ici et maintenant ou soit leur projet de vie, mais en tout cas leur donner les moyens nécessaires en leur faisant découvrir la réalité du terrain. Et je vais même souligner ce mot parce que comme je vous l'ai dit en préambule, on a vu apparaître beaucoup de coachs en développement personnel, en accompagnement d'entrepreneurs mais des fois, il faut parler de sujets tabous, de sujets qui fâchent et de ce qui se passe au cœur de l'entreprise parce que créer un business, c'est aussi être confronté au quotidien à des montagnes russes. Donc c'est vraiment un ensemble et l'entrepreneuriat au féminin, c'est parce que je suis une femme. J'ai longtemps, dans ma carrière professionnelle, évolué dans une activité qui était beaucoup plus masculine, même très très très masculine, avec très peu de femmes et j'ai été confrontée effectivement à quelques barrières avec ce fameux plafond de verre dont on parle jusqu'à maintenant, en 2025. Et là aussi, je me suis dit si mes différentes expériences peuvent servir et contribuer à ce que d'autres qui soient un peu plus jeunes ou qui ont peut-être un même vécu que moi puissent éviter certaines choses, pourquoi pas? Donc l'entrepreneuriat au féminin, oui mais sans être féministe pour autant.
Amal 10:42
Ok. Donc justement on sent cette passion dans vos souliers. Donc comment est-ce que vous mettez cet entrepreneuriat en œuvre? Là je vois, je lis que vous évoquez des carnets, des kits de business, business training ainsi de suite. Comment est-ce que vous fonctionnez au juste?
Virginie 11:04
Ben justement, à travers notre réseau associatif, dont je rappelle je suis la fondatrice, j'ai mené plusieurs actions au départ, des actions qui étaient très simples, mais on remonte à quand même plus de 15 ans de cela où maintenant ça paraît très simple de se dire Internet et abordable à tout le monde, ce qui n'est pas toujours le cas. Si je prends l'exemple, nous nous sommes les territoires d'Outre-Mer, donc les départements français d'Amérique. Nous sommes des îles le plus souvent, donc on connaît ce que c'est que l'insularité et ça peut nous contraindre à certaines choses par rapport au fait que nous ne sommes pas à proximité de la France hexagonale dont nous sommes rattachés puisque nous sommes français et nous sommes aussi européens. Donc on est contributaires de beaucoup de choses séparées par cet océan Atlantique et nous sommes obligés, en fin de compte, de ruser de malice justement pour pouvoir encore mieux entreprendre. Donc au départ, quand j'ai créé Femm Doubout, c'était non pas un blog, mais c'était un vrai site internet d'actualités, de conseils, d'astuces, d'articles, d'interviews et une référence de l'entrepreneuriat tout court, ensuite de l'entrepreneuriat au féminin parce que on n'en parlait pas, c'était pas une expression qui était courante. Donc au départ, quand moi je l'ai utilisé, beaucoup ont été attirés, se sont dit c'est quoi, qu'est-ce qu'on fait et autres. Donc j'étais, on va dire un peu une précurseures en tant qu'influenceuse d'entreprise, finalement. Si j'avais eu à me définir à cette époque, c'était ça. Je parlais de tendance d'entreprise, je parlais des réalités d'entreprise, comme je l'ai dit un peu en amont. Quand je parle de réalité d'entreprise, c'est qu'on aime bien dire tel entrepreneur, il a réussi, c'est formidable, son entreprise gagne tant de millions. Mais comment il a réussi? Combien d'années que ça lui a pris pour réussir? Quelles sont les embûches qu'il a rencontrées? Donc si vous voulez, moi pendant très longtemps, mes actions étaient autour de cet aspect digital. Ensuite Femm Doubout s'est développée justement en magazine digital toujours en mettant à l'honneur ces femmes qui avaient des entreprises, en ayant ce dénominateur commun d'être issues des Antilles françaises, de la Guyane ou encore du monde francophone. Et puis à un moment, je me suis dit il faut encore aller beaucoup plus loin. Moi, je reste toujours dans cette innovation constance et je me suis dit, il faut faire mon incubateur. Alors des incubateurs d'entreprise, il y en a énormément, que ça soit de par chez vous, que ça soit de part chez nous, mais je voulais quelque chose qui soit différent et j'ai voulu aussi apporter cette essence qui fait notre différence, cette essence locale. Et puis je vous parle donc de la Martinique où je suis basée actuellement, mais Femm Doubout, elle rencontre autant des femmes qui sont aussi en Guadeloupe, en Guyane, à l'Île de la Réunion, à Paris ou encore au Canada ou encore en Afrique du Sud. Donc moi, je me suis dit qu'est-ce que je pourrais apporter de plus et c'est là que j'ai eu cette idée de créer notamment une méga boîte au contenu 100 % entrepreneurial que j'ai appelé la Talentful Box et où j'ai donc aussi créé tout un tas d'outils didactiques. Donc c'est vraiment une sorte de bureau nomade que je leur offre en une boîte, donc un set, un kit d'entreprise qui est réactualisé chaque année, puisque notre incubateur nous l'avons appelé les talentueuses et notre but c'est vraiment cette éducation autour du savoir entreprendre et rebondir en conséquence des différentes crises diversifiées que l'on rencontre, à la fois au niveau local, au niveau national et au niveau international. Donc c'est vraiment toujours de l'innovation mais en prenant référence, à la fois de nos spécificités, de nos particularités conjoncturelles, mais aussi en regardant ce qui se fait ailleurs, que ça soit au Canada, que ça soit en France hexagonale, que ça soit en Afrique, que ça soit en Amérique du Sud, on a vraiment un regard posé partout en termes de géopolitique et de géostratégie.
Amal 16:24
On voit que vous avez également championné les médias sociaux et les technologies de l'information depuis longtemps en effet, quand vous avez établi Femm Doubout en 2009. Qu'est-ce qui vous a amenée à découvrir les technologies de l'information et leur usage, leur utilité en termes de leur usage?
Virginie 16:45
Alors, ça revient toujours à mon histoire de vie. Comme je vous l'ai dit, je suis née d'une famille qui a toujours entrepris. Le fait d'être avec des parents commerçants à l'heure où Internet n'était pas encore accessible à tout le monde, mes parents, ils avaient l'ancêtre, un peu les ancêtres de toutes nos technologies avant mais qui n'étaient pas des moindres entre les fax et les téléfax ou même les ordinateurs tout courts! C'était pas tout le monde dans les années 90 qui pouvait en avoir un ou même avoir un accès Internet et j'ai eu cette chance de pouvoir utiliser ces outils un peu avant l'heure, avant que ça se démocratise et que ça soit en accès libre un peu partout comme on le voit en 2025. Et puis j'ai aussi, dans mon parcours scolaire, était amenée à faire des études en informatique, avoir un bac en informatique, à me spécialiser un peu plus et après j'ai bien vu que c'était pas totalement ce que je voulais. Moi je suis quelqu'un du terrain, donc derrière un ordinateur, oui j'y suis quand même au quotidien, journalièrement, mais moi il me faut du terrain, du terrain et du terrain. Donc le commerce, c'est dans mon sang et je ne peux rien y faire. Donc les nouvelles technologies, j'ai évolué avec, je continue, je regarde de près, de loin ce qui se fait. Je ne l'utilise pas à grande dose, je l'utilise quand il le faut et de façon intelligente.
Amal 18:40
Donc vous œuvrez à l'international. Donc on aimerait comprendre davantage comment est-ce que, par exemple, entre autres, vous travaillez avec des femmes entrepreneures au Canada et en Afrique du Sud. Qu'est-ce que vous faites avec les femmes dans ces deux pays par exemple justement?
Virginie 19:00
Notre but, c'est de créer des liens et des ponts durables puisque on le sait très bien qu’évoluer en affaires, on peut avoir une belle idée, un beau projet qui est en route, en soi, mais si on n'a pas le carnet d'adresses nécessaire forcément très rapidement on peut se sentir essoufflé parce que certaines portes ne vont pas du tout s'ouvrir ou prendront du temps à l'être. Donc notre but c'est vraiment de, quand nous accompagnons des femmes, c'est qu'elles aient vraiment ce rayonnement, à la fois encore une fois local, national et international, qu'elles aient cette ambition de se dire oui, on crée une entreprise, mais est ce que demain on a cette ambition de pouvoir la dupliquer ailleurs? Est-ce que on s'est intéressé aux autres marchés, qu'est-ce que les autres marchés peuvent nous apporter et ainsi de suite. Mais bon, après, ce n'est pas une nouveauté. Je dirais que quels que soient les réseaux d'affaires qui se respectent, ils ont toujours cette réalité d'être en lien avec d'autres. Et puis c'est intéressant, d'ailleurs une de nos actions à venir, notamment pour 2026 est toujours d'avoir des délégations de femmes venant des départements français d'Amérique et qu'elles puissent découvrir ce marché d'affaires à la fois canadien, francophone ou anglophone même voir les deux, parce que c'est toujours intéressant de faire une comparaison de ce qui se fait dans un même secteur d'activités. On peut être à Montréal, avoir une entreprise et connaître quelqu'un qui est en Martinique, qui a eu la même idée, qui a eu aussi cette force de monter une entreprise mais avec des techniques et des approches différentes. Donc si on arrive à combiner les deux et si on a cette intelligence de pouvoir être toujours en veille, on peut justement s'en tirer dans ce monde des affaires qui est un monde assez brutal parfois et même très fréquemment.
Amal 21:29
Donc donnez-nous un exemple d'un projet que vous avez soutenu en Martinique.
Virginie 21:34
J'en ai beaucoup. Alors nous avons soutenu à la fois des projets qui sont dans l'ordre du domaine agricole, l'ordre du domaine digital, l'ordre du domaine purement commercial, mais si vous voulez notre rôle en soi n'est pas totalement dans la finalité. Alors pourquoi? Je vais l'expliquer puisque vous m'avez donné ce titre de championne et souvent je dis à ces femmes qui sont dans un ordre d'âge à la fois de 20 ans et qui peuvent entreprendre jusqu'à 50-55 ans. Donc c'est vraiment très très large et mon objectif est aussi de ne pas non plus séparer celles qui vont être dans tel domaine d'activité ou tel domaine d'activité. Il faut vraiment que ça soit une sorte de melting pot pour que justement qu'on puisse tout mélanger et que plusieurs idées en ressortent. Et donc quand je prends ce rapport au championnat, à cette réussite, moi je leur dis entamer votre propre marathon entrepreneurial, propre parce que moi même si je conseille, même si j'avais décortiqué le projet d'une femme que j'accompagne, je peux avoir des idées, je vais leur donner mes impressions, mais si elles ne les appliquent pas, elles ne vont pas réussir leur marathon. Il faut qu'elles s'entraînent, il faut qu'elles chutent, il faut qu'elles se fassent mal, il faut qu'elles se relèvent telle une Femm Doubout, pour qu'elles puissent comprendre que tout ne sera pas rose et qu'elles puissent justement résister et ensuite regarder derrière elles et se dire « ah j'ai réussi, peut-être j'ai pas décroché la première place dans ce marathon mais la prochaine fois je me fixais en objectif un peu un peu plus haut, un peu plus clair » et c'est pour ça aussi que je leur dis visez votre propre ligne d'arrivée parce que ma ligne d'arrivée ne sera pas la tienne Amal. Donc ça, c'est vraiment très très important donc c'est pas dans la finalité en soi, nous on leur donne des outils didactiques, on leur fait entrevoir, même voir, le plus que possible ce que c'est que l'entrepreneuriat et les coulisses de l'entrepreneuriat puisque nous allons beaucoup sur le terrain, nous leur faisons vraiment visiter, découvrir différents univers et secteurs d'activité. On a cette chance que beaucoup d'entreprises et d'industries jouent le jeu pour qu'elles puissent prendre conscience, ça va de tout ce qu'elles auront à affronter en termes de budget, en termes de communication, mais c'est vraiment un ensemble. Après, vous en avez certaines qui réussissent, donc qui vont au bout de leur premier marathon, qui vont rester sur cette victoire. Il y en a qui enchaînent plusieurs autres marathons et puis il y en a d'autres, elles n'ont pas réussi à avoir l'endurance qu'il fallait parce qu'à la moindre épreuve, elles se sont senties essoufflées et c'est là qu'elles vont voir justement qu'elles ne sont peut-être pas prêtes, en fait, pour l'entrepreneuriat tout simplement. Donc l'entrepreneuriat, c'est... si vous voulez nous quand on parle de training, c'est vraiment de l'échauffement entrepreneurial aussi qu'on leur propose. Et je pense que c'est plus important cet échauffement entrepreneurial parce que quand elles arrivent dans la finalité par elles-mêmes et non par nous, en regardant en arrière, elles vont se dire oui, on nous avait quand même prévu, on nous avait dit oui, ce serait pas facile, oui il y aurait eu ça à franchir, oui il y aurait eu ça à faire, si elles ont, bien entendu, l'honnêteté de regarder derrière elles. Mais c'est vraiment ça. Donc nos réussites, je vais pas citer des exemples, je pourrais en citer beaucoup mais moi je reste plutôt sur ce que nous souhaitons mettre en place en toute modestie, c'est vraiment accompagner ces femmes et démystifier le fait que ce n'est pas parce qu'on va mettre, notamment des femmes, on va revêtir le dress code d'une businesswoman qu'on va forcément y arriver. On peut enfiler des baskets, d'ailleurs il faut enfiler les baskets de temps en temps et c'est là aussi qu'on peut décrocher le fameux sésame et avoir cette reconnaissance de nos pères entrepreneurs.
Amal 26:18
Je remarque que vous voyagez beaucoup, entre autres, vous avez récemment participé à l'université d'été organisée par justement le Centre de la francophonie des Amériques qui a eu lieu à Vancouver au Canada. Qu'est-ce que vous avez fait dans le cadre de cet événement?
Virginie 26:38
Dans le cadre de cet événement, justement je remercie le centre de la francophonie des Amériques au passage pour leur confiance renouvelée puisque ce n'est pas la première fois donc qu'ils ont fait appel à moi. Donc ils m'ont demandé de partager mon expertise justement avec d'autres sur justement l'économie francophone et c'est d'ailleurs une réalité en étant situé en Martinique où en Guadeloupe, donc nous on a cette appellation d'Antilles françaises, c'est pas pour rien puisque on est aussi les petites Antilles, mais dans les grandes Antilles qui englobent notamment aussi Haïti, Cuba, la République dominicaine et autres, là-bas, nous la Martinique ou la Guadeloupe, on a cette proximité avec des îles anglophones ou hispanophones. Donc c'est vrai que ça pourrait être tentant en étant dans ce bassin caraïbéen de se dire ben on utilise au quotidien que la langue anglaise, alors que dans les faits et c'est aussi un peu ce que nous avons abordé lors de cette université d'été, notamment de par ma voix v.o.i.x, c'est du fait que les Français que nous sommes, que ce soit les Martiniquais, les Guadeloupéens et même les Français de France hexagonale, nous ne sommes pas des champions justement en linguistique. Nous sommes vraiment très très mauvais pour l'apprentissage des langues et même l'usage au quotidien d'autres langues. Ceux qui le font au quotidien, ce sont vraiment ceux qui ont été dans des immersions assez longues pour leur corps professionnel ou corps étudiant dans d'autres pays. Mais quand vous regardez, quand vous travaillez dans le monde de l'entreprise, on vous dit toujours combien de langues vous maîtrisez, que ce sera un atout. Mais pour notamment nos îles, on ne les utilise pas non plus au quotidien. Alors oui, si vous travaillez dans des grands groupes et que vous avez un poste phare, forcément vous allez utiliser plusieurs langues, surtout si vous avez un poste comme un acheteur ou comme un directeur interrégional. Mais sinon, en soi, vous n'utilisez pas non plus 36 langues et notre 1ʳᵉ langue reste le français, même si nous avons, de par notre culture, une autre langue qui reste à la fois officielle et en même temps informelle, qui est le créole. Donc nous avons abordé cette question d'économie francophone, de ces marchés d'affaires en français qui sont peut être moins exploités et de par mon expertise, j'ai développé cette thématique avec mes autres paires lors de cette université d'été à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Virginie 29:55
En français créole, oui, mais l'orthographe Femm Doubout en créole n'est pas la même que celle que j'ai utilisée pour mon organisme. Alors c'est totalement intentionnel parce que je voulais pas non plus prendre en charge ce mot qui n'est pas le mien finalement, mais qui faisait quand même sens pour toutes les actions que je mène et que je souhaitais mener. Donc en changeant justement l'orthographe, j'ai mis à la fois un peu de français et un peu de créole. Et ça résume entièrement mon identité parce que je suis une femme née en Martinique, donc j'ai à la fois ma mère qui est d'origine martiniquaise et mon défunt père qui était d'origine lilloise belge. Donc vous voyez, j'ai en moi toute cette part de créolité, mais aussi cette part française et le fait d'être issue, être métis et ça encore, en venant plusieurs fois au Canada, ce mot métis a eu une autre connotation que je ne connaissais pas. Moi, Métis, je connaissais ce mot et ce terme parce que j'étais issue d'une union d'un homme blanc et d'une femme noire. Quand je suis arrivée au Canada et que je découvre qu'il y a aussi une communauté métisse mais avec encore d'autres aspects, voyez on en apprend vraiment tous les jours et c'est aussi ça qui me plaît dans cette façon d'entreprendre, c'est d'approfondir sa connaissance au quotidien et c'est un peu pour ça que moi, j'ai voulu garder cet aspect de créolité parce que je vous l'ai dit, ça fait partie de mon identité. Mais mon identité, on va dire en tant que femme qui veut entreprendre au quotidien, il faut aussi qu'elle soit ouverte sur le monde. Si je reste cantonnée à mon île qui est insulaire, forcément, je ne pourrais pas entreprendre tel que je le conçois. Moi, il me faut une certaine ouverture et c'est ce que je mets en marche dans mon propre marathon journalier pour pouvoir le faire et avancer dans mes objectifs personnels et professionnels.
Amal 29:55
Et justement, vous évoquez des questions de la langue donc des questions linguistiques et vous avez bien dégagé les stéréographies du verbe entreprendre. Quelle est la signification linguistique du terme Femm Doubout qui est le nom de votre organisme, en français créole?
Amal 32:56
Comment se présentent le français, la culture francophone et le créole et la culture créolophone en Martinique?
Virginie 33:03
Alors c'est un sujet qui est très complexe, donc je vais parler vraiment en mon nom, on est bien d'accord? Je vais pas non plus parler au nom de tous les Martiniquais, c'est vraiment très...c'est une analyse et une réponse qui va être un peu difficile à avoir, mais bon c'est aussi ça qui fait qui nous sommes parce qu'on a tous un avis différent. Comment ça se présente? Alors vous savez, comme je vous l'ai dit, si on prend avant 2000, le fait de vivre sur une île, beaucoup n'avaient pas forcément voyagé à travers le monde. Bon j'ai eu la chance aussi en ayant des parents, comme je vous l'ai dit, qui étaient commerçants d'avoir toute petite pris l'avion, d'avoir pris l'habitude de voyager, mais vraiment en profondeur. J'ai eu aussi des parents qui aimaient les livres mais vraiment beaucoup et des livres sur plusieurs thématiques. Donc on oublie aussi que le livre et la lecture nous font voyager au quotidien. Donc tout ça fait que j'ai toujours eu un regard sur l'extérieur. Et la créolité, il faut la mélanger avec le fait qu'on soit français, qu'on ait aussi un passeport européen donc ce qui nous permet d'aller un peu partout en Europe, d'y vivre ou de nous y installer aussi assez facilement, de pouvoir aussi voyager de par le monde avec moins d'embûches, moins de demandes de visas à gauche, à droite. C'est pas rien, il faut quand même en prendre conscience. Et si vous voulez, c'est une question qui est à la fois récurrente, qui est problématique parce que pour pouvoir vivre notamment sur une île telle que la Martinique, il faut faire le point avec soi, faut savoir qui on est, d'où on vient, où on veut aller. Voilà, ce sont des questions qui sont en permanence posées. Alors oui, on a aussi une histoire qui est assez dure comme tout pays. La Martinique, la Guadeloupe, il y a ces questions d'esclavage qui sont là, qui sont récurrentes et qui sont prédominantes, notamment en 2025 là, aujourd'hui à l'heure où on enregistre. En France hexagonale, il y a des mouvements sociaux, en Martinique il y en a aussi et quand on parle de jours grevés, on parle aussi en l'occurrence d'esclavage et ça nous fait un rapport avec cette histoire qui est trouble, qui est encore omniprésente dans notre peau, dans nos agissements de tous les jours et autres. Mais comme je vous l'ai dit, c'est être bien avec soi et quel que soit l'endroit où l'on se situe, je pense qu'en tant qu'individu, en tant qu'être humain, ben il faut, des fois, être un peu seul et puis on fait le point avec soi-même et on regarde quelles sont nos origines, qu'est-ce que nos origines nous apportent et où on se situe. Donc ma créolité, si vous voulez, même si là je pense m'exprimer dans un français qui est jugé presque impeccable, c'est parce que je lis au quotidien, c'est parce que c'est ma langue d'usage de tous les jours mais s'il faut que je parle en créole, je pourrais très très bien parler pour vous en créole, même si j'aurais quand même un petit accent francisé pour certains qui vont juger que mon créole n'est pas assez brut, on va dire pas assez naturel, alors que je vais quand même parler créole. Je ne saurais peut-être pas l'écrire mais je saurais m'exprimer aussi bien en créole qu'en français. Donc voilà, mon identité créole elle est là, elle est là parce que lorsque je fais... je vous ai dit j'ai créé cette Talentful Box qui est donc cette méga boîte au contenu 100 % entrepreneurial, j'y ai mis on va dire, 95 % d'outils didactiques mais à côté de ça, chaque édition nous y insérons des saveurs locales. Alors comme on touche plusieurs cohortes puisque c'est un incubateur dit interrégional, donc c'est vraiment une action d'une certaine envergure à notre petite échelle, donc si je vais en Guyane, je vais y glisser des produits de la Martinique ainsi que de la Guadeloupe pour que ces femmes guyanaises qui n'ont jamais mis les pieds même si on est à 2 h 30 de la Martinique lorsqu'on est en Guyane, qui n'ont jamais mis les pieds en Guyane, qu'elles aient un peu le goût de la Martinique en bouche même si notre action première c'est l'entrepreneuriat. Mais quand on y met des produits qui seraient fabriqués en Martinique, c'est aussi parler des petites entreprises, des petits artisans et donc on contribue, à notre petite échelle, à beaucoup beaucoup de choses et c'est aussi démultiplier cette part d'identité créole, mais aussi d'identité française. Quand moi je voyage et comme je l'ai dit, je n'ai pas besoin de visa pour aller dans tel et tel pays, c'est cette identité française et cette identité européenne qui me le permet. Donc je ne vais ni cracher sur l'un ni cracher sur l'autre. Je me suis adaptée mais le fait déjà d'être enfant métissé, dès petit vous vous adaptez parce que vous devez à la fois être le reflet de votre père, à la fois être le reflet de votre mère parce que chacun ont des cultures différentes. Mais j'ai eu cette chance que nos parents nous ont jamais demandé de choisir et nous ont appris de chacun, on a appris de notre partie française et de notre partie martiniquaise. Et à l'heure actuelle, je suis Virginie, celle qui vous parle, et en termes d'identité, je suis claire avec mon histoire. Je sais que je suis Martiniquaise, quand je suis partie pour cette université à Vancouver, j'étais fière de représenter non pas à la fois la Martinique mais de représenter les départements français d'Amérique et c'est pas rien. Donc voilà, je pense qu'il faut, quel que soit le pays où l'on est et surtout en 2025, que l'on puisse, chacun d'entre nous, prendre un petit temps pour soi et savoir d'où l'on vient pour savoir où on souhaite être demain.
Amal 40:49
Donc entre autres, vous avez dit, je vous cite « le livre nous fait voyager, le livre nous fait voyager ». C'est beau ça parce que le voyage n'est pas seulement physique, n'est-ce pas? C'est aussi émotionnel, c'est spirituel, c'est intellectuel et ainsi de suite. Donc, pour conclure ce partage très riche et enrichissant, est-ce que vous aimeriez partager quelque chose d'autre avec nous?
Virginie 41:17
Je pense que j'ai un peu donné quelques leçons de vie dans ce que j'ai dit, du moins je l'espère. Moi je pense que dans cette ère justement de l'intelligence artificielle qui existait déjà mais qui est un peu plus mise en avant actuellement, je pense qu'il faut pas avoir peur de toutes ces nouvelles technologies. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'entreprendre. Maintenant, je crois réellement quand j'ai parlé d'identité, il est important justement où quand on peut avoir toutes ces technologies à disposition, on peut faire des modifications, on peut justement ne pas avoir besoin d'écrire un livre soi-même, bien qu'avant il a toujours existé ce qu'on appelait des nègres, des personnes qui pouvaient écrire des livres pour d'autres. Mais je crois qu'il faut... le mot d'ordre c'est rester authentique, c'est tout. Rester authentique, rester soi et puis ne pas chercher à imiter l'autre. Et c'est ça cette notion d'entreprendre pour moi. Vous savez, moi au quotidien, il y a des moments où je passe des nuits blanches, il y a des moments où je doute, il y a des moments où je peux perdre foi en moi-même tout en ayant cet instinct quasiment anal qui me dit : non mais pourquoi tu veux lâcher l'affaire parce que tu es sur la bonne voie, vas-y! Et moi je suis du genre à des fois être persistante. Mais quand je persiste, en finalité j'arrive à réaliser et à concrétiser ce que j'ai eu en tête. Et je crois que c'est ça qu'il faut faire, des fois vous avez des personnes qui veulent et vont dire non je ne peux pas alors oui il peut y avoir ces questions financières qu'on entreprend. Il faut pas cracher dessus. Il faut pas dire que c'est non négligeable. C'est important d'avoir on va pas commencer non plus sans rien, mais on peut avoir des bases. Et justement, ces nouvelles technologies nous donnent, comme là en ce moment, cette opportunité de parler à distance, d'être interviewé à distance et d'avoir un travail de qualité. Donc c'est ça que moi j'ai envie de dire : restez authentique, restez vous-même. Et puis si je reviens à cette base de lecture, je pense qu’encore une fois, en 2025, ce sera ultra important que ça soit en 2025 ou dans les années à venir, de ne pas perdre cette base culturelle finalement et même sensorielle du livre. Le livre fait un tout. Oui, les technologies, c'est bien, mais le livre crée des émotions, fait voyager, apprend, cultive et si on combine les deux, oui, ça fait un match parfait. Mais il ne faut pas délaisser l'un pour l'autre. Donc restez authentique et puis suivez votre petite voix intérieure qui vous dit de faire telle et telle chose et je pense que si vous l'écoutez un peu plus souvent, vous pourrez réaliser de belles choses.
Virginie 44:35
Merci beaucoup à vous pour ce temps que vous m'accordez pour justement partager à la fois ce que nous faisons au sein de Femm Doubout et des talentueuses ainsi que ce qui se passe sur mon petit bout d'île la Martinique mais en général les départements français d'Amérique.
Amal 44:45
Madame Virginie Lebeau, merci beaucoup de ce partage depuis la Martinique.
Amal 44:49
Merci beaucoup.
Virginie 45:00
Merci !
Joey 45:12
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